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23/08/2012

C'est grâce aux hommes que la terre est belle

Géographie amoureuse du monde

 

Sylvie Brunel

 

Editions J.C. Lattès

 

 

Jamais je n'aurais pensé prendre tant de plaisir à la lecture d'un livre de géographie.

 

Je connaissais Sylvie Brunel par ses livres dénonçant le buisines humanitaire, elle qui avait longtemps été responsable de "Médecins sans frontières" puis d'"Action contre la faim".

Difficile d'ignorer qu'elle avait été l'épouse, et la mère des enfants, d'un socialiste passé chez Sarkozy.

Elle est aujourd'hui professeur à la Sorbonne (développement durable), après l'avoir été à Montpellier (géographie du développement ; j'ai épluché son livre consacré à l'Afrique, et j'en ai parlé sur ce blog).

 

C'est peut-être pour cela qu'elle commence ce livre en parlant de la Camargue ("Si la Camargue existe, c'est pour racheter Fos et La Grande Motte").

"La réinvention de la Camargue n'a pu réussir que parce que les citadins étaient avides de cultiver cet imaginaire". "La Camargue vend d'abord et avant tout du mythe parce qu'elle est d'abord et avant tout un mythe". "Il s'agit de vendre un espace présenté comme inviolé...tout en mettant en place les conditions nécessaires à l'accueil de milliers de personnes".

 

Sa démonstration est simple : non seulement l'Homme ne détruit pas la planète, mais il l'a rendu, et la rend,  habitable.

A rebours de la thèse habituelle, sa démonstration passe par l'île de Pâques. Contrairement à ce que j'ai entendu cet été à la télévision dans une émission didactique, ce ne sont pas les Pascuans qui ont rendu leur île invivable en la déboisant, mais une longue période de sécheresse suivie d'expéditions esclavagistes (péruviennes) ponctionnant la moitié de la population et introduisant sur l'île des maladies comme la tuberculose. Les Européens ont fini de dévaster le fragile écosystème en introduisant lapins et ovins.

 

Sylvie Brunel ne nie pas les problèmes : "il nous faut sans répit trouver des solutions collectives aux dysfonctionnements du monde". "L'histoire de l'humanité est celle d'une âpre lutte pour la survie". "Il n'existe pas de terre maudite. Juste des hommes qui décident ou non,  de se donner une chance de vivre mieux, ensemble sur la même planète". "Education, innovation, anticipation" sont les trois piliers qu'elle préconise, en prenant pour exemple Abou Dhabi ("le père de la gazelle") qui l'a manifestement fascinée, mais dont je ne connais malheureusement que l'aéroport...

 

Revenant de Samoa, j'ai lu avec un intérêt particulier le chapitre consacré à "la douceur et violence des îles tropicales". "L'île à cocotiers est un des produits phares de l'industrie touristique". "Les touristes croient "naturel" ce qui est en réalité le produit d'une opération volontariste de revégétalisation". La réalité est surtout faite, pour les habitants, "d'épouvantables cyclones", "violence du climat et manque de ressources". "L'isolement et l'éloignement rendent difficiles et coûteuses les activités économiques. Le marché intérieur est trop limité pour le rentabiliser".

Ressources : vendre des droits de pêche de leurs immenses Zone Economique Exclusive, vendre leurs noms de domaine Internet, vendre des pavillons de complaisance, devenir des paradis fiscaux "off shore". Les aides liées au changement climatique ont remplacé les aides coloniales puis néocoloniales. "Accuser les pays riches d'impéritie a toujours été une stratégie payante pour leur extorquer des fonds, seul change l'alibi : le climat a désormais remplacé l'impérialisme". "Les migrations séculaires, autrefois dues à la pauvreté, aujourd'hui imputées au climat". "Il existe entre les visiteurs et les visités un grand malentendu : les premiers viennent chercher ce que les seconds sont soulagés d'abandonner".

 

"Il n'y a jamais de fatalité, ni du milieu, ni des hommes. Les choix politiques et économiques déterminent l'avenir d'une nation". Sylvie Brunet donne l'exemple du Sertao, le Nord-est brésilien, semi-aride, "transformé en moins de deux décennies en un pôle de développement majeur". "La bonne gouvernance, même si ceux qui emploient cette expression y mettent une dose excessive de libéralisme : le marché et les opportunités de la mondialisation ne peuvent pas développer durablement un pays sans une vraie politique d'équité et de redistribution. L'Etat doit mener une lutte permanente contre les inégalités, porteuses de conflits sociaux". Elle salue les mesures exemplaires du Président Lula dans ce domaine, donnant un revenu minimum aux plus pauvres.

 

Concernant l'Afrique, "continent riche peuplé de pauvres",  et ses "démocratures" ("dictatures de fait revêtues des habits d'une démocratie tronquée"), "le consensus de Pékin -mieux vaut la croissance que la démocratie- a supplanté le défunt consensus de Washington". "Tout processus de croissance économique rapide creuse les inégalités lorsque la redistribution sociale n'est pas au rendez-vous". "Incorrigibles, les Occidentaux continuent de croire qu'ils savent mieux que les Africains ce qui est bon pour l'Afrique".   

 

Comme dans son livre sur l'Afrique, Sylvie Brunel termine par l'éloge du travail des paysans. "Cette nature que les citadins aiment tant est le produit de sociétés paysannes".

 

08:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

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