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28/08/2015

Un million de gouttes

Toutes les vagues de l'océan

Victor del Arbol

Actes noirs / Actes Sud

 

"La première goutte qui tombe est celle qui commence à briser la pierre.

La première goutte qui tombe est celle qui commence à être océan."

Ce poème russe revient à plusieurs reprises. Il éclaire le titre français, et plus encore le titre original espagnol : "un million de gouttes."

Un roman âpre qui, parfois, fait désespérer de la nature humaine. Tout le monde n'a pas la force d'être la première goutte qui commence à briser le totalitarisme.

Le livre commence par l'assassinat d'un enfant. Par noyade. D'autres exemples d'enfants martyrisés, violés, suivront.

Un flash-back nous amène dans la Russie stalinienne. La description de la déportation en Sibérie est souvent insoutenable.

Les camps français d'internement des républicains espagnols vaincus, en 1938, ne sont pas à la gloire de la France, même si ce n'était pas le goulag sibérien.

"Ils s'attendaient à être accueillis comme des héros proches du gouvernement du Front populaire, et au lieu de cela ils avaient trouvé une porcherie , des regards torves, la méfiance, les mauvais traitements et la pénurie."

"La force qui importait en ces lieux, celle de la peur. Celui qui parvenait à l'inspirer tenait les rênes."

Au fil de l'intrigue, les personnages se mettent en place, et les liens, parfois de haine, qui les réunissent. Jusqu'aux révélations finales.

Un vrai roman "noir", l'inverse d'un roman "à l'eau de rose".

 

"Les riches, en général, ne sont pas très attirants. Voilà pourquoi ils s'achètent de grosses voitures et de grosses maisons. pour qu'on regarde ce qu'ils possèdent, pas ce qu'ils sont."

"Les vieux ont le défaut de ne pas vouloir mourir quand ils prennent leur retraite."

"C'est sans doute cela devenir vieux : le corps qui devient l'ennemi, geignard, brisé, inutilisable."

"Ce ne sont pas les idées qui nous trahissent, mais les hommes qui les mettent en pratique."

"La mémoire est un paysage que chacun choisit de rêver ou de détester."

"Regretter le passé c'est courir après le vent."

"Le don de contempler est à la portée de tous, pas celui de créer."

 

 

18:23 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar

23/08/2015

La première favorite d'un roi de France

La dame de Beauté

Jeanne Bourin

éditions "Presses de la Cité"

 

Jeu de mots facile puisque Charles VII, qui a pris beaucoup d'assurance depuis le temps où il n'était que "le petit roi de Bourges ", et qui est devenu "le victorieux", lui a offert le domaine de Beauté-sur-Marne, où son grand-père Charles V, "le sage" résidait si souvent, au milieu de ses chers livres, qu'il y est décédé. Autre avantage : ce n'est pas loin du château de Vincennes où le roi réside plus volontiers qu'au coeur de Paris. Mais ne réside-t-il pas volontiers partout sauf à Paris, la ville qu'il avait du fuir quand il n'était que le Dauphin et que le Duc de Bourgogne y régnait en maître ?

Belle, Agnès Sorel ? Nous la connaissons surtout par le tableau qu'en a fait le peintre Jean Fouquet, et qui montre son sein généreusement découvert. Sous prétexte de représenter une "vierge à l'enfant". Donc avec un petit Jésus, elle qui n'a eu que des filles. Un sein tellement rond et volumineux qu'aujourd'hui elle serait soupçonnée de s'être fait mettre des implants. Elle a lancé la mode des décolletés en pointe, descendant très bas.  Son gisant dans l'abbaye de Jumièges la montre également très belle.

Dans la polémique de la suite donnée au "Roman de la rose", Agnès est du côté de Christine de Pisan "qui considère le livre comme une glorification de la séduction et s'attache à défendre l'honneur et les droits des femmes."

La guerre de Cent Ans est terminée, l'épidémie de Peste est passée,"cette époque où la guerre et les maux qu'elle entraîne ont épandu, dans la noblesse aussi bien que dans le peuple, la hantise de la mort", et le goût de la vie, donc de la fête ! Et si possible du luxe, dont Jacques Coeur, ami de la belle, se fait le pourvoyeur, pour Agnès...et toutes les autres à qui il vend à crédit."Un appétit insatiable de jouissance, une frénésie de prospérité, un besoin irrépressible de biens matériels." Agnès est "l'image d'une France nouvelle et radieuse." La cour de France connait "la magnificence qui, si longtemps, a été l'apanage des Bourguignons". Le roi, dont elle aura quatre enfants, lui offrira le premier diamant taillé vu en Occident.

Le Dauphin (le futur Louis XI) qui ne la supporte pas et qui est en conflit avec son père, fait courir les bruits de liaisons adultérines avec ses amis Pierre de Brézé, grand Sénéchal, et Etienne Chevalier, contrôleur général des finances.

"La haine populaire, plus sensible au coeur d'Agnès, grandit inexorablement envers celle que l'on surnomme "la ribaude". "Toute cette somptuosité qu'elle a souhaité offrir en hommage à la réputation de Paris surprend et indispose."

D'après l'auteur, Agnès, très pieuse, compensait son péché d'adultère avec le roi par moultes prières et donations pieuses. Au point de recevoir du Pape une "indulgence plénière".

 

09:13 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire

21/08/2015

Jacques Coeur : biographie romancée

Le grand Coeur

Jean-Christophe Rufin

éditions Gallimard

 

Après avoir été un "médecin du monde", Jean-Christophe Rufin est devenu, avec succès,  un romancier prolixe, siégeant aujourd'hui à l'Académie française.

Le livre est écrit à la première personne. Par le truchement de l'auteur, Jacques Coeur nous raconte sa vie aventureuse. Après un voyage dans l'actuelle Syrie, apte à saisir en vol les idées nouvelles,  il décide de ne plus laisser aux Catalans, aux Génois et Vénitiens le monopole du commerce méditerranéen. Il amène en France des produits de luxe dont la belle Agnès Sorel, favorite de Charles VII, ex pauvre "petit roi de Bourges",  sera la meilleure ambassadrice. Il donne l'essor à un artisanat du luxe qui préfigure la Renaissance.

Jacques et Agnès ont été proches, et avaient une relation de confiance, au point qu'elle en fasse un de ses "exécuteurs testamentaires". Pourquoi avoir inventé une liaison, parfois torride entre eux ? A l'époque, les mauvaises langues, souvent à la solde du Dauphin (le futur Louis XI) accuse Agnès de tromper le roi avec le grand Sénéchal Pierre de Brézé, ou avec le contrôleur des finances Etienne Chevalier, qui semblent l'aimer d'un amour courtois, mais pas avec le fournisseur de la cour. Pourquoi les faire se quitter après une nuit consacrée à l'amour physique ? N'était-il pas présent à son chevet, sur son lit de mort ?  Pourquoi inventer une liaison entre le roi et Antoinette de Maigrelay, cousine d'Agnès après la prise de Rouen ? Antoinette, responsable de l'éducation des filles d'Agnès ne semble pas avoir quitté Agnès et ses enfants pour aller à Rouen.

Il y a d'autres choses que Jacques Coeur, par le truchement de Rufin, ne nous dit pas : son père n'était pas un modeste pelletier, mais un gros négociant en peaux. La base de ses entreprises était à Montpellier, où, avec les produits qu'il faisait venir, a commencé la première entreprise importante en France de teinturerie.

Et, surtout, il oublie de mentionner quelques sources de sa prodigieuse richesse : la traite de belles Circassiennes,  la spéculation sur les rançons de prisonniers anglais (qu'il achetait à bas prix à ceux qui les détenaient, et avaient besoin d'argent), et les taux usuraires qu'il pratiquait à ceux à qui il prêtait de l'argent.

De quoi provoquer bien des rancœurs. "Talent réussite , succès font de vous un ennemi de l'espèce humaine." Comme plus tard Fouquet, il paiera le prix de la jalousie suscitée dans le coeur du roi. Des jalousies n'ayant rien à voir avec Agnès, et tout avec la richesse,  cachée en partie à Naples (comme le dit le roman) et en Catalogne (comme le disent les historiens). Procès inique, sans avocat, suivi d'une évasion rocambolesque et une fuite qui ne l'est pas moins.

Accusé de complot avec le Dauphin, il sera réhabilité par celui-ci devenu roi, mais, contrairement à Jeanne d'Arc,  sans avoir droit à un procès en révision.

 

"Pour tous les peuples de l'Orient, le plaisir est dans l'ombre, la fraîcheur, la clôture"

"La patience était la seule forme de bravoure qui nous était réservée"

"Puisque je n'avais qu'une vie, tant valait qu'elle fût pleine de bonheur et de volupté."

"Quiconque n'a pas vécu l'épreuve de la disgrâce , du dénuement et de l'accusation ne peut prétendre connaître véritablement la vie"

"Je peux mourir car j'ai vécu"

 

08:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire

20/08/2015

Être féministe au Moyen Âge

Christine de Pisan

Régine Pernoud

éditions Calman-Lévy

 

Le père de Christine vient de Bologne, "centre d'études juridiques les plus important sans doute en Occident, où avait pu enseigner une fille." "Ce n'est qu'au XVIIe siècle que la femme dû obligatoirement prendre le nom de son époux. Jusqu'alors, elle avait le choix entre le patronyme de son père, de sa mère, de son mari." Christine gardera le nom de son père.

Veuve à vingt-cinq ans, Christine ignorait les affaires de son mari. Il lui faudra plus de vingt ans, face au mépris de la justice pour une femme, pour récupérer les arrérages dus à son mari.

Christine écrit de la poésie. "Ce qui avait été un dérivatif va devenir une vraie carrière qui sera aussi son gagne-pain." En six ans, elle aura écrit quinze volumes.

Loin de se contenter de gagner sa vie par elle même, Christine engage le fer contre Jean de Meung, professeur à l'université de Paris.

Celui-ci s'est piqué d'écrire une suite au "Roman de la rose", best seller de l'époque, en en prenant le contre-pied. Alors que l'oeuvre originale est le symbole de "l'amour courtois" qui met la Femme sur un piédestal, comme le fait la poésie depuis le XIe siècle, Jean de Meung affiche un mépris total pour les femmes. "La quête amoureuse a totalement disparu. "La perte des valeurs courtoises, c'est l'effacement du rôle de la femme." "Comment faire entendre le langage de la poésie dans un pays livré à l'ennemi ?"

"A la chevalerie ont succédé les ordres de chevaleries dont se satisfait la vanité masculine." "Au règne du chevalier succède celui du professeur." Quand Henri de Lancastre, roi d'Angleterre par la grâce de Dieu, et héritier du royaume de France (à la mort de Charles VI, par la grâce du Traité de Troyes) entre dans Paris, il reçoit les félicitations de l'université.

"Au début du XIVe siècle, plusieurs femmes exerçant la médecine comme elles l'avaient fait jusqu'alors ont été poursuivies  parce que ne possédant pas le diplôme de l'université de Paris. Et pour cause : les femmes n'ont pas accès aux cours universitaires !"

Comment Christine peut-elle se permettre, elle, une femme, de prendre à partie un éminent universitaire ? Elle sera donc attaquée en tant que telle.

A la fin de sa vie, Christine aura le bonheur de voir une femme, Jeanne, prendre une part décisive dans la libération du pays. Elle aussi sera soumise aux jugements des universitaires. "L'université de Paris est l'instrument du roi d'Angleterre." Pierre Cauchon est l'ancien recteur de l'université. "Il y aura beaucoup de rancune ant-iféministe dans les attaques des docteurs de l'université de Paris lors du procès de condamnation de Jeanne."

"Pour Christine qui a passé une partie de son existence à tenter de convaincre ses contemporains qu'ils avaient tort de mépriser la femme, qu'il y a en elles des ressources indispensables au bon équilibre de la société, que ce monde masculin que représentent Parlements ou Universités ne saurait suffire dans la conduite du royaume, quelle justification ! Elle a toujours vanté le courage comme vertu féminine, exalté avec force exemples à l'appui ce que peut faire le courage d'une femme, montré que "fort et hardi coeur" peut-être l'apanage des femmes, car elles en ont besoin dans leur vie quotidienne."

 

 

09:34 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire

04/08/2015

Echappée à Montpellier

Le soleil se couche parfois à Montpellier

Antoine Chainas

illustré par Anthony Pastor

Echappée à Montpellier

Jean-Michel Boissier

"Les petits polars" Le Monde / SNCF

 

Cette année, les petits polars du monde se déplacent de ville en ville, de Marseille à Colmar, en passant par Montpellier.

L'intrigue policière qui met en scène un couple de tueurs (retraités d'un mystérieux "service" ?)  est un peu chaotique, avec des retours en arrière à la fin du Moyen-Âge, ou dans les années 70, à l'heure de "Montpellier la surdouée".

Je n'ai pas compris le rapport entre Montpellier et l'allusion claire à la mort (suicide ou assassinat ?) du ministre giscardien Boulin.

J'ai préféré le "mini guide de Montpellier" d'un genre inhabituel. Il donne peu d'adresses mais nous offre une promenade sympathique dans la ville. "Nous irons doucement par les ruelles fort pierreuses et tortueuses de cette vieille ville à l'antique jardin" (Paul Valéry). Sans oublier le quartier d'Antigone, dû à l'amitié entre Frêche et Ricardo Bofil, ni son tramway, classé "le plus sexy d'Europe" par le New-Yord Times, mais "qui amène la racaille au centre ville"...

Un personnage domine les deux textes : Georges Frêche, "ogre", "démiurge", "bramaïre" (grande gueule),  "maire gargantuesque", ce qui est bien le moins dans la ville de Rabelais, "surjouée plutôt que surdouée" ?.

 

"Nous n'oublierons pas le peuple, la mixité sociale. Les hôtels particuliers voisineront avec les habitations à loyer modéré."

 

"L'ennemi de la vérité s'incarne dans la certitude."

 

20:39 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar