29/12/2007
Rwanda : retour sur un génocide
En fait, mélanger le génocide des Tutsis et l ' opération "Turquoise" entraîne une certaine confusion.
Quand l ' armée française est arrivée, conformément au mandat de l ' ONU, pour protéger les populations civiles, les forces tutsies de Kagamé avaient déjà pris Kigali et le pouvoir, et ce ne sont plus les populations tutsies qui fuyaient, car elles pouvaient espérer être protégées par l ' armée de Kagamé, mais des centaines de milliers de Hutus.
Le film "Hôtel Rwanda", très touchant au demeurant, masquait de la même façon le phénomène de cette fin de guerre "civile" : Kagamé n ' était pas accueilli comme un libérateur : ce n ' était pas De Gaulle en 1944 : plus de 2 millions de civils fuyaient à l ' approche de ses troupes, vers le Zaïre, le Burundi, la Tanzanie. Certains vivent encore dans ces pays, dans des camps de réfugiés.
Parmi eux il y a, il y avait, incontestablement, des génocidaires et des responsables du génocide.
Il y avait des génocidaires, parce que la folie meurtrière, armée d ' instruments agricoles comme les machettes, s ' était emparée de la population, organisée en milices villageoises, effrayée par le retour, en armes, des anciens maîtres tutsis, évincés du pouvoir par la démocratie majoritaire, conduits par Kagamé, le neveu de l ' ancienne Reine.
Il y avait des responsables du génocide, qui avaient fui, en se fondant dans la masse des fuyards.
Le but de l ' opération "Turquoise", décidée par le Conseil de sécurité de l ' ONU, était de prendre les forces de Kagamé de vitesse, pour protéger les populations hutus qui fuyaient. C ' était effectivement trop tard, malheureusement, pour les Tutsis.
Où étaient les casques bleus pendant le génocide des Tutsis ? Aux abris, à peine capable de se protéger eux mêmes. Ils avaient été envoyés au Rwanda comme garants d ' un accord de paix que Kagamé était bien décidé à ne pas respecter, car ce qu ' il voulait, c ' était conquérir le pouvoir. Quand l ' ONU a constaté que l ' accord de paix n ' était pas respecté, après le massacre d'une dizaine de casques bleus belges, elle a rappelé les casques bleus.
Dans "La danse du léopard" (Actes Sud), la journaliste belge Lieve Joris raconte comment les troupes de Kagamé ont poursuivi les Hutus à travers tout le Zaïre : les reliquats de l ' armée défaite du gouvernement déchu, mais aussi les femmes et les enfants qui étaient avec eux, mourant de faim, de maladies, d ' épuisement.
Ce "contre-génocide" n ' excuse en rien le génocide. Il n ' y a pas les gentils d ' un côté, ceux qui ont gagné la guerre, et les méchants de l ' autre, ceux qui ne sont toujours pas désarmés. Comme cela est montré dans le film, l ' armée française les a laissé partir sans les désarmer : par souci de protection des populations hutus ? Par espoir de reconquête ? Aujourd ' hui, treize ans après, ces soldats d ' infortune terrorisent les populations de l ' Est du Congo, pour survivre, ayant perdu tout espoir de rentrer en vainqueurs dans leur pays.
Il ne faut, malheureusement, pas croire que le phénomène soit spécifiquement africain : souvenez-vous d ' Oradour, dans le Limousin : les soldats de la division "Das Reich", dont de nombreux Alsaciens, enfermant femmes et enfants dans l ' église du village avant d ' y mettre le feu.
Autre reproche fait à la France et à l ' armée française : avoir soutenu le gouvernement en place. C ' est tout à fait vrai. La France avait un accord de coopération, y compris militaire, avec le gouvernement légal, internationalement reconnu du Rwanda. Mais en face, qui a formé les troupes de Kagamé ? ? Qui lui a fournit les armes qui lui ont permis de prendre le pouvoir ? Tout le monde connait la réponse : les Américains !
Le gouvernement soutenu par la France, tout légal qu ' il était, n ' en était pas moins corrompu. Les élections étaient truquées. Cela arrive, trop souvent, en Afrique.
Kagamé n ' a même pas fait semblant, pendant longtemps, d ' organiser des élections, et quand il l ' a fait, il a interdit tous les partis d ' opposition. Son armée a largement pillée les richesses de l ' Est du Congo.
Juvénal Habyarimana était un "fils de pute". Mais, comme aurait dit Kissinger, c ' était "notre fils de pute". Il a été assassiné et remplacé par un autre "fils de pute", venu d ' Ouganda. De qui Kagamé est-il "le fils de pute" ? Kagamé, et ceux qui l ' ont financé et armé, n ' ont-ils vraiment aucune responsabilité dans le déclanchement du génocide, qu ' ils utilisent, politiquement, sans scrupules, aujourd ' hui ?
08:55 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0)
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