11/04/2015
Héloïse romancée
Héloïse, ouille !
Jean Teulé
éditions Julliard
Abelard a écrit son autobiographie. Beaucoup d'historiens ont écrit sur Abelard, son rôle théologique, philosophique, et son amour pour Héloïse, avec les conséquences que tout le monde connait...et qui ont largement contribué à son passage à la postérité. "Ouille" est le cri qu'il est censé avoir poussé auprès d'Héloïse après l'ablation de ses génitoires.
Jean Teulé en tire un roman, bien troussé, qui s'inspire de la réalité historique sans s'y laisser emprisonner.
Ainsi, ce n'est pas le chanoine Fulbert qui aurait offert à Abelard une chambre chez lui, mais Abelard qui a demandé au parrain d'Héloïse de le prendre comme pensionnaire, contre un fort loyer...et des cours particuliers, alors qu'il était le professeur le plus célèbre de Paris. Dès ce moment, il avait une idée de ce qu'il souhaitait. D'après son autobiographie, Abelard, à 38 ans, n'avait jamais connu l'amour charnel. Ce que nous appellerions aujourd'hui "le démon de midi" ? Il affirme que la nièce du chanoine l'a séduit "par l'abondance de son savoir", en ces temps où suivre des études n'était pas chose courante pour les filles. Il semblerait que la belle Héloïse avait alors 16 ans, et non 18, comme dans le roman de Teulé ! Abelard rattrape le temps perdu...Jusqu'à ce qu'Héloïse soit enceinte de ses oeuvres.
Pour parler de l'amour physique , Teulé alterne les termes anciens et les mots actuels, très crus.
Abelard emmène Héloïse enceinte en Bretagne, c'est à dire, à l'époque, à l'étranger. Ce que Teulé ne signale pas. Mais il montre bien l'incroyable égoïsme d'Abelard qui oblige Héloïse à entrer au couvent, afin de sauver sa carrière. Et Héloïse accepte et se sacrifie par amour, pour l'amour de l'homme qu'elle aime. Héloïse sera donc, "une religieuse cultivée comme peu de femmes le sont en ce siècle."
Fulbert avait accepté le "mariage de compensation" qui était encore en pratique au XXe siècle : la fille est enceinte, le garçon l'épouse pour réparer. C'est parce qu'Abelard ne respecte pas ce mariage en envoyant Héloïse au couvent, que Fulbert paie des hommes de main pour lui faire subir la peine alors prévue pour les époux adultères : il sera châtié par là où il a péché.
Les controverses théologiques sont un peu plus difficiles à suivre. La tentative d'Abelard d'appliquer à la religion les principes de la logique est, bien entendu, condamnée par les pères de l'Eglise, que Teulé décrit comme majoritairement ivrognes. "Sous forme de cent cinquante questions, il pointe toutes les incohérences de la religion chrétienne." "Le raisonnement par la logique est une usurpation de l'autorité divine et donc un blasphème". Bernard de Clairvaux, qui sera plus tard sanctifié, est le principal accusateur. Il est particulièrement "soigné" par Teulé qui le qualifie "d'avorton" et de "hyène en soutane". Abelard finira par être déclaré "hérétique", condamné au silence perpétuel, mais recueilli par Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, et grand adversaire de Bernard de Clairvaux.
Héloïse et Abelard ne seront réunis que dans la mort (aujourd'hui au Père Lachaise). Tous les deux au même âge, donc avec vingt, ou vingt deux, ans d'écart.
"Un beau conte d'amour et de mort".
"Felicitas habetur in ista et non in alia" (Le bonheur se possède dans cette vie et pas dans une autre)
13:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
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