17/11/2012
Frida K. et Leon T.
L'ultime secret de Frida K.
Gregorio Leon
Editions "Les escales noires"
Frida K., c'est, bien entendu, Frida Kahlo, dont un portrait orne la couverture.
Sans "tuer" le suspens, son ultime secret serait un autoportrait (elle en a fait un certain nombre, tous remarquables) dédié à "Trotski, sang neuf dans mes veines".
70 ans plus tard, une détective privée est à la recherche de cette œuvre non répertoriée, à Mexico, alors que l'affrontement est proche entre l'Eglise catholique romaine et les adeptes de la "Santa Muerte", "la Vierge des oubliés", qualifiée également "Vierge des délinquants", dont le symbole est tatoué sur le sein gauche des cadavres, qui s'additionnent, de stripteaseuses assassinées.
Sur fond de manifestations de contestations des résultats électoraux.
"A Mexico, les seuls qui ne s'inquiètent pas pour leur vie, ce sont les morts".
La, brève, liaison entre Léon et Frida semble avérée. L'auteur la situe en 1940, alors qu'elle semble avoir eu lieu en 1938. Vengeance du fait de la liaison de Diego avec Cristina, la sœur de Frida ? Que Frida se venge, ou joue le jeu de la séduction, le vieux révolutionnaire était réellement sous le charme puisqu'il a écrit plein de lettres d'amour à Frida, dignes d'un collégien, allant jusqu'à "s'enfuir" pour la rejoindre. Frida l'avait surnommé "le petit vieux", ce qui pouvait être moqueur...ou tendre puisque "le vieux" était effectivement son surnom.
Le mariage "de l'éléphant et de la colombe" ne survivra pas à ces péripéties. Fin 1939, Diego demande le divorce. "Il ne veut plus de cette situation maritale ni du poids écrasant que représentent Frida, sa jalousie, sa souffrance, cette fragilité d'enfant blessée qui l'a jadis ému." ("Diego et Frida" de J.M.G. Le Clézio ; Folio n° 2746)
Raison de déception pour les partisans de la IVe Internationale ? Levier de chantage de la part des Staliniens ? Incitation d'une complicité de Diego dans l'assassinat de Trotski ? Trotski n'habitait plus à "la maison bleue" depuis longtemps quand il a été assassiné en août 1940...
Diego était intervenu personnellement, de façon décisive, auprès du Président Cardenas pour que le proscrit puisse trouver asile au Mexique. Il s'était fâché avec le leader de la IVe Internationale parce celui-ci refusait de lui donner des responsabilités au sein de l'organisation. Rien ne prouve qu'il ait été réellement affecté par la liaison de Trotski avec Frida...ni même qu'il l'ait sue, puisqu'il ne vivait plus avec Frida.
"La relation amoureuse et sexuelle entre cet homme qui a fait triompher la révolution (sic !) et cette artiste unique que fut Frida a été le germe de ce roman" (Gregorio Leon).
Sans oublier le Mexique d'aujourd'hui...
08:38 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
10/11/2012
A l'hopital
Bon rétablissement
Marie-Sabine Roger
Editions du Rouergue
Le nom de Marie-Sabine Roger ne vous dit peut-être rien. Si je vous dis "La tête en friche", cela doit vous évoquer un film touchant, plein d'humanité, avec une vieille dame en fin de vie qui initie un Gérard Depardieu un peu frustre, "la tête en friche", à la lecture de beaux textes.
Ce nouveau roman met en scène un vieil ours bourru, veuf sans enfant, à la limite de la misogynie, hospitalisé à la suite d'un accident. Il y passe "des nuits longues comme des cours de philo", et "les journées commencent tôt, ce qui laisse du temps pour déprimer, ensuite."
Bien entendu, il en ressortira humanisé.
Marie-Sabine Roger a le sens de la formule.
"Retraite : marche que fait une armée pour s'éloigner de l'ennemi après un combat désavantageux, ou pour abandonner un pays où elle ne peut plus se maintenir"
"La plupart des femmes n'ont pas besoin de nous : un ballotin de chocolats leur suffit amplement à remplacer l'orgasme"
"Le joug du quotidien, qui maintient l'attelage, empêche de se séparer, peut-être également de se casser la gueule".
"Un zeste de respect ne nuit pas aux rapports, qu'ils soient humains ou de police".
"J'ai des souvenirs, à mon âge, c'est plus sûr qu'avoir des ambitions".
"Les illusions n'existent que pour être perdues"
"La gratitude naît de l'humanité que les gens vous témoignent, rarement de leur excellence"
"L'espoir fait surtout vivre ceux qui en tirent profit"
"La pudeur s'accroît avec l'âge, l'étendue de ses ravages et de ses ramollissements."
"Une maladresse qui vient du cœur se pardonne plus volontiers qu'un silence confortable"
"Pour ceux qui sont bornés, la bêtise est sans bornes"
"Pépé a eu le baptême comme on a ses vaccins"
"Je n'aime rien chez le missionnaire, hormis, bien sûr, la position"
08:47 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
03/11/2012
Buffalo, rivière frontière du Zoulouland
Buffalo
La saga des quatre rivières
Jean-Georges Aguer
Edition « cherche midi » et « Pocket »
Afrique du Sud : 1876/1879
Nous avions laissé le héros, irlandais, sur un bateau en direction de l’Afrique du Sud, après la défaite du général Custer face aux Sioux et aux Cheyennes commandés par Sitting Bull, au bord de la rivière Little Big Horn, premier tome de la saga.
Après un rapide passage au Cap et à Durban, il part pour un long périple en terre zouloue. Toute la première moitié du roman y est consacrée, entrecoupée du récit de la vie de Chaka, légendaire roi zoulou.
Pour celles et ceux qui s’intéresseraient à ce roi de légende, je signale l’épopée inspirée de la vie réelle de Chaka (1786/1828), avant l’arrivée de l’homme blanc, écrite par l’écrivain africain Thomas Mofolo, préfacée par JMG Le Clézio chez Gallimard.
Trois puissances se heurtent en Afrique australe : le puissant peuple zoulou a d’abord du affronter les Boers, ces colons d’origine hollandaise, chassés par les Anglais de la province du Cap en 1836.
L’impérialisme anglais est alors à son apogée : il vient d’annexer les îles Fidji et vaincre les Afghans. Il peut donc consacrer ses forces contre les Zoulous.
Nous assistons aux premiers jours d’une guerre qui durera six mois, et au cours de laquelle le prince Louis-Napoléon, fils de l’ancien empereur Napoléon III, trouvera la mort dans les rangs de l’armée anglaise.
Le Zoulouland sera annexé en 1887.
A la fin du roman, émaillé de nombreuses citations, en particulier de Shakespeare, le héros est recueilli par une famille de Boers. Nul doute qu’il va vivre de nouvelles aventures puisqu’en 1899 éclatera la guerre entre ceux-ci et les Anglais.
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature
28/10/2012
Octobre 1943
La paix des dupes
Philip Kerr
Livre de poche policier n°32732
1943. Roosevelt, Churchill et Staline, qui à cette occasion quitte l’URSS pour la première fois, se retrouvent à Téhéran pour parler de l’ouverture d’un deuxième front contre l’Allemagne, à l’ouest.
Les suspicions sont grandes et les arrières pensées sont lourdes. Chacun de leur côté Roosevelt et Staline ont pris des contacts avec Hitler pour envisager une paix séparée. « La paix des dupes ». Le degré de division entre les alliés était évident, « soucieux de la forme que revêtira l’Europe de l’après-guerre ». « Seul l’imbécile descend de l’arbre pour aller regarder le tigre blessé droit dans les yeux ».
Staline avait-il peur que l’armée russe se mutine, comme en 1917 ?
Après Stalingrad et el-Alamein, Hitler a compris qu’il ne pourrait pas gagner la guerre. Mais il est décidé à ne pas la perdre. Himmler espérait-il secrètement que les Américains exigeraient qu’il remplace Hitler à la tête du Reich ?
Le secret de la rencontre n’est pas bien gardé et un général SS organise un commando chargé d’assassiner les dirigeants alliés, afin de forcer les alliés à négocier.
Il est question également des atrocités commises à Katyn, des milliers d’officiers polonais assassinés par l’armée rouge en 1940, ainsi que dans les camps des 250.00 Allemands prisonniers des Russes après les défaites de Stalingrad.
A partir de cette trame historique, Philip Kerr, l’auteur de « La trilogie berlinoise » nous offre un mélange de roman d’espionnage et d’enquête policière, avec son style imagé habituel, mais sans son héros récurent, Bernie Gunther.
Philip Kerr est Britannique, et sa sympathie va sans conteste à Churchill, « le seul homme au monde susceptible d’incarner la vérité et de faire preuve d’un courage qui soit à la hauteur de cette vérité ».
« Etre empirique, c’est se laisser guider par l’expérience, et non par les sophistes, les charlatans, les prêtres et les démagogues »
« Ma stupidité n’est pas aussi profonde que votre intelligence »
« Si Dieu ne peut altérer le passé, les historiens eux en sont capables, et c’est peut-être ce qui Le persuade de tolérer leur existence »
« A la fin de sa vie, aucun honnête homme ne souhaiterait revivre sa propre existence » (Schopenhauer)
08:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
13/10/2012
Nicolas Le Floch enquête dans le monde diplomatique
L'enquête russe
Jean-François Parot
Editions JC Lattès
Paris, 1782
Un peu plus de dix ans que Jean-François Parot nous raconte les enquêtes du "commissaire au Châtelet" Nicolas Le Floch, de plus en plus Marquis de Ranreuil (premier ouvrage : "L'énigme des Blancs-Manteaux", en 2000).
Ses aventures se déroulent sur plus de 20 ans, et contrairement à des héros qui ne vieillissent pas, comme San Antonio ou Astérix, Nicolas prend de l'âge, et son fils arrive à l'âge adulte. Seule son "amoureuse", Aimée de d'Arranet semble demeurer en sa prime jeunesse.
Le commissaire sème les morts sur sa route, comme d'habitude, et ceux-ci sont liés à la visite à Paris, dans un incognito très relatif, du futur Tsar Paul 1er, fils de la "grande" Catherine II. Le tsarévitch craint pour sa vie. Il sait que sa mère a fait assassiner son père. Il mourra étranglé, mais pas à Paris, et pas par la volonté de sa mère, disparue cinq ans avant lui.
Jean-François Parot, diplomate aujourd'hui à la retraite nous explique le jeu des alliances et des manœuvres : la France qui soutient les "Insurgents" américains contre l'Angleterre, les Américains qui cherchent à acheter des armes à la Russie, la Russie qui tente d'entrer dans le jeu en se posant comme médiatrice entre l'Angleterre et ses colonies qui réclament l'indépendance. Tout cela se terminera l'année suivante, 1783, par un Traité d'indépendance des 13 colonies américaines fédérées, signé à Versailles.
Parot nous décrit Vergennes, ministre des affaires étrangères, en pleine action avec les ambassadeurs à Paris de la Russie ("Il tentait de recruter des familles des Cévennes et du Languedoc afin d'établir des plantations de mûriers à vers à soie dans les parties méridionales de la Russie !), et du Congrès américain, Benjamin Franklin, pour qui l'auteur semble avoir peu de sympathie.
"Dans le concert des puissances, nulle n'est amie d'une autre ; il n'y a que les intérêts qui priment".
Les espions sont également à l'œuvre, au risque de quelques meurtres. Au point qu'à la fin je ne savais plus très bien qui a tué qui et pourquoi. Mais cela n'a guère d'importance, car tout cela est raconté dans la langue patinée de Parot, qui doit semblée être une langue étrangère à nombre de nos jeunes contemporains, et qui nécessite d'avoir le dictionnaire à portée de la main ("il me prodiguera un apozème et débitera des apophtegmes").
1782, l'année de la parution des "Liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos. Sent-on venir la Révolution ? "Notre société, même si elle a atteint un niveau de progrès et de lumières inégalé, reste incertaine, instable, mouvante, hantée d'espoirs et de craintes. Aucune position n'est assurée. Les réformes pour renflouer la vieille machine de l'Etat monarchique échouent les unes après les autres."
A quel moment se déroulera la prochaine enquête ? 1785 ? Le commissaire sera-t-il chargé d'éclaircir la trop fameuse affaire du "collier de la Reine" ? Une reine pour qui il semble prêt à mourir. Que fera le marquis de Ranreuil après 1789 ?
"Existe-t-il de plus grande disgrâce que celle de n'être point satisfait de sa vie ?"
"La vérité n'est pas courtisane"
08:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature