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16/10/2014

regards croisés sur la guerre de 14/18

Une guerre des images

1914/1918 France / Allemagne

Benjamin Gilles et Arndt Weinrich

éditions de La Martinière

 

Deux historiens, un Français et un Allemand, tous deux spécialistes de la Première guerre mondiale, confrontent leurs travaux basés sur les archives des deux agences de presse nationales, l'AFP et son homologue allemande. La guerre des communiqués et des images, "premier grand affrontement médiatique",  répondait en écho aux combats dans les tranchées.

L'invention d'appareils photos plus compacts et de la pellicule souple, ainsi que la "similigravure" pour l'impression facilitent la diffusion d'images auxquelles il est possible de "faire dire tout et son contraire", sous l'oeil attentif de la censure, de chaque côté. Les "blancs" de la censure "ont un effet délétère et entretiennent le sentiment que l'on cache tout". A moins d'une nouvelle mise en page !

L'armée allemande encourage ses soldats à prendre des photographies. Pratique interdite en France. Interdiction souvent réitérée, jamais appliquée, puisque les journaux illustrés, dont certains sont vendus un million d'exemplaires chaque semaine,  les paient bien. Elles sont jugées plus authentiques que celles fournies par les services officiels des armées. "La photographie incarne le réel". "Un déluge visuel sans précédent."

Au début de la guerre, de chaque côté, un véritable culte de la personnalité se développe autour des généraux. Aucun leader civil n'a droit à un tel honneur avant octobre 1915. En France, les généraux bénéficient de l'imaginaire napoléonien (voir le dernier livre de Lionel Jospin) et du mythe boulangiste. En Allemagne, Hindenburg et Ludendorff, crédités d'avoir "arrêté le rouleau compresseur russe" à Tannenberg, instaure la primauté des militaires sur les responsables politiques. En France, ce n'est qu'à partir de 1917, avec le retour de Clemenceau que "le régime républicain parvient à rétablir la suprématie du politique sur le militaire". "L'hégémonie visuelle des chefs militaires est atténuée".

D'importantes campagnes publicitaires assurent le succès des différents emprunts de guerre, dans les deux pays.

Alors que pour les Français, l'Allemand est le barbare, pour les Allemands l'ennemi majeur c'est l'Empire russe, et au deuxième rang la perfide Albion.

"Les fraternisations survenues sur le front occidental sont les grandes absentes des images diffusées pendant la guerre." Pas plus que les "fusillés pour l'exemple".

L'aviation, réintègre le combat individuel chevaleresque et fait l'objet d'une intense mise en images, avec ses héros : Guynemer pour nous, le "Baron rouge" pour les Allemands.

L'ampleur des ravages causés par les obus, surtout sur les églises,  les dévastations, sont les plus fréquents dans la presse.

L'arme chimique, qui a causé moins de 1% des pertes, est hyperreprésentée.

L'échec de la bataille de Verdun explique que les sous-marins occupent une grande place dans la culture visuelle allemande.

La guerre des images ne s'arrêtent pas le 11 novembre 18. Le Chancelier,  social-démocrate,  Friedrich Ebert exprime le sentiment général en Allemagne quand il déclare : "aucun ennemi ne nous a vaincus." Dans la presse  allemande, aucune image d'une armée défaite. Le retour des troupes à Berlin, en décembre, montre une armée acclamée. La droite entretien le mythe du "coup de poignard dans le dos" de l'armée.

Pendant qu'en France est montré le retour des provinces perdues en 1870.

Il n'est pas surprenant que la question des commémorations donne lieu à une nouvelle guerre des images. Au "plus jamais ça" répond "plus jamais la guerre". Hindenburg est élu président de la république en 1925. le fossé mémoriel se creusera de nouveau à partir de 1945. Il est vrai que les combats se sont déroulés essentiellement sur le sol français, où se trouvent de nombreux lieux de mémoire. L'occultation mémorielle de la Première Guerre outre-Rhin ne s'oppose pas à la tenue de grandes cérémonies franco-allemandes.

 

 

08:40 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, photos

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