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03/11/2007

un combat pour l'intelligence

Sophie la libertine

 

 

(Die Philosophin : la philosophe)

 

 

Peter Prange

 

 

Editions du Rocher

 

 

Paris 1740 / 1794

 

 

Le titre français, nettement plus "accrocheur" que le titre original allemand, a probablement été choisi pour attirer les lecteurs. Sophie est "libertine" d'abord et essentiellement au sens philosophique du terme (voir "Les fêtes galantes", le billet de samedi dernier),  et les amateurs d'histoires croustillantes seront déçus,  car ce roman se veut d'abord le roman de la création de l'Encyclopédie, cette prodigieuse volonté de rassembler, et de publier,  toutes les connaissances de l'époque ("Sans l'idée de tout, plus de philosophie" Denis Diderot) : probablement l'entreprise d'édition la plus importante depuis l'invention de l'imprimerie : 17 volumes de textes + 11 volumes de planches publiés de 1747 à 1772, même si chez les Arabes et en Chine des entreprises d'ampleur comparable avaient été menées à bien.

 

Entreprise menée dans un combat sans relâche entre le parti des dévots, emmené par la Reine, contre les "philosophes", qui voudraient trouver le bonheur ici bas,  protégés par Madame de Pompadour,  et Malesherbes ("Garde des sceaux"). "Donner aux hommes le savoir revient à leur conférer le pouvoir de disposer de leur propre vie".

 

Arbitrage difficile pour le Roi, de droit divin, puisqu'il s'agit de "placer la liberté de penser au dessus de la liberté pour l'Etat de se défendre de ses ennemis".

 

Devait-il censurer ou considérer que "ce sont les désordres qui provoquent les dérèglements dans les écrits, et non les écrits qui provoquent les désordres" ?

 

Avec cette Encyclopédie, "la raison et l'expérience ont pris la place de la Révélation divine comme source de toute connaissance".

 

L'éclairage n'est plus la foi révélée et les dogmes mais l'investigation empirique et la raison. Les recherches et les analyses pour penser par soi même, plutôt que les prières.

 

On comprendra que les Jésuites supportaient mal ce désir d'éliminer "tout ce qui entrave le libre esprit,  osant penser par lui même,  et n'acceptant que ce qui lui est prouvé par l'expérience et la raison" et considérait, bien avant que nous entendions parler d'islamisme militant que "de l'ardeur religieuse à la barbarie, il n'y a qu'un pas".

 

Mais les accusations contre les Jésuites (blasphèmes, mensonges, magie noire, pédérastie) conduisant à la confiscation de leurs biens, ressemblent beaucoup à ce qui est arrivé aux Templiers quelques siècles plus tôt.

 

 

L'histoire est racontée à travers la vie, totalement imaginée, de Sophie Volland, dont les historiens connaissent l'existence, mais pas beaucoup plus,  par le testament de Denis Diderot.

 

Dans ce roman,  Sophie, qui ose être philosophe dans un monde où règne la misogynie, même parmi les philosophes, épouse le Lieutenant général de police Sartine (bien moins sympathique que dans les livres de Jean-François Parot,  dans lesquels il raconte les aventures du Commissaire Nicolas Le Floch), a un fils, adultérin, avec Diderot,  dont elle est amoureuse, mais qui ne veut pas quitter sa femme et ses enfants,  et devient la maîtresse du responsable de la censure, Malesherbes.

 

 

A noter, pour les Airoises et Airois, la description de la coutume du lancer de saucisses (de l'andouille ?), depuis le premier étage de l'hôtel de ville de Paris, à la Saint Jean.

 

 

Quelques citations tirées du livre, certaines étant de Diderot :

 

 

"La vie est trop courte pour la gaspiller à des choses que nous ne pouvons pas changer. Nous devrions,  en revanche, nous consacrer de toutes nos forces à des tâches pour lesquelles il nous reste le pouvoir d'agir" ;

 

"La politique n'est rien d'autre que l'art de distinguer ses amis de ses ennemis" ;

 

" La politique est la poursuite de la danse par d'autres moyens" ;

 

"Les hommes ne garderont de motifs de vivre que s'ils gardent la foi en un avenir meilleur" ;

 

"Je ne sais pas si je me plairai au ciel : j'ai bien peur de n'y retrouver que fort peu de mes connaissances" ;

 

"Seul l'argent que l'on possède est l'instrument de la liberté. Celui que l'on recherche est l'instrument de la servitude" ;

 

"L'amour n'existe qu'en fonction de l'imagination" ;

 

"Une femme est comme une table richement servie. La différence est grande selon qu'on la contemple avant ou après le repas".

 

08:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (12)

Commentaires

Il est vrai que tous les philosophes des Lumières étaient des hommes . Mais les femmes occupaient un rôle important à l'époque . Elles tenaient les salons ( rien à voir avec le canapé et la télécommande ! ) où se réunissaient les philosophes . Parmi les plus célèbres salons , il faut rappeler celui de Mme Geoffrin et celui de sa grande rivale Melle Lespinasse . Mme Geoffrin recevait les plus grands philosophes ( Rousseau , Voltaire ) mais Melle Lespinasse avait l'avantage de compter Diderot parmi ses fidèles .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

Précisions sur l'Encyclopédie : L'édition originale comptait 17 volumes de textes et 11 volumes de planches , soit 70 000 articles et 25 000 pages . L'édition originale coûtait 980 livres tournois soit à l'époque plus de 1 an de salaire d'un travailleur manuel .
Comme il existait la censure à l'époque , les auteurs tentaient de faire passer les messages les plus subversifs dans les articles les plus anodins . Ainsi l'article "liberté " n'est pas le plus virulent contre la monarchie absolue . Par contre les articles concernant les activités agricoles ou artisanales révèlent parfois des attaques en règle contre le despotisme .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

et le responsable de la censure, Malesherbes, était complice, tout comme la favorite du Roi : ce qui exaspérait la Reine et le parti dévôt
Malherbes finira guillotiné : il a refusé de fuir et il a même eu le courage d'être l'avocat de Louis XVI

Écrit par : jfv | 03/11/2007

C'est d'ailleurs parce qu'il a eu le courage de défendre Louis XVI que Malesherbes a été guillotiné .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

Bien.... je m'enrichis avec ces billets et commentaires... à la seule différence que j'aime lire toutes ces choses....!

Mais que je ne retiens pas du tout... mais bon...! ou tout au moins je retiens que certaines choses...!

Moi .. je répondrai simplement par des citations.
CITATION POUR CITATION

"Vivre c'est agir, agir c'est produire, produire c'est tirer de soi quelque chose d"égal à soi."
Henri Lacordaire.

" La conscience est la lumière de l'intelligence pour distinguer le bien du mal."
Confucius.

" Quels sacrifices attendre, quels renoncements espèrer dans la poursuite d'un bien commun quand l'égoïsme est roi."
Harry Bernard.

"L'avenir est quelque chose qui se surmonte, on ne subit par l'avenir, on le fait."
Georges Bernanos.

"On atteind pas le ciel par un simple saut, mais nous construisons l'escalier pour l'atteindre."
Josiah-Gibbert Holland.

"Il n'y a pas au monde pire malheur que la servitude."
Sophocle.

"Sans imagination, il ne pourrait y avoir de création."
Albert Jacquard.

"Comment l'homme et la femme pourraient-ils se comprendre, car en fait, tous deux souhaitent des choses différentes: l'homme la femme et la femme l'homme."
Frigyes Karinthy.


Voilà...c'est tout pour aujourd'hui ... je travaille ce w-end....!

Écrit par : Maïténa Delassus | 03/11/2007

J'aime bien aussi les aventures de Nicolas Le Floch écrites par JF Parot . Elles sont un bon reflet de ce que devait être le XVIII° siècle . c'est vrai que Sartine , et sa collection de perruques poudrées , est le protecteur de Le Floch dans ses aventures .

Bémol : je trouve les énigmes policières moins bien ficelées que la reconstitution historique de l'époque . Et les recettes culinaires sont longues à lire et rendent parfois indigestes la lecture des romans .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

mais belle écriture, n'est-il pas ?

Écrit par : jfv | 03/11/2007

Belle écriture , c'est vrai mais c'est ce qui rend d'autant plus décevant les intrigues policières des romans de Parot . Par exemple , dans le "fantôme de la rue royale " , il décrit avec maestria le drame ( prémonotoire de la fin tragique du couple royal pour certains ) survenu le soir du feu d'artifice tiré en l'honneur du mariage du Dauphin Louis ( futur XVI ) et de Marie-Antoinette mais ensuite l'auteur se perd dans une malheureuse histoire d'exorcisme peu crédible voire limite ridicule ...D'où ma déception car ces romans sont vraiment très bien faits .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

je me souviens très bien du drame survenu sur la place devenue celle de la "concorde", plus du tout de l'exorcisme : je dois avoir une mémoire sélective !

Écrit par : jfv | 03/11/2007

La place louis XV est devenu la tristement célèbre place de la Révolution ... pendant la Révolution où était installée la guillotine . Ensuite elle est devenue la place de la Concorde . D'ailleurs il me semble que la ville de Paris envisage le remodelage de cette place dont l'amènagement urbain laisse à désirer .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

pour y remettre la machine du docteur Guillotin ?

Écrit par : jfv | 03/11/2007

Déjà durant la Terreur , les riverains protestaient contre les "nuisances "( pollution sonore , odeur du sang ) occasionnées par la présence de la guillotine . Elle fut donc changer de place au grand désespoir de ses nouveaux riverains ! Et finalement elle est revenu place de la Révolution .

Écrit par : Frédéric Dubuisson | 03/11/2007

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