15/07/2012
la vie romancée de Diderot
Diderot, le génie débraillé
Sophie Chauveau
Folio n°5216
De Sophie Chauveau, j’avais beaucoup aimé sa trilogie sur « Le siècle de Florence » : Lippi, Botticelli et Da Vinci. Depuis, je ne regarde plus leurs œuvres du même œil.
J’ai parlé, en bien, de ces trois livres sur ce blog.
La vie romancée de Diderot nous est proposé. Au-delà de la biographie, c’est tout le siècle qui est retracé. Diderot meurt cinq ans avant la Révolution, et son influence est incontestable.
Comment devient-on Diderot ? Quelles furent ses années d’éducation, d’apprentissage, d’éducation ? Etudiant brillant, car « l’étude guérit de tout », mais au long cours, au frais de son père. Souvent « la bohême », et même le vol de quelques livres. « Débraillé » donc, même si ce qualificatif n’est pas le premier qui vient à l’esprit le livre refermé. Méconnu eut été plus approprié. Décalé dans un « système où paraître compte plus qu’être ». « Mélange de sensualité et d’intellectualité », « sensuel et débordant de désir ». Son rêve ? Etre payé à écrire ! Il commence par des traductions, puisqu’il parle anglais.
Et puis le formidable roman de l’Encyclopédie. Son amour pour Sophie Volland, « passion de la maturité », connue par leur correspondance, Sophie « la philosophe », dans un monde misogyne, même parmi les philosophes, Sophie, « immense culture », dont la vie a été racontée dans un livre dont j’ai déjà parlé et dont le titre a curieusement été traduit par « Sophie la libertine ».
« Diderot devient le symbole de la persécution que subissent tous les penseurs ». Malgré l’aide de Malesherbes, de Lenoir, de Sartine (« penchant partagé pour les mauvais lieux de Paris »). La protection discrète de la Pompadour. Coupable de « crime de lèse société ».
Catherine II lui donne l’indépendance matérielle. Il peut écrire, mais ne pas publier ce qui le jetterait en prison. Voyage de six mois à Saint-Pétersbourg.
Après la mort de plusieurs de ses enfants, la mort de sa petite fille, la mort de Voltaire et Rousseau, la mort de Sophie, il voit venir la sienne. « Une vie occupée est une vie innocente. On pense moins à la mort, quand on a pas le temps d’avoir peur ». « Dieu, le seul être qui n’a pas besoin d’exister pour faire le malheur sur la terre ».
« Il a incité les esclaves noirs à la révolte, et tous les peuples à se libérer de leur joug, alors qu’esclaves et peuples opprimés ne pouvaient ni le lire ni l’entendre ».
« Marx et Engels font du Neveu de Rameau, traduit en allemand par Goethe, leur livre de chevet ».
« Diderot, précurseur de Virginia Woolf, de James Joyce et des temps modernes ».
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
14/07/2012
L'attentat contre Heydrich
H H h H
Laurent Binet
Prix Goncourt du premier roman
Livre de poche n°32178
Himmlers Hirn heißt Heydrich. Le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich.
Quand un auteur écrit un roman historique, ce que j'adorerais faire si j'avais de l'imagination et du talent, où commence la fiction, ou s'arrête l'Histoire ? L'auteur a-t-il le droit d'imaginer les zones d'ombre ?
"L'Histoire est la seule véritable fatalité : on peut la relire dans tous les sens mais on ne peut pas la réécrire".
Le sujet a pour thème, "l'opération Anthropoïde", la tentative d'assassinat, par deux résistants, l'un Tchèque, l'autre Slovaque, de Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo, chef des services secrets de la SS, bras droit d'Himmler, et "protecteur" de "Bohême-Moravie", après le démantèlement de la Tchécoslovaquie.
L'auteur retrace bien le cadre historique.
"Des boucs émissaires, coûte que coûte, telle aurait pu être la devise du Reich"
H comme Holocauste. C'est à la conférence de Wannsee, en 1942, qu'Heydrich "fixa en quelques heures les modalités d'application de la Solution finale".
"Hitler respecte Heydrich parce qu'il marie férocité et efficacité"
Bien qu'Heydrich soit "la cible et non l'acteur de l'opération", il est, au moins autant question de lui que des héros qui veulent l'abattre.
"Il est sans doute hasardeux de vouloir déterminer les moments dans la vie où une existence bascule".
"Nous valons plus par nos aspirations que par nos œuvres" (Flaubert).
Alors que les faits historiques sont connus, et que l'auteur ne se permet pas d'en changer le cours, il parvient tout de même à créer le "suspens".
"Remettre les Français au travail était un fantasme éternel de la droite française. Les élites réactionnaires, prenant si peu la mesure de la situation, ne songent qu'à utiliser la crise des Sudètes pour régler leurs comptes avec le Front Populaire".
"Pauvres, laborieux ou infirmes, c'est toujours votre lutte contre ceux qui disent encore : "travaillez beaucoup pour vivre très mal" (George Sand)
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
07/07/2012
Michel-Ange à Constantinople
Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants
Mathias Enard
Prix Goncourt des lycéens 2010
Editions Actes Sud
1506 : Michel-Ange, "Michelagnolo", qui a besoin d'argent, mais ne parvient pas à se faire payer par le Pape Jules II, débarque en secret à Constantinople, à l'invitation du sultan Bajazet qui veut faire construire un pont sur la "Corne d'or". Il repartira tout aussi discrètement.
Il avait déjà sculpté son "David", mais pas encore réalisé la chapelle Sixtine, dont la coupole s'inspire de Sainte Sophie.
A partir de ce fait historique, peu connu, le roman commence.
Il n'y est pas question de batailles, ni d'éléphants. Tout juste d'un Pape et d'un Sultan, en arrière plan. Mais l'auteur n'omet pas de nous "parler d'amour et de choses semblables". Comme la trahison.
"La brûlure de l'alcool te précipite dans la faiblesse, dans l'irrésistible besoin de retrouver des caresses, une tendresse disparue, le monde perdu de l'enfance."
"La soif inextinguible d'argent et de gloire est le plus puissant des moteurs"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
01/07/2012
le carré à 5 angles
La reine des pommes
"Le carré à cinq angles" (traduction du titre original)
Chester Himes
Folio policier n°66
Grand prix de littérature policière en 1958
L'action se passe à Harlem, et ne sort pas de son périmètre. Un témoignage de la dure réalité des Noirs américains dans les années 50, entre humour et désespoir. A une époque où, dans certains Etats, tuer un Noir n'est pas considéré comme un crime.
Jackson est un voyou minable qui se fait sans cesse gruger, "la reine des pommes".
Les policiers se nomment Cercueil et Fossoyeur. Ce sont, du moins, les noms sous lesquels ils sont connus.
"On tire d'abord, on interroge le cadavre ensuite".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
23/06/2012
Yiddishland en Alaska
Le club des policiers yiddish
Michael Chabon
10/18 n°4363
Toute une colonie juive, originaire d'Europe centrale, réfugiée en Alaska, profitant d'un "décret de peuplement de l'Alaska", car "tous les quotas de l'immigration juive aux Etats-Unis demeuraient en vigueur".
Le héros est policier, et juif. "Ma patrie est dans mon chapeau".
Il s'accroche à l'enquête concernant le meurtre d'un drogué. Il découvre qu'il s'agit d'un ancien génie des échecs. "Les échecs sont autorisés au Juif pratiquant même - seul entre les jeux - le jour du shabbat".
Rencontre d'autres juifs, y compris ultra-orthodoxes.
Retrouve même son ex-femme, devenue sa cheffe.
Ce qui n'arrange pas ses problèmes d'alcoolisme.
C'est fou le nombre de policiers de romans et de films qui ont des problèmes avec l'alcool... "Le besoin de boire, c'est comme une dent manquante. Il y a quelque chose de jouissif à sonder le trou."
"Un espoir comblé est déjà une demi déception"
Une intrigue prenante, mais un peu fastidieuse à lire si, comme moi, vous avez besoin de consulter le glossaire yiddish en fin d'ouvrage.
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature