19/01/2012
une analyse géopolitique pour mieux comprendre nos banlieues
La question postcoloniale
Une analyse géopolitique
Yves Lacoste
A l'université (Vincennes à ses débuts post 68), j'ai eu la chance d'avoir Yves Lacoste comme professeur. Géographie du développement. La géopolitique ne s'était pas encore imposée. Le dernier livre d'Yves Lacoste démontre bien que la géopolitique se trouve au carrefour de la géographie, de la politique et de l'histoire, pour traiter des "rivalités de pouvoir sur des territoires".
Il traite de la question postcoloniale essentiellement en France, mais ses rappels sur les conquêtes coloniales et les luttes pour l'indépendance, n'oublient pas les Empires arabe, ottoman, britannique, russe, japonais, chinois et espagnol.
Quelques films, et documentaires, français récents ont rappelé la lutte, sanglante, des Algériens pour l'indépendance de leur pays. Yves Lacoste relève un paradoxe : pourquoi tant de ces combattants pour l'indépendance d'avec la France ont-ils choisi d'y vivre, plutôt que de contribuer à la construction de leur pays enfin libre ? La raison n'est pas uniquement économique. "En 1962, les partisans du MNA qui avaient échappé aux tueurs du FLN, ne voulurent pas rentrer en Algérie". Et l'"Armée de Libération Nationale", commandée par Boumedienne, qui se trouvait à l'extérieur des frontières algériennes, a écrasé dans le sang les maquisards kabyles. "Nombre de combattants kabyles parvinrent à fuir vers la France que beaucoup connaissaient déjà."
"Pour les dirigeants algériens, l'exode de leurs opposants vers la France étaient somme toute une solution commode".
"De par l'installation définitive de leur famille en France, les Algériens ont contourné la prescription coranique selon laquelle un musulman ne doit pas aller vivre-et encore moins avec sa femme- dans un pays non musulman où les règles de l'Islam n'ont pas force de loi".
"Aujourd'hui, les islamistes aspirent à ce que certains quartiers, certains "grands ensembles" deviennent des enclaves musulmanes."
Yves Lacoste explique comment les "grands ensembles" sont devenus des "points chauds" de la question postcoloniale. Rappel historique que j'ai vécu, comme locataire puis comme maire-adjoint chargé du logement dans une ville de la banlieue parisienne.
Quand notre génération de "baby-boomers" est arrivée à l'âge de l'indépendance, il y avait pénurie de logements en France. J'ai été heureux de quitter mon studio à la limite de l'insalubrité pour emménager dans un logement HLM loin du centre ville, mais neuf, avec "tout le confort". J'y côtoyais plusieurs de mes anciens professeurs de lycée.
Quelques années plus tard, en tant que maire-adjoint chargé du logement, j'ai tenté de préserver cette mixité sociale. Combat perdu pour deux raisons : la préfecture nous obligeait à prendre en priorité les familles les plus nombreuses et les plus pauvres, très souvent issues de l'immigration, et les familles des classes moyennes étaient surtaxées, ce qui les incitait à partir vers des lotissements pavillonnaires, en ayant recours aux crédits immobiliers largement proposés, sur 20 ans et plus. C'est ce que j'ai fait, moi aussi. "Cela eut rapidement des effets sur le peuplement initial de ces "grands ensembles", spécificité française, devenus "zones sensibles", particulièrement touchées par le chômage (le double de la moyenne)".
Je ne savais pas qu'après la guerre, ce sont les "Békés" qui étaient en faveur de l'indépendance de la Martinique et de la Guadeloupe, "pour ne pas avoir à appliquer les lois sociales françaises", contre l'avis d'Aimé Césaire qui réclamait un transfert de fonds de la métropole vers les territoires d'Outre-mer.
Logique, puisque, dans le même esprit, "les mouvements d'indépendance des colonies d'Amérique ont eu lieu sans la participation des "indigènes".
C'est également à la lecture de ce livre que j'ai appris que les ghettos ont été créés "pour que les rabbins puissent mieux contrôler les fidèles".
Un livre passionnant.
08:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
La question postcoloniale a en effet entraîné des situations géopolitiques (conflits pour un territoire) à toutes les échelles : mondiale, nationale et locale.
Écrit par : laterrebouge | 24/01/2012
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