13/06/2016
Souvenirs du plan Condor
Condor
Caryl Férey
éditions Gallimard
Le "plan Condor", dans les années 70, consistait à lutter contre toutes les forces de gauche en Amérique Latine. Financé et organisé par la CIA, ses plus belles réussites furent les dictatures au Chili, en Argentine, Brésil, Bolivie, Paraguay et en Uruguay.
Après l'Argentine, avec "Mapuche", qui avait valu à Caryl Férey le prix du meilleur polar de "Lire", en 2012, l'auteur nous emmène au Chili, de Santiago, ses bidonvilles et ses beaux quartiers ("les riches y vivent entre eux, mais pas ensemble"), au désert de l'Atacama ("c'est dans ce désert que la dictature avait installé ses camps de concentration"), en passant par le port de Valparaiso, dans une histoire qui trouve ses racines dans le coup d'Etat de Pinochet et la dictature sanglante qui s'en suivi. Même si beaucoup préfère l'amnésie.
L'héroïne est une jeune Mapuche, ce peuple vivant à cheval sur l'Argentine et le Chili, dans le cône sud. "Les Mapuches ("les gens de la terre") avaient refoulé les Incas".
Caryl Férey avait obtenu six prix en 2009 pour "Zulu", roman policier se déroulant à Capetown, dans l'Afrique du Sud post-apartheid.
Vous pouvez retrouver mes notes sur ses livres précédents sur mon blog.
"L'éducation était considérée comme un bien marchand. Chaque mensualité d'université équivalait au salaire d'un ouvrier." ; "Quand on fait des études, on a plus de chances d'avoir des dettes qu'un travail"
"A soixante-sept ans, un coup d'oeil dans la glace suffit à vous rappeler que ce n'est pas avec des crèmes de jour qu'on refait surface."
"Faute de femmes, le métissage était de mise, ce qui n'avait pas altéré un racisme latent."
"Il n'y a que les aristocrates pour se moquer de l'avenir"
11:17 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
23/05/2016
Algérie et fabricants d'armes
Paix à leurs armes
Olivier Bottini
éditions Black Piranha
Le représentant d'une importante entreprise allemande de fabrication d'armes est enlevé en Algérie.
Le gouvernement accuse les islamistes d' AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique).
Le policier, allemand, en poste à l'ambassade allemande d'Alger veut y voir de plus près, sans l'autorisation des autorités algériennes.
Le personnage principal du roman n'est pas le policier mais l'Algérie et ses plaies mémorielles : l'occupation française, la guerre de libération, l'armée au pouvoir depuis l'indépendance, la décennie sanglante de lutte contre les islamistes ("la décennie noire"), les démocrates marginalisés.
"A 18 ans, les fils sont difficiles. Ils aimeraient être quelque chose, mais ne sont encore rien. De tristes chasseurs qui n'ont pas encore attrapé de proies, figés entre l'adolescence et la virilité."
"La mémoire collective de la domination coloniale française était encore bien ancrée dans la population." Je dois dire que je suis stupéfait d'entendre les responsables du FLN dire à des gens presque tous nés après 1962 que tout est de la faute de la colonisation. "Les 2/3 de la population ont moins de 35 ans, dont 30% sont chômeurs."
"Un Etat policier semi-démocratique ! un baril de poudre au vu du taux de chômage élevé chez les jeunes, de la répartition injuste de la rente pétrolière, de la crise du logement, de la pauvreté !"
"40% de tous les bakchichs versés dans le monde le sont au cours de négociations avec des produits d'armement. Plus de 20 milliards d'euros par an."
"Les politiciens du FLN s'étaient juré d'arabiser également les Berbères."
17:03 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, algérie
12/05/2016
Rome et les mafias
Suburra
Carlo Bonini
Giancarlo De Cataldo
éditions Métaillé / Noir
"Suburra, l'antique quartier des lupanars chanté par Pétrone. Demeure d'une plèbe violente et désespérée qui des siècles auparavant s'était faite bourgeoise."
Les auteurs sont l'un magistrat, déjà auteur du remarquable "Romanzo criminale", et l'autre journaliste au quotidien La Repubblica.
Le roman raconte un grand projet immobilier allant de la capitale jusqu'à la mer. Bien évidemment, celui-ci ne peut se faire sans politiciens corrompus, et sans que les différentes mafias ne s'en mêlent pour en tirer profit. Avec un effort pour ne pas se faire la guerre le temps de l'opération. Sans oublier l'implication de "notre Sainte Mère l'Eglise", dont la banque est indispensable pour laver l'argent sale du trafic de drogue qui sera investi dans le projet. Ni omettre la complicité de magistrats et de policiers.
En face un colonel de gendarmerie, appuyé par un général de son corps, mais entravé par un autre, et un procureur intègre.
Une image très noire de la société italienne.
"Qu'est-ce que vous parlez compliqué, vous, les gens de gauche"
"Toute modération serait balayée par le vent impétueux du conflit"
"Une de ces idéalistes confuses qui déblatéraient sur un nouvel ordre sans tenir un minium compte de la réalité."
"La philosophie est violence, souffrance. Parce qu'il n'est pas possible de penser décemment sans se faire mal."
"La haine sociale bientôt submergera l'Europe des banquiers"
"En politique le passé et l'avenir n'existent pas. En politique, seul le présent existe."
08:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
04/05/2016
Afghanistan, 2008
PUKHTU
DOA
Roman noir
Gallimard Série noire
Le terme "pukhtu" renvoie aux valeur fondamentales d'honneur du peuple pachtoune, à cheval sur la frontière artificielle entre l'Afghanistan et le Pakistan (ligne "Duran" fixée par le colonisateur britannique").
Personnages principaux :
- Sher Ali Khan qui entre dans la guerre contre les "croisés" après qu'un drone ait tué son fils ainé et sa fille aimée ;
- une poignée de paramilitaires qui profite de l'impunité pour se livrer au trafic de drogue et d'armes; l'un d'entre eux, Français, est un agent de la CIA, infiltré pour découvrir leur trafic ; "élan de privatisation de la chose militaire constaté à l'occasion des invasions de l'Afghanistan et de l'Irak" ; "s'il est Américain, ou sous contrat de droit américain, il est hors de portée de toute cour de justice nationale ou internationale ;
- la police des frontières, corrompue qui profite de sa situation d'intermédiaire dans le trafic entre les deux pays ; "l'action internationale génère un flux de dizaines de milliards de $ de logistique militaire à travers le Pakistan." "L'argent coule sans s'arrêter et les trafic prolifèrent" ;
-l'armée et les services secrets pakistanais qui jouent double jeu ;
- un journaliste indépendant qui semble inconscient du danger ;
- deux jeunes Françaises qui consomment allègrement la poudre venue d'Afghanistan "des gens qui sortent trop et regardent dehors pour ne rien voir dedans. Les "intranquilles" qui se fuient" ;
Une suite est promise; Indispensable pour connaître la fin...
90% de l'héroïne mondiale est produite en Afghanistan. Les talibans en sont largement bénéficiaires. Pour eux, et pour les autres, le roman explique les circuits de blanchiment de l'argent sale.
DOA (Dead On Arrival) a été récompensé deux fois du Grand Prix de littérature policière, pour "Citoyens clandestins" et "L'honorable société". Deux romans qui ne sont pas que policiers, comme celui-ci, et que j'ai beaucoup aimés.
Les cartes qui se trouvent au début du livre sont bien utiles, et bien des auteurs devraient faire de même...
"Il n'y a rien de valorisant à rabaisser la femme au pire de l'homme"
17:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
25/04/2016
L'Iran d'aujourd'hui
Dernier refrain à Ispahan
Naïri Nahapétian
Point policier n°P3268
"Dans un royaume où les ignorants sont rois, un homme a volé la voix des femmes. Il a emporté leur chant, semé des tulipes sur leur chemin ; et la joie s'en est allée."
Tel est le "dernier refrain à Ispahan". La chanteuse à succès qui le chantait a été assassinée. Un bouquet de tulipes, symbole de la révolution islamiste, a été déposé près de son corps. Elle s'était exilée aux USA. Avait eu l'imprudence de vouloir revenir pour un concert, alors que le chant des femmes est désormais interdit. "Car le son de leur voix éveille la sensualité masculine"."Il y a un siècle, il était interdit à l'ensemble des musulmans de jouer de la musique."
L'enquête policière est le prétexte pour raconter l'Iran d'aujourd'hui de l'intérieur. De façon très critique, bien entendu.
"En Iran, nous nous inspirons davantage du comportementalisme que de Freud ou de votre incompréhensible Lacan. Je ne porte que peu de foi à toutes ces histoires d'Oedipe. Un bon musulman ne saurait tomber amoureux de sa mère ! Les règles de la charria sont là pour empêcher de telles perversités..."
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar