07/11/2009
Panama dans les années 80
Embrouilles à Panama
Gérard De Villiers
SAS n°85
Il s'agit de la réédition, cette année, d'un livre paru en 1987.
C'est peu dire que la situation politique a bien changé à Panama en vingt ans.
Il s'agit d'un roman, mais les allusions sont transparentes : Julio Chavarria, qui, dans le premier chapitre est sauvagement décapité pour avoir constitué un dossier accablant contre le général Coiba est, de toute évidence, le député Hugo Spadafora, ancien ministre, dont le corps a été retrouvé, décapité, dans la forêt tropicale, à proximité de la frontière avec le Costa Rica, en 1985.
Et, de façon transparente, sous les traits du général Coiba, il est facile de reconnaître le général Noriega, de sinistre mémoire.
Noriega, comme des centaines d'officiers latino-américains, est passé par la fameuse "Ecole des Amériques", basée à Panama, où la CIA les formait à la lutte anti-communiste. En 1983, agent de la CIA, il devient le chef des forces armées panaméennes. Le Président Barletta, élu grâce à la fraude électorale, n'existe que par l'appui que lui apporte l'armée, donc Noriega.
Comme chacun sait, tout pouvoir a besoin d'un contre pouvoir et "le pouvoir absolu corrompt absolument".
En 1987, l'année de la première parution de ce livre, il commence à être de notoriété publique que Noriega profite de sa position pour s'enrichir grâce au trafic de drogue.
Un ancien militaire affirme publiquement que Noriega a truqué les élections présidentielles et a commandité le meurtre de Spadafora. Des troubles éclatent dans le pays. Toutes les garanties constitutionnelles sont suspendues.
La presse américaine se lance dans une campagne contre Noriega, qui devient, pour le gouvernement américain, un ami gênant. La tension ne cesse de monter entre les gouvernements américain et panaméen. Noriega décide alors de surfer sur le sentiment anti-américain qui se développe à Panama à cause de l'occupation américaine du canal, prévue jusqu'en 1999 (Au moment de la construction du canal, en 1903, le Panama avait payé aux USA leur aide pour obtenir leur indépendance à l'égard de la Colombie en leur concédant, à perpétuité, une zone de 8kms de chaque côté du canal).
Trafiquant de drogue, dictateur, et en plus anti-américain, trop, c'est trop. En 1989 les Américains tentent de renverser Noriega (le livre est donc prémonitoire). Ils échouent. La guerre est déclarée et les USA envahissent Panama, où ils ont déjà, en permanence 20.000 soldats dans la zone du canal. C'est l'opération "Just Cause". Noriega se réfugie à l'ambassade du Vatican. Il est finalement arrêté et expédié à Miami, où il est condamné pour trafic de drogue. Les estimations du bilan de "Just Cause" vont de 400 à 7.000 morts.
Aujourd'hui les Américains sont partis (probablement sauf l'antenne de la CIA !), et le Panama est dirigé par un Président et un gouvernement sociaux-démocrates.
A part ça je peux confirmer, comme le raconte le livre : les mêmes rues portent, au même endroit, des noms différents, ce qui ne facilite pas le repérage ; il peut pleuvoir, beaucoup ; la spécialité locale, le "céviche", poisson blanc cru, mariné, est très bon ; le $ s'appelle toujours le "balboa" ; par contre, au milieu des gratte-ciel, les vieilles maisons coloniales du bord de mer ont disparu...
Et puis, cette phrase qui s'applique, malheureusement, à beaucoup de pays latino-américains, et d'ailleurs, touchés par le narcotrafic : "Les sommes colossales gagnées avec le trafic de drogue ont créé une nouvelle race de criminels dont la férocité dépasse l'imagination".
09:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
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