22/11/2009
Nous voilà
Nous voilà
Jean-Marie Laclavetine
Prix du roman historique
Gallimard
"Nous voilà" fait allusion au célèbre hymne "Maréchal nous voilà !", entonné par les enfants des écoles pendant la guerre.
Du Maréchal (Pétain) il est question, et l'auteur lui "taille un costard" (en bois) : "Opportuniste au dernier degré, uniquement soucieux de contrer Foch. Unique général français à avoir préconisé l'abandon de la Lorraine. Il a usurpé le titre de sauveur de Verdun".
Mais il est question surtout de la génération post soixante-huitarde, "l'époque d'avant le sida, d'avant la tristesse pragmatique, d'avant le chômage", qui arrive aujourd'hui à la soixantaine : "nous voilà !"
Pour relativiser les choses, il est bon de rappeler que la frange de notre génération qui vivait en communauté, si elle a toujours eu les faveurs des journalistes et des romanciers, représentait un % minime. Parmi cette minorité, certains, issus de la haute société, s'en sont bien sortis. D'autres peuvent dire, comme une des protagonistes : "j'ai voulu changer le monde, je n'ai réussi qu'à massacrer ma vie".
C'est un roman qui a des accents autobiographique. Je n'étais pas à la manifestation anti-nucléaire de Creys-Malville, en 1977, mais le chapitre qui y est consacré ressemble à un reportage vécu.
Par contre, j'étais étudiant à l'Université de Paris 8 Vincennes, et la scène montrant un enseignant accordant, par lâcheté, des bonnes notes au héros du livre ressemble plus à la reprise d'un ragot qu'à la vérité.
Certains "départements" (notamment économie, philosophie) par refus de la sélection, ne donnaient pas de notes, et tous les étudiants inscrits se voyaient attribuer les "unités de valeur", "quelque soit le degré de paresse ou d'inculture", comme dit l'auteur. Le ministère de l'éducation a pris au mot leur refus des diplômes : les leurs n'ont pas été validés !
Dans les autres départements a été mis en place un système de contrôle continu des connaissances. Les exposés y tenaient plus de place que les devoirs sur table. Il n'y avait pas d'amphithéâtres magistraux, mais des cours en petits groupes. Nous mettions les tables en rond ou en carré. En cours de géographie nous allions souvent, avec le professeur, sur le terrain, les pieds dans la glaise. Même en Histoire nos cours n'oubliaient jamais le lien avec la réalité contemporaine. Une révolution, pacifique, à l'université...juste après 68 !
Mes années d'université ont été des années de découvertes et d'émerveillements, sans substances hallucinogènes.
Mais, comme dit l'auteur "la mémoire est une bonne romancière"
"L'autonomie est la sœur de la solitude"
"Elles nous en auront fait voir ! Tellement voir, et si peu toucher."
"On a chaud, on a froid, on croit que c'est l'amour, et c'est le choléra"
"Il entrait en elle comme on entre chez soi, avec une joie calme faite d'abandon, de soulagement et d'oubli"
"La balle qui te tuera demain partira peut-être du fusil que tu as négligé de ramasser"
"L'esprit de jouissance a supplanté l'esprit de sacrifice" (Philippe Pétain, Maréchal de France)
"J'applique la loi française, avec humanité, mais avec fermeté" (Xavier Vallat, Commissaire aux questions juives...on dirait du Besson !)
"Ils sentaient déjà sur eux se refermer la mâchoire de glace des années tristes"
"On a cru que ce n'était qu'un début ! Ce n'était que le dernier sursaut d'une civilisation devenue sénile, obscène d'égoïsme et de suffisance"
"Fierté d'être arrivés, déception pourtant de n'être pas allés encore plus haut, sourde désillusion de n'avoir rencontré l'Histoire que dans un bout d'essai, mêlé à l'excitation du frottement clanique de l'entre-soi, du pouvoir et de la notoriété partagée".
"L'amour : un travail, une longue peine. Il n'est pas donné. Il ne vient pas des nuées comme une foudre. Il se construit petit à petit. Il se cisèle avec patience, il se mérite, il se décide."
09:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
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