27/10/2006
l'année prochaine à Jérusalem ?
Ô Jérusalem
D'Elie Chouraqui
Avec Patrick Bruel et Saïd Taghmaoui
Les critiques cinématographiques sont un peu dures avec le film de Chouraqui (trop mélodramatique, mais ça fera pleurer celles et ceux qui aiment les histoires d'amour tragiques) et avec Bruel, jugé peu crédible en chef militaire.
Mais ces critiques décernent au film une qualité "pédagogique".
Ce qui prouvent que l'on peut être critiques cinématographiques sans être historiens.
Quelques rappels s'imposent donc :
- malheureusement, malgré la vision idyllique que veut donner le film, la cohabitation et les relations entre Arabes et Juifs étaient déjà difficiles avant la création de l'Etat d'Israël. Elles étaient même de plus en plus tendues au fur et à mesure que les Juifs arrivaient plus nombreux, avant même la Shoah, entre les deux guerres mondiales. Et la "guerre d'expulsion" menée par les mouvements terroristes sionistes contre les Palestiniens avait largement commencée.
- Contrairement à ce que montre le film, et à la légende biblique, la première guerre israélo-arabe n'a pas été la lutte de David contre Goliath. En termes de population, il est vrai que les Arabes sont plus nombreux au Moyen-Orient, mais il n'y avait pas, comme dans le film, une poignée de héros commandés par Bruel avec l'aide d'un jeune officier débarqué de new-York, luttant avec quelques fusils clandestins contre des "hordes".
Il y avait d'un côté 18.000 soldats arabes, mal équipés, sans commandement commun, dans cinq armées différentes, de cinq pays ayant chacun ses propres intérêts et son propre "programme", unis par un but commun : ils ne voulaient d'Israël, mais ils ne voulaient pas non plus d'un Etat palestinien, à commencer par le Roi Abdallah de Transjordanie, chassé de la péninsule arabique par la famille Saoud (qui bénéficiait déjà de la puissance pétrolière). Le but d'Abdallah n'était pas d'aider les Palestiniens mais d'annexer la Cisjordanie, ce qu'il a fait, puis payé de sa vie.
De l'autre côté 62.000 combattants israéliens, puissamment armés, y compris en armes lourdes (que l'on ne voit dans le film que du côté arabe), en particulier par le bloc soviétique, Staline appuyant Israël pour diminuer l'influence britannique dans le monde arabe.
- Quand le cessez-le-feu est intervenu, sous la pression de la communauté internationale, l'enjeu n'était pas la vieille synagogue de Jérusalem, mais la conquête par Israël de la Galilée et du Néguev.
La résolution 194 de l'ONU entérine cet agrandissement d'un tiers du territoire israélien, mais en échange reconnait à tous les Palestiniens le droit au retour sur leur terre. Droit au retour qu'Israël, depuis, à toujours refusé non seulement d'accorder mais même de discuter dans toutes les négociations de paix (Oslo, Madrid, Camp David 1 et 2 etc.).
La "morale" du film, soulignée dans la conclusion, est qu'il y a des deux côtés des femmes et des hommes de paix.
Heureusement c'est vrai.
Mais comment oublier que le responsable du massacre du village de Deir Yassine, très bien montré dans le film, Menahem Begin a été élu Premier ministre et après lui d'autres partisans du "grand Israël" ?
Comment oublier que les jeunes Palestiniens dérivent vers la violence du désespoir, utilisant les techniques "kamikazes" totalement étrangères à la culture arabe et à l'islam sunnite ?
Au début du film, les héros contemplent Jérusalem, ville trois fois sainte, avec ses églises, ses mosquées, ses synagogues.
"Si Dieu n'est pas à Jérusalem, il n'est nulle part", dit l'un des protagonistes.
Pour reprendre une phrase célèbre : "Si Il y est, Il a intérêt à avoir de bonnes excuses..."
11:50 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)
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