26/08/2010
Parcours intellectuel et politique
Paris – Montpellier
PC – PSU 1945 – 1963
Emmanuel Le Roy Ladurie
Gallimard, collection « Témoins »
Emmanuel Le Roy Ladurie est professeur, d’Histoire moderne, au Collège de France, membre de l’Institut. Son « Montaillou, village occitan » l’a fait connaître, sa publication correspondant à la nostalgie du monde rural, en plein essor dans ces années d’urbanisation intensive. Il a écrit également une « Histoire du climat » en des temps où l’on ne parlait pas encore des changements de celui-ci.
Ce livre autobiographique, écrit en 1982, garde toute sa pertinence.
Loin de se dresser un piédestal, il raconte ses difficultés à intégrer l’Ecole Normale Supérieure, à obtenir sa licence d’Histoire, à décrocher l’agrégation…et ses erreurs de jugements politiques, son sectarisme parfois. « Transformé d’enfant royaliste que j’étais en petit bourgeois républicain et en professeur socialiste, avec la mutation stalinienne entre ces deux états. »
Plus attiré alors par le militantisme que par les études, il explique la fascination des jeunes intellectuels, en particulier catholiques, pour le communisme d’après guerre, le culte de Staline et de Thorez, orchestrés par la direction, et relayés avec zèle par les militants dont il était.
Il explique pourquoi de fervents catholiques pouvaient être d’aussi fervents partisans du stalinisme, avec une bonne dose de puritanisme janséniste.
« La section du PCF fonctionnait à l’image des confréries de Pénitents du XVIIIème siècle. »
Deux évènements l’ont éloigné du PC :
1) Le changement dans les relations soviéto-yougoslave, en 1955 : « J’avais cru avec trop de foi les journaux du parti quand ils disaient blanc pour avaler tout cru leurs mensonges quand ils disaient noir ». Tito n’était soudain plus un « flic » à la solde des Américains » !
2) Les évènements de Budapest, en 1956.
« Nous nous sommes baignés dans le mensonge ».
Il se cherche, mais note que les groupes gauchistes valent le PCF dans « l’obscurantisme intellectuel, existentiel, émotionnel. »
Il raconte son, bref, passage au PSU, dont il fut le secrétaire de la section de Montpellier, son score de 3% lors d’élections (j’ai connu cela également !) et son retrait définitif du militantisme partisan, à l’occasion de son retour à Paris, en 1963.
« Tout le prolétariat méridional se moquait bien de notre existence. »
Il témoigne également de ses rencontres avec certains de ses collègues, qui furent mes maîtres, comme Jean Bouvier et Madeleine Rébérioux, ou dont je lis les livres avec intérêt : Le Goff, Furet, Maurice Agulhon, Pierre Goubert (je ne connais pas mieux que son "initiation à l'Histoire de France"...
Son livre se termine par ses espoirs, et ses craintes, par rapport au communisme, qu’il croyait connaître, la gauche française se trouvant, enfin, au pouvoir.
« Cette union de la gauche aboutissait à dédouaner, à conférer implicitement un certificat d’honorabilité aux pratiques léninistes staliniennes dans les partis communistes ».
Les craintes n’étaient pas justifiées. Les espoirs, un peu quand même…
« Pratique du copinage et constitution de réseaux et maffias de pouvoir qui s’intéressaient davantage aux intérêts de ses membres qu’aux grands principes ».
« La grande supériorité du capitalisme, c’est que personne ne l’a inventé. Il n’est pas sorti tout armé du cerveau des intellectuels. »
« Laisser passer une réflexion, ou une association d’idées, sans la noter, c’est se condamner à la perdre pour longtemps dans l’invraisemblable capharnaüm de la mémoire non écrite. »
« Cette mixture de natation fraîche et de dossiers poudreux évoque pour moi l’une des images possibles du bonheur »
08:46 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique
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