06/10/2012
La suite de la "trilogie berlinoise"
La mort, entre autres
Philip Kerr
Prix du Polar européen "Le Point"
Le livre de poche policier n°32077
1949 : Munich
Nous retrouvons Bernie Gunther qui tente de reprendre son métier de détective privé. Clientèle privilégiée : la recherche de personnes disparues, nombreuses, car les séquelles de la guerre sont encore très présentes. "Le 25 avril 1944, 45.000 bombes explosives de forte puissance et 5.000 bombes incendiaires sont tombées sur Munich".
"Le véritable cœur du nazisme, c'était Munich".
Parmi ces personnes recherchées par leur famille, par exemple par des femmes souhaitant se remarier ("16 millions de demandes de recherches concernant des personnes disparues ont été soumises à la Croix rouge") : des anciens criminels de guerre nazis, volontairement disparus.
Nous découvrons ainsi les réseaux de fuite vers l'Argentine de Peron. L'un, en particulier, animé par des prêtres catholiques, avec la bénédiction, et même les encouragements, du Pape. "Le Vatican partage la peur et l'aversion de l'Amérique envers le communisme". Parfois, la CIA apporte son concours, quand les criminels de guerre peuvent être utiles.
Fuir sans attendre "la protection de la nouvelle Loi fondamentale de la République fédérale, qui proscrivait à la fois la peine de mort et l'extradition".
Fuir pour échapper au groupe "Nakam", "vengeance" en hébreu, composé essentiellement de survivants des camps de la mort, qui s'est juré de venger la mort des Juifs. "Ils tuèrent jusqu'à deux mille criminels de guerre nazis."
Un retour en arrière nous transporte dans la Palestine sous mandat britannique. Les Allemands jouent double jeu pour occuper sur place l'armée anglaise :
- d'une part avec le Grand Mufti de Jérusalem, antisémite notoire, qui vivra une partie de la guerre à Berlin. "Il a personnellement levé une division SS musulmane forte de 20.000 hommes ;
- d'autre part avec la Haganah, organisation terroriste sioniste à qui les Allemands fournissent des fusils qu'ils utiliseront contre les Britanniques. Allant même jusqu'à financer plusieurs camps d'entraînement sionistes en Allemagne.
Retour en arrière également sur quelques horreurs nazies. "Quand le ghetto de Minsk a été liquidé il ne restait plus que 8.000 personnes. Sur les 100.000 à l'origine."
"A Dachau, on avait délibérément infecté plus de 1.200 prisonniers, dont de nombreux enfants, au moyen de moustiques porteurs du virus de la malaria."
"La guerre rend la tuerie accessible et ordinaire, en apparence".
"Peu de gens étaient revenus des camps de prisonniers de guerre soviétiques en croyant à autre chose qu'à la propension de l'humanité à l'inhumanité".
"Il se peut que ce soit elle avant tout-notre inhumanité même-qui fasse de nous des humains".
"C'est le privilège d'un fils de ne pas écouter les conseils de son père avant qu'il ne soit trop tard. Les pères s'y attendent de la part de leurs fils. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous vieillissons."
"Ce n'est que dans les mariages ratés que les gens se disent tout le temps la vérité"
"J'aime assez faire ce que l'on me demande, quand cela émane d'une femme assez convenable".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
29/09/2012
Corruption et extrême droite
Var
Claude Ardid
Editions "Toucan noir" (poche)
Var, département du sud de la France, avec un chômage à 20% et un Front National plus haut encore.
L'auteur, Claude Ardid est "grand reporter". Il a déjà écrit un livre sur l'assassinat de Yann Piat, députée ayant quitté le Front National.
Plusieurs références y sont faites dans ce livre.
La trame est simple (simpliste ?) : tous les marchés publics du département sont truqués, répartis à l'avance, des rétro commissions sont versées aux politiques puissants (président du conseil général, président de la communauté urbaine) et à leurs hommes de main. Un entrepreneur ne veut plus jouer le jeu : il est assassiné, parce que l'on ne fait pas dans les détails.
Les politiques, comme les mauvais garçons, s'entredéchirent pour défendre ou agrandir leurs territoires.
En face, une jeune juge d'instruction et un vieux commissaire de police sont les "chevaliers blancs". Ils doivent se méfier car leurs institutions sont infiltrées par la pègre.
De l'action en permanence. Des phrases courtes. Tout pour faire un bon film.
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, politique
22/09/2012
Voltaire mène l'enquête
La baronne meurt à cinq heures
Voltaire mène l'enquête
Frédéric Lenormand
Prix Historia du roman policier historique
Prix Arsène Lupin
Editions du Masque (poche) n°196
Paris, 1733
La Comtesse de Fontaine-Martel, veuve du Seigneur de Brétigny, est assassinée.
Voltaire, auteur triomphant, logeait chez elle. Avec l'aide d'Emilie du Châtelet, qui devient son amie, il recherche le meurtrier.
Pour savoir "à qui profite le crime", il faut d'abord retrouver le testament, disparu de l'office notarial.
"En personne de bon ton, ils avaient coutume de se présenter partout sans y avoir été invités, persuadés qu'on serait content de les y recevoir".
Bien entendu, les Jésuites et les Jansénistes, alors à leur apogée, tout concurrents et adversaires qu'ils soient, ont Voltaire pour ennemi commun et font tout pour l'entraver dans ses recherches.
Si ses qualités intellectuelles ne sont pas remises en cause, le grand homme, qui a alors 38 ans, n'est pas dépeint sous un jour très flatteur, vivant à la fois en parasite et en usurier. Mais le livre ne parle pas de son argent gagné dans la traite des esclaves, le fameux "commerce triangulaire".
"Les seuls défaut insupportables sont ceux d'autrui".
"Il n'y a pas de plus grande richesse que celle que l'on vous suppose".
René Hérault est le "lieutenant général de police". Le "prévôt des marchands" fait office de maire. "Les améliorations n'intéressaient que dans la mesure où elles facilitaient la vie des nantis".
"Nos maris nous épousent pour leur plaisir. Si nous voulons en avoir nous aussi, nous devons prendre des amants."
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
14/09/2012
crimes sur la cote belge
Les vacances d'un serial killer
Nadine Monfils
Pocket n°14972
Sur la cote belge, il pleut souvent. "Tu peux te balader sans risquer une insolation". Cet été là il pleut des cadavres. Mais pas de policiers à l'horizon.
Les vacances de cette famille tranquille tournent au cauchemar. Le "serial killer" n'est pas seul à troubler la quiétude des vacanciers. Mémé n'est pas la dernière à mettre de l'ambiance, avec sa caravane et sa boule de cristal. "Les femmes, c'est comme le bon vin. Ca doit prendre de l'âge pour devenir buvable".
C'est drôle, et impertinent. La définition de l'humour noir.
Ecrit dans un style aussi enlevé que le rythme de la succession de péripéties.
Saupoudré de belgitude.
Obligatoire pour les Français qui voudraient demander la nationalité belge. Recommandé aux autres. "Comme tous les Belges, elle a le sens de la dérision".
"La mer du Nord va être nationalisée. Paraît que le sable sera aux Wallons et la mer aux Flamands"
"La Flandre est devenue triste avec ses Flamingants qui lui ont écrasé le cœur à coups de bottes de SS".
"On apprend plus avec les cons, mais on s'amuse beaucoup moins."
"Il faut toujours donner aux hommes l'impression que ce sont eux qui dirigent, tout en sachant très bien que ce sont les femmes qui les mènent par le bout du nez".
"Ne buvez plus au volant, buvez au goulot !"
13:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
11/09/2012
entre un photographe et un dessinateur de BD, un écrivain suit la campagne de François H.
Rien ne se passe comme prévu
Laurent Binet
Editions Grasset
"HHhH" : titre du livre qui a valu à Laurent Binet le "Goncourt du premier roman". J'en ai parlé dans ce blog. Traduction en français et en clair : "Le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich".
Qui est le "cerveau" de François Hollande ? Manifestement, ils s'y mettent à plusieurs... et François Hollande fait se qu'il veut. Le livre de Yasmina Reza, "L'aube, le soir ou la nuit", était centré sur Sarkozy : "il ne s'adresse qu'à lui même". "En politique on est tous tournés sur nous mêmes" (N. S.). Le livre de Binet l'est davantage sur l'entourage, dont certains vont devenir ministres, manifestement plus facile à aborder que le candidat lui même. "Je n'aurai pas dansé aux Antilles avec le candidat comme Yasmina Reza en 2007".
Au départ penchant plutôt pour Mélanchon, Binet reconnaît avoir été victime du "syndrome de Stockholm" : l'otage prend le parti des ravisseurs ! "J'observe, fasciné, l'altération progressive de ma subjectivité".
Avant même le résultat de la "primaire", il m'avait été demandé, comme probablement à un certain nombre d'autres, de faire des fiches argumentées sur d'éventuels déplacements du candidat à l'étranger, afin de lui donner cette dimension internationale, soit disant indispensable.
Je ne peux que souscrire aux réflexions lues dans ce livre, dans la bouche du candidat ou de certains conseillers :
- "tout le monde se focalise sur l'international, mais dans une élection présidentielle française, ce n'est jamais là-dessus que ça se joue" (et, selon moi, pas seulement pour la présidentielle, même pour les Européennes !)
- "je ne veux pas m'afficher avec tous les battus de la gauche".
- "en tant que président, c'est très important, mais en tant que candidat, pas tellement".
J'ai appris dans le livre le nom du "Conseiller d'Etat" chargé de trier et de synthétiser en une page maximum nos fiches. Mais je ne suis pas de ceux qui envoyaient des pensums de quinze pages. Travaillant depuis plus de trente ans pour les femmes et les hommes politiques, je sais que leur temps de lecture est des plus limité. Deux pages a toujours été mon maximum.
Les journalistes politiques sont assez sévères avec ce livre de témoignages. Il faut dire qu'il ne les épargne pas : "hystériques ; "les voies du journalisme sont impénétrables ; "un tel manque de lucidité, c'est fascinant" ; "la jouissance bornée du journaliste qui répète pour la millième fois la dernière expression à la mode". Il démonte, et démontre, leur fonctionnement au moins autant que celui du candidat. Et ce n'est pas à leur avantage.
"Rien ne se passe comme prévu", titre du livre, est la réflexion de François Hollande apprenant l'arrestation de DSK à New-York.
"Dans le débat, François Hollande fonctionne comme au judo, c'est à dire qu'il utilise la force de l'adversaire."
"Il ne faut pas confondre un débat sur le fond avec un débat qui touche le fond".
"La jovialité masque une ironie fondamentale, comme indice d'une distance à soi-même et aux évènements que je n'ai pas observée chez les autres, comme l'aveu qu'il n'est pas dupe de toute cette comédie humaine".
"Tu dois cliver avec les politiques de droite, mais pas avec les Français"
"Derrière ces attaques, c'est quoi ? C'est que la gauche est illégitime pour diriger le pays" (Manifestement toujours vrai après les élections...)
"Comment être très laïc et à l'écoute du religieux ?" (Manuel Valls)
"C'est surprenant l'importance des relations personnelles en politique. Beaucoup plus important que les considérations idéologiques."
"Pour faire de la politique, il faut deux choses : la santé et accepter de prendre des coups. François est fait en plumes de canard : les attaques glissent sur lui".
"Toute victoire appelle après, un nouveau combat"
14:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, hollande, littérature