29/02/2016
L'Europe se désintègre ?
L'éditorial du journal "Le Monde" d'aujourd'hui explique que nous sommes à un moment historique, et que l'Histoire racontera que l'Europe s'est désintégrée à cause de la crise des migrants.
La triste réalité est que la "communauté" européenne, devenue "union", est d'abord un marché "commun", devenu "unique", dont la monnaie commune n'est qu'un des instruments. Marché au sein duquel la concurrence sera faussée tant que les politiques fiscales ne seront pas convergentes et que certains pays pourront continuer leur dumping, en particulier dans la fiscalité des entreprises. Ce grand marché survivra à bien des crises, y compris celle des migrants. Il est supposé favoriser la croissance et l'emploi. Je le crois, et je ne serais pas partisan de faire le pari inverse. Dans l'histoire, le protectionnisme n'a jamais été facteur de développement et de prospérité.
La libre circulation des personnes est venue, et vient encore, bien après la libre circulation des marchandises et des capitaux. Les pays qui n'ont pas adhéré à Schengen, ou qui aujourd'hui refusent d'en appliquer les règles, montrent clairement leur conception de "l'Union". Les concessions faites à Mr Cameron vont également dans ce sens.
Il ne faut pas être injuste. L'Union européenne n'est pas seulement un marché unique. C'est également un guichet de distribution de subventions. La crise agricole actuelle en est une nouvelle preuve : pour que nos paysans puissent vivre de leur travail, il faut payer leurs productions au dessus du prix du marché. Qui doit payer ? L'Europe ! Mais comme l'Union européenne n'a pas de ressources budgétaires propres...Et les pays membres contributeurs veulent, selon la célèbre formule de madame Tatcher, leur "money back".
Que peut faire l'Union européenne face à la crise des migrants ? Ce qu'elle fait toujours dans les affaires du monde : de l'humanitaire ! Avec une très faible visibilité puisque cette action humanitaire passe par les agences onusiennes et les ONG. C'est ce qu'elle fait pour les réfugiés syriens en Jordanie, au Liban, en Turquie. C'est ce qu'elle a commencé à faire en Grèce et en Italie. Demain à Calais ?
08:01 Publié dans EUROPE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, migrants
27/02/2016
Après la guerre
Après la guerre
Hervé Le Cor
éditions Payot / Rivages / Noir n°983
Après la guerre, la deuxième mondiale, à Bordeaux. "Les ports sont des lieux de désordre et d'intranquillité."
Il y a Jean, le père, rescapé d'un camp de concentration. Il revient avec des idées de vengeance.
Il y a Daniel, le fils qui a l'âge pour partir faire son service militaire dans une guerre coloniale qui n'est pas la sienne. "L'Algérie en train de remodeler le peuple français autour d'un ennemi commun cerné par tout un vocabulaire assassin : le frisé, le bronzé, le bicot, le crouille, le raton."
Il y a le flic pourri, sans scrupule, prêt à tout. "L'infamie des flics français. Après avoir raflé les Juifs et traqué les résistants, au service du Maréchal et de la Gestapo, ils se sentaient tout soudain l'âme républicaine et se pressaient tout soudain dans les couloirs de la préfecture en bras de chemise, brassards tricolores au biceps, pour offrir leurs services à ceux qu'ils avaient pourchassés pendant quatre ans. Et on avait envie d'y croire. Les gens, ils veulent oublier toute cette merde."
Au total, un polar noir aux nombreux cadavres, dans l'atmosphère des années 50, avec un engagement politique assez clairement marqué.
"Quelques collabos déjà recasés sur qui l'épuration passera, plus tard, comme un nuage insignifiant, à peine une ombre : vraies ordures, faux résistants, flics, préfets, chefs de cabinet qui ont organisé les rafles, contresigné les demandes d'arrestations, outrepassé et anticipé les ordres boches mais ont senti le vent tourner en 43 et se sont inventé des actes de bravoure et fabriqué des alibis, ont sauvé utilement quelques Juifs et gardé traces de cet héroïsme pour le moment venu."
"Après le bourgeois, l'alcool est le pire ennemi de l'ouvrier. Son poison familier. Un des opium qui tiennent le peuple hébété dans sa misère."
"Il suffira d'utiliser la presse, bonne fille qui se laisse faire tous les bâtards qu'on veut"
"Quand on est flic, il faut être un sentimental : envisager toutes les passions, n'en éprouver aucune."
"Il faut aimer les vivants parce que les morts s'en foutent et vous laissent tout le restant de vos jours avec vos remords et votre chagrin."
"C'était un temps déraisonnable , on avait mis les morts à table, on faisait des châteaux de sable, on prenait les loups pour des chiens, tout changeait de pôle et d'épaule, la pièce était-elle ou non drôle ? moi si j'y tenais mal mon rôle, c'était de n'y comprendre rien" (Aragon)
16:01 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
26/02/2016
les jeunes en Iran
Love story à l'iranienne
Scénario : Jane Deuxard
Dessin et couleur : Deloupy
éditions Delcourt, collection "mirages"
Jane Deuxard n'existe pas. Sous ce pseudo se cache un couple de journalistes qui préfère rester anonyme afin de ne pas mettre en danger les jeunes Iraniennes et Iraniens qui se sont confiés à eux sur un sujet sensible : l'Amour, y compris leur sexualité.
Il s'agit donc de Love stories. A travers les histoires d'amour se dessine l'Iran d'aujourd'hui, et sa dictature. Car les dictatures, en particulier religieuses, veulent régenter la vie des gens y compris leur façon de s'habiller, avec des contrôles omniprésents, et, bien entendu , leur vie intime.
Au delà de la dictature, il y a le conservatisme de la société, le poids des traditions : mariages arrangés par les parents, certificats de virginité imposés, place de la femme qui doit rester à la maison...Le poids des familles vaut celui des religieux.
Ils ne croient plus à la politique : la révolution de 79 a été confisquée par les religieux, les révoltes de 2009 n'ont pas abouti. Ils ne croient pas aux "modérés" ou aux "réformateurs". Ils subissent en attendant la prochaine explosion.
10:06 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, iran
25/02/2016
Hail Cesar
Avé César
de Joël et Ethan Coen
avec George Clooney, Scarlett Johansson, Ralph Fiennes, Tilda Swinton, Josh Brolin
Hommage ou critique, pour ce film sur le cinéma ? Une série de pastiches comme autant de sketches : de péplum, de western, de ballet nautique, de film musical, de film d'espionnage anti-communiste primaire... Avec, en bonus, une visite des coulisses d'un grand studio.
Le film vaut également par sa brillante distribution !
18:21 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma
22/02/2016
Armées paysannes rouges, blanches et vertes
La guerre civile russe
1917/1922
Jean-Jacques Marie
éditions "Autrement"
La semaine dernière, j'ai parlé de deux romans se déroulant pendant la guerre civile russe. Que dit Jean-Jacques Marie, historien spécialiste de cette région et de cette époque ?
Le pays en est sorti totalement ruiné, exsangue, épuisé, affamé." "Pendant l'hiver 21/22 la famine ressuscite le cannibalisme et sème des centaines de milliers de morts." Les "lourdes pertes civiles sont du même ordre de grandeur que celles de la guerre de Sécession" (que les Américains appellent la guerre "civile"). "La guerre civile est la plus cruelle des guerres". "Il y a bien eu terreur blanche, terreur rouge et terreur verte". "Guerre civile internationale", puis qu'une douzaine de gouvernements étrangers s'en mêlent.
En 1917, les socialistes-révolutionnaires "opposent aux soviets la légitimité de l'assemblée constituante, seule détentrice du pouvoir légal." Les bolcheviks décrètent sa dissolution le lendemain de sa première et unique réunion. Les soldats ne veulent plus de la guerre. "Une immense jacquerie dévale sur la Russie." Le Congrès des Soviets décide "une paix immédiate" ainsi que la confisquation des terres des grands propriétaires et de l'Eglise qui devront être, ensuite, réparties entre les paysans.
"Les paysans ne veulent surtout pas voir revenir les propriétaires que les armées blanches traînent dans leurs fourgons et qui veulent récupérer leurs propriétés." "La débauche de leurs officiers couronne le pillage généralisé de la population, surtout paysanne, par les armées blanches. Là sont les germes de leur défaite finale."
Les paysans, las du pillage des Blancs et mécontents des réquisitions des Rouges, se soulèvent" et forment les armées "vertes". "Chaque conquête, ou presque, d'une ville par une armée verte se termine par un gigantesque pillage, en général distribué gratuitement à la population villageoise."
Pour répondre au sabotage des fonctionnaires de la banque centrale qui refusent de fournir de l'argent au gouvernement bolchévique, celui-ci crée la "commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la contre-révolution ("Tcheka", qui deviendra le KGB). Cette "commission" est mise sous le contrôle de Staline.
Afin de "priver d'espoir l'ennemi", les bolcheviks décident d'abattre toute la famille impériale.
"Les Rouges avaient de magnifiques orateurs qui croyaient à l'instauration du paradis sur la terre, et qui savaient entraîner les paysans par le mirage du paradis." "Les Verts ne proposaient que la révolte locale." "Derrière les Blancs, se profilaient les propriétaires terriens."
"La défaite de Wrangel en novembre 1920 semble marquer la fin de la guerre civile." "Si la victoire militaire est totale, le bilan politique n'est pas brillant." "La fin de la guerre civile rend le communisme de guerre aussi insupportable aux paysans à qui l'on confisque presque toute leur récolte qu'aux ouvriers décharnés." "La plupart des bolcheviks tombent, victimes de la contre-révolution stalinienne."
08:10 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire