20/11/2022
Annie Ernaux parle de son père
La place
Prix Renaudot 1984
Annie Ernaux
Prix Nobel 2022
folio
Le livre qui a fait connaitre Anne Ernaux.
Elle parle de son père, ouvrier devenu petit commerçant. Une "petite place au soleil." Ce récit montre que l'auteure n'a rien oublié de ses racines, même si elle regrette l'écart qui s'est creusé avec son père qui lui disait : "les livres, la musique, c'est bon pour toi. Moi, je n'en ai pas besoin pour vivre."
Pour des gens de mon âge et de mon milieu social ce récit "d'une vie soumise à la nécessité" rappelle des choses, surtout racontées par mes deux grand-mères, que je n'ai pas oubliées.
"Il aurait été indélicat de renvoyer le ventre vide les gens qui vous font l'honneur d'assister aux obsèques."
"le grand-père travaillait. Le samedi soir, il rapportait à sa femme toute sa paye et elle lui donnait son dimanche pour qu'il aille boire son petit verre"
"ce qui le rendait violent, surtout, c'était de voir chez lui quelqu'un de la famille plongé dans un livre ou un journal. Il n'avait pas eu le temps d'apprendre à lire et à écrire."
"ma grand-mère, comme les autres femmes, tissait chez elle pour le compte d'une fabrique de Rouen"
"bien que les maisons soient isolées les unes des autres par des haies et des talus, rien n'échappait au regard des gens."
"ma grand-mère ne pissait pas debout sous ses jupes comme la plupart des femmes de la campagne, par commodité"
"mon père faisait deux kilomètres à pied pour atteindre l'école. Chaque lundi, l'instituteur inspectait les ongles, le haut du tricot de corps, les cheveux à cause de la vermine. Il enseignait durement, la règle de fer sur les doigts, respecté. Mon père manquait la classe, à cause des pommes à ramasser, du foin, de la paille à botteler, de tout ce qui se sème et se récolte. A douze ans, il se trouvait dans la classe du certificat. Mon grand-père l'a retiré de l'école pour le placer dans la même ferme que lui"
"mon père est entré dans une corderie qui embauchait garçons et filles dès l'âge de treize ans. C'était un travail propre, à l'abri des intempéries. Après la sirène, le soir, il était libre"
"ma grand-mère avait perdu son père. Elle tissait à domicile, faisait des lessives et du repassage pour finir d'élever les derniers de ses six enfants. Ma grand-mère ne voulait pas qu'on lui prenne ses filles trop tôt, à chaque fois, c'était les trois-quart d'une paye qui s'en allait"
"elle a toujours eu honte de l'amour. Ils n'avaient pas de caresses ni de gestes tendres l'un pour l'autre"
"Pour faire face, surtout pas de désir"
"mon père ne buvait pas. il cherchait à tenir sa place. Paraître plus commerçant qu'ouvrier" "Il avait peur de tout perdre pour finalement "retomber" ouvrier"
"conscience de mon père d'avoir une fonction sociale nécessaire"
"toujours parler avec précaution, peur indicible du mot de travers, d'aussi mauvais effet que de lâcher un pet" "le souci de ce que penseraient les autres."
"Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas encore ma vie à dix-sept ans. Mon père disait que j'apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'était seulement travailler avec les mains"
"j'écris peut-être parce qu'on n'avait plus rien à se dire"
"il suffisait d'être "bien élevé". Ils n'ont pas cherché à savoir, comme ils l'auraient fait pour un ouvrier, s'il était courageux et ne buvait pas"
10:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
18/11/2022
Infiltré chez les islamistes
La conspiration du Caire
de Tarik Saleh
avec Tawfeck Barhom
Prix du scénario 2024
L'action se passe en Egypte, mais le film n'a pas été tourné en Egypte. Il montre un régime policier qui utilise les arrestations, les tortures et l'élimination de ceux qui sont susceptibles d'être gênants.
Le chef religieux de la prestigieuse université al-Azhar meurt. Comme pour toutes les institutions le combat fait rage pour choisir son successeur.
Combat pour le pouvoir mais aussi combat entre les religieux modérés proches du gouvernement, et les "frères musulmans".
Un jeune fils de pêcheur, boursier est chargé d'infiltré les islamistes, risquant ainsi sa vie.
11:05 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
15/11/2022
Alice Neel Réaliste et engagée
Alice Neel
un regard engagé
Centre Pompidou (Paris 4ème)
jusqu'au 16 janvier
"je peins les gens"
A contre-courant d'une époque portée sur l'art abstrait Alice Neel se veut figurative et réaliste, en particulier dans ses portraits. Réaliste : ses nus, récurrents, sans aucune idéalisation, n'ont rien d'érotique. Réaliste, à l'école du réalisme social, elle peint avec engagement, au service des déshérités. Sa peinture n'a cessé de se confronter aux inégalités ravageant la société américaine.
"Je suis du côté de ces gens, ils inspirent ma peinture". "Je m'identifie aux gens"
"En politique comme dans la vie, j'ai toujours aimé les perdants, les outsiders"
08:39 Publié dans expo | Lien permanent | Commentaires (0)
13/11/2022
Lucky Luke végétarien ?
L'arche de Rantanplan
dessin : Achdé
scénario : Jul
d'après Morris
couleur : Mel Acryl'ink
éditions Lucky Comics
Rantanplan ne comprend rien et n'a aucun odorat, mais il découvre une mine d'or qui revient à un vieil original qui a fondé une société protectrice des animaux au Far-Ouest, au milieu des élevages de boeufs, là où on ne mange que les steaks qui n'ont pour rivaux que les côtes de boeufs.
Il ne doit sa survie qu'à la vitesse de tir de Lucky Luke.
Les Indiens ne deviennent pas végétariens mais "coyotte affamé" devient "poireau agile".
J'ai été un peu gêné que le méchant de l'histoire soit un "basané" latino.
Les Dalton font de la figuration.
Un Lucky Luke dans la lignée historique, avec , comme d'habitude, des références contemporaines.
08:04 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd
11/11/2022
Arméne, terre promise
Le chant d'Haïganouch
Ian Manook
éditions Albin Michel
Haïganouch, prénom d'une poétesse arménienne rendue aveugle par un coup de sabre kurde pendant le génocide arménien par l'armée turque.
Egalement le prénom de l'épouse d'Agop, pilier du roman. En 1947, à la demande d'organisations arménienne, l'URSS organise le départ d'Arméniens volontaires depuis Marseille vers l'Arménie soviétique. Agop, influencé par un ami communiste, veut aller voir s'il peut y faire venir sa famille réfugiée dans la banlieue parisienne.
Il se rend vite compte de la réalité...et de l'impossibilité de revenir librement en France, malgré l'aide du parti arménien Dachnak. Pris dans une gigantesque rafle il se retrouve au goulag en Sibérie, avec de nombreux rapatriés de 47.
Ce grand voyage des Arméniens de France vers Erevan n'était pas inscrit dans ma mémoire. Encore moins que Christian Pineau, ministre des affaires étrangères, socialiste, se rendra sur place en 56 pendant que le Président du Conseil, Guy Mollet, restera à Moscou.
Il faudra encore un certain temps pour que Christian Pineau puisse faire revenir en France ces Arméniens français voulant revenir en France. Pineau ne sera plus ministre mais le Quai d'Orsay continuera à suivre l'affaire, jusqu'en 1960 !
Christian Pineau fut un des signataires, pour la France, du Traité de Rome instaurant ce qui deviendra l'Union européenne.
En 1979, au Parti Socialiste j'étais chargé de collationner et classer les candidatures pour être sur la liste socialiste pour les élections européennes. Je me souviens de la lettre de candidature de Christian Pineau. Je me demandais la raison du mépris du PS pour un signataire du Traité de Rome. La réponse est peut-être dans ce roman selon lequel Pineau affichait un mépris total à l'égard de François Mitterrand. Peut-être de la rancune ?
L'auteur en veut manifestement à Mitterrand d'avoir laissé faire l'opération de 47, alors qu'il était ministre des anciens combattants.
"Quand le camarde Beria a déporté 55 000 Arméniens catholiques hors de la République d'Arménie autonome, c'était pour défendre l'Arméne en la purifiant de ses éléments dissidents."
"Mon Arménie est nomade, je veux la trimballer en bandoulière dans mon coeur partout où j'irai."
07:49 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arménie, littérature