03/01/2015
Prix du quai des Orfèvres 2015
Tromper la mort
Maryse Rivière
éditions Fayard
Le prix du Quai des orfèvres récompense un roman policier qui, généralement, met en valeur le travail des différents services de police ou de gendarmerie. A tour de rôle. Cette année, c'est la coopération entre polices européennes qui est en vedette.
La police française travaille avec la police irlandaise pour arrêter un tueur en série, français, sévissant sur le sol irlandais. Avec toutes les limites des procédures de coopération internationale entre polices. Souverainetée partagée et efficacité contre esprit de clocher. Contrairement à ce qu'écrit l'auteure, ce ne sont pas les parlementaires européens mais les gouvernements des Etats membres qui "n'ont pas envisagé que les polices de deux pays puissent travailler ensemble sur le terrain."
De même, ce n'est pas "Bruxelles" qui était responsable du fait que l'Etat irlandais était en quasi cessation de paiement, mais parce que celui-ci avait renfloué des banques au bord de la faillite à force de spéculer.
Le tueur est atypique, puisqu'il est libraire, intelligent et très cultivé, mais complètement fou. "Ce mal étrange qu'on appelle folie et que les psychiatres s'évertuent à baptiser de noms multiples et savants." "En tuant, il ne cherchait pas la jouissance érotique, mais un sentiment de domination totale qui le mettrait à égalité avec Dieu." "Il cherche à donner une dimension culturelle à ses actes."
"Mon âme reste muette, en es-tu donc venue à ce point d'engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal ?" (Baudelaire)
L'occasion pour le lecteur de s'approcher de l'histoire de l'Irlande, "sombre comme la Guiness", aussi bien ses racines celtiques que ses guerres civiles plus récentes. "On n'efface pas d'un coup de baguette magique huit siècles d'occupation britannique, Cromwell, les révoltes réprimées dans le sang, la Grande Famine, la guerre civile et trente années de trouble."
"Comment un si petit pays a pu féconder tant de conteurs, et pas moins de quatre Prix Nobel de littérature ?" Sans parler d'un prix Nobel de la paix, mon ami John Hume, catholique et social-démocrate du Nord de l'Irlande.
Une petite histoire d'amour vient compléter le tableau.
11:31 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
27/12/2014
Moïse et Pharaon
La dame d'Abou Simbel
Christian Jacq
éditions Robert Laffont
L'Egypte vient d'interdire "Exodus, Gods and Kings" comme non conforme à l'Histoire, et le Maroc a exprimé ses réserves.
Que disent les historiens ? Que Moïse est le premier personnage de la bible dont ils ont la preuve de l'existence, et que le règne de Ramsès II est une date possible (mais non certaine) pour l'exode. Moïse aurait reçu l'éducation des futurs scribes (l'ENA de l'époque). Christian Jacq en fait un congénère et un ami de Ramsès, ce qui n'est pas historiquement avéré. Ce roman raconte la déchirure de cette amitié datant de l'adolescence, Moïse étant manipulé par un agent hittite se faisant passer pour un partisan du dieu unique, Aton devenu Yahvé (nom d'une montagne dans le désert du Sinaï).
Christian Jacq raconte également ce que disent les historiens : il y avait des Hébreux en Egypte, ainsi que beaucoup d'autres travailleurs immigrés, tous intégrés dans la population, tous autorisés à suivre les cultes à leurs dieux. Les Hébreux étaient spécialisés dans la fabrication des briques. Ils n'étaient pas esclaves et pouvaient circuler librement. Ils n'étaient pas retenus prisonniers en Egypte.
La Bible est la seule source parlant de l'exode. Aucune source égyptienne, dont l'administration était efficace et les bibliothèques riches n'en fait mention. Les scribes du pharaon n'avaient aucune raison de mentionner un évènement mineur. Traverser la Mer Rouge ? De l'autre côté, c'était également le royaume de pharaon ! Pour Christian Jacq, Moïse et les siens sont passés par un zone marécageuse, sur une bande de terre stable. La Bible, et le cinéma, auraient un peu exagéré en parlant de mer s'ouvrant et se refermant sur l'armée égyptienne. De même Christian Jacq voit des explications naturelles aux fameuses "plaies d'Egypte" et non "la colère du dieu de Moïse". "Tu ne fais qu'interpréter des phénomènes naturels en les attribuant à ton dieu". Selon Nicolas Grimal, professeur à la Sorbonne, "le refus du roi de laisser les Hébreux partir dans le désert est alors compréhensible, la zone étant particulièrement peu sûre. Christian Jacq reprend cette justification : tribus bédouines alliées aux Hittites.
La terre "promise" à Moïse par son dieu est le pays de Canaan (dont la capitale était alors Gaza), protectorat égyptien, et dont le roi et les habitants n'avaient aucune intention de laisser leur place à ces envahisseurs à qui il faudra rester quarante ans dans le désert...sans laisser aucune trace ! "Les conséquences d'une vérité absolue et définitive, imposée par des hommes à d'autres hommes".
La grande affaire de Ramsès II ce n'est pas l'exode des Hébreux, si tant est que cet exode ait eu lieu pendant son règne et non pendant celui de son fils et successeur Mineptah, mais la signature avec leurs ennemis habituels les Hittites, du premier Traité d'Etat à Etat de l'Histoire, transcrit dans la langue de chacun des deux Empires, fondant une paix durable. Il est vrai que la menace assyrienne, qui allait se concrétiser quelques décennies plus tard, pouvait être une bonne raison à ce rapprochement. Ramsès a également profité de la querelle de succession entre le frère et le fils de l'empereur hittite. Chritian Jacq en parler abondamment.
Le titre du roman "La Dame d'Abu Simbel" fait référence à la Grande épouse royale, Nefertari, pour qui Ramsès a fait construire un "temple de millions d'années" à Abou Simbel, en Nubie, très au sud de son royaume.
12:02 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, moïse et pharaon
20/12/2014
Ramsès II et les Hittites
La bataille de Kadesh
Christian Jacq
éditions Robert Laffont
Au nord de l'Egypte un empire puissant qui représente une menace : Hatti, dont la capitale Hattousa se trouve sur le plateau anatolien.
Limite sud de cet empire : Kadesh, sur les rives de l'Oronte, dans la plaine de la Bekaa (Syrie).
Entre les deux, soumis alternativement aux deux grandes puissances : Canaan, capitale Gaza et l'Amourrou, l'actuel Liban.
Pour l'auteur, l'affrontement entre la civilisation et la barbarie.
Kadesh (Qadesh) est la bataille la plus connue de ce temps, probablement parce que Ramsès II a fait graver dans la pierre, à plusieurs endroits, un récit propagandiste à sa gloire. Il aurait vaincu quasiment seul, avec l'aide de son dieu. Christian Jacq reprend cette version, en mentionnant quand même que la forteresse n'a pas été prise.
Si Jacq n'est pas toujours rigoureux sur le plan historique (c'est un roman !), il familiarise le lecteur avec Horus, caché dans les marais du delta avec sa mère Isis, pour échapper à la fureur de Seth, décidé à supprimer le fils et successeur d'Osiris, avec Bastet, la déesse chatte, incarnation de la douceur de vivre, avec Sekhmet, déesse lionne à corps de femme, avec Thot, dieu de la connaissance, babouin assis portant le croissant lunaire sur la tête.
08:26 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
13/12/2014
Ramsès II, la suite romancée
Le temple des millions d'années
Christian Jacq
éditions Robert Laffont
Malgré les manoeuvres de son frère aîné, Ramsès devient pharaon à 23 ans.
"S'était gravé en son coeur le premier devoir de pharaon : protéger le faible du fort." "Comment célébrer une fête, si un seul estomac souffrait de la faim ?" "A lui de mettre en oeuvre l'indispensable solidarité sans laquelle une société se déchirait et périssait."
"Un service de santé bien équipé s'occupait des malades et distribuait des soins gratuits."
Pour conjurer les maléfices et "le mal caché dans les ténèbres", le pharaon fait construire son "Temple des millions d'années", le "Ramesseum".
Grand bâtisseur, puisqu'il fait construire des temples à Louxor et Abou Simbel, et une nouvelle capitale, Pi-Ramsès ("la cité de Ramsès"), tournée vers la menace hittite (Anatolie), et plus généralement vers l'Orient, comme Thèbes était tournée vers l'Afrique.
Différence avec la capitale, abandonnée, créée par Akhetanon : "Akhénaton était un faible et un indécis, perdu dans ses prières. Il ne cherchait pas le bonheur de son peuple, mais la réalisation de son rêve mystique."
Les pierres sont pour les édifices religieux. Tous les bâtiments civils, y compris le palais de pharaon, sont en briques d'une résistance remarquable, fabriquées à partir du limon du Nil et de paille hachée, par les briquetiers hébreux, organisés en une corporation jalouse de son savoir-faire.
De façon romancée, l'auteur fait le rapprochement entre Aton, le Disque solaire et le Dieu unique de Moïse et des Hébreux.
Memphis, la capitale économique, à la jonction entre la vallée du Nil et le delta, "abritait de nombreux étrangers parfaitement intégrés à la population égyptienne."
Comme beaucoup de pharaons, Ramsès II a affaire au Grand Prêtre d'Amon : "le grand prêtre apparaissait davantage comme un gestionnaire aux pouvoirs étendus que comme un homme de prière."
"Se moquer de soi même, n'est-ce pas l'hygiène de l'esprit ?"
"L'envie est une maladie mortelle qu'aucun médecin ne saurait combattre."
08:07 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
29/11/2014
Avant Erlendur
Le duel
Arnaldur Indridason
Métaillé noir
Arnaldur Indridason délaisse une nouvelle fois son héros, le sympathique et tourmenté commissaire Erlendur pour mettre en avant Marion Briem, mentor d'Erlendur, personnage qui apparaît dans un certain nombre de romans antérieurs.
Comme avec Erlendur, Indridason fouille son personnage en remontant dans son enfance difficile, en l'occurrence la tuberculose qui faisait des ravages jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale, particulièrement en Islande.
L'action se passe en 1972 à Reykjavik. Un jeune homme est poignardé en plein cœur pendant une séance de cinéma, apparemment sans raison.
Au même moment se déroule le fameux affrontement entre les deux grands champions d'échecs Fischer et Spassky, l'Américain et le Russe, alors en pleine guerre froide. Tous les coups sont permis dans cette guerre psychologique que sont les échecs.
Dans la même période les Islandais sont au bord de la "guerre de la morue" pour empêcher les pêcheurs britanniques de s'approcher de leurs côtes poissonneuses. (Une des raisons de la non-adhésion de l'Islande à l'Union européenne : ne pas laisser les bateaux de pêche étrangers venir travailler dans leurs eaux territoriales)
Malheureusement, n'est pas John Le Carré qui veut, et le récit d'Arnaldur Indridason n'est pas toujours crédible.
"Nos compatriotes aiment les westerns, ces films leur rappellent les sagas islandaises."
08:21 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature