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26/08/2012

"commissaire aux morts étranges"

Casanova et la femme sans visage

Olivier Barde-Cabuçon

Editions Actes sud, collection Actes noirs

 

Paris, 1757

Quatre ans avant que l’excellent Nicolas Le Floch ne quitte sa Bretagne natale, le jeune Volnay sauve Louis XIV qui, en reconnaissance, le fait chevalier et le nomme « commissaire aux morts étranges », sous la responsabilité de Sartine, bien entendu.

Une femme a été tuée, et son visage a totalement disparu ! Le roi, la favorite, Madame de Pompadour, mais aussi le parti dévot, ainsi qu’une mystérieuse confrérie qui veut voir disparaître la monarchie en la discréditant,  cherchent à récupérer une lettre dont la morte devait être porteuse.

Le commissaire est assisté d’un moine plus mystérieux que religieux. Il est accompagné, quasiment en permanence, d’une ravissante marquise italienne, qui travaille pour la favorite, et du célèbre Casanova, qui n’hésite pas à payer de sa personne pour enquêter dans les petites maisons du fameux « parc aux cerfs ».

Le Roi n’est pas à son avantage : « indifférent à tout », « rempli d’un vide effrayant »,   « l’état de dépravation du monarque semblait sans limites » ; « roi de droit divin, l’enfer étant réservé aux autres ».

L’auteur rappelle, justement, le rôle de Madame de Pompadour pour protéger les encyclopédistes contre le parti dévot. C’est la première fois que je lis qu’elle aurait été une des première responsable de la Franc-maçonnerie, tout juste arrivée d’Angleterre. Surprenant quand on connait la misogynie des premières loges. Mais rien n’est dit sur l’appartenance, avérée, de Sartine à cette organisation.

 

« La demeure de Volnay n’avait de raison d’être et de cohérence que par rapport aux livres »

« Le seul sens de la vie de cette noblesse clinquante était la jouissance rapide et l’assouvissement de ses désirs immédiats »

« Pour séduire les grands de ce monde il y a deux choses nécessaires : être toujours d’accord avec eux, et garder une part raisonnable de mystère ».

« Le pinceau d’un peintre est toujours tendu en érection dans la direction de ses modèles »

« La ruse honnête n’est autre chose que la prudence de l’esprit »

« On ne sait point aimer quand on sait dire adieu » (Crébillon fils)

 

08:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature

25/08/2012

Le désespoir de Stefan Zweig

Les derniers jours de Stefan Zweig

 

Laurent Seksik

 

Editions Flammarion

 

 

Février 1942, Petrópolis, Brésil

 

D'un naturel pessimiste, Stefan Zweig a quitté l'Autriche quatre ans avant l'anschluss et l'arrivée des nazis allemands.

 

"Il ne revendiquait pas d'être juif, il ne croyait en aucun dieu, il ignorait la moindre prière juive, il condamnait le sionisme. N'avait-il pas assez payé pour une identité dans laquelle il ne se reconnaissait pas ?"

"Il portait cette idée, difficilement défendable, que ce n'était pas aux Juifs de lutter contre l'antisémitisme".

"Il n'avait jamais délivré de message. On le lui avait suffisamment reproché. Ce n'était pas un écrivain engagé."

 

Ecrivain mondialement connu, ayant vendu soixante millions de livres traduits en trente langues,  exilé d'abord en Angleterre, il quitte ce pays pour les Etats-Unis après avoir été déclaré "étranger suspect", simplement parce qu'Autrichien,  après la déclaration de guerre.

 

Son périple se poursuit au Brésil, dans une ville de moyenne altitude, meilleure pour la santé de sa jeune épouse victime de crises d'asthme, (trente ans de moins que ce sexagénaire qui "se sentait devenir vieux"). Petrópolis a été fondé par l'empereur Pedro pour sa femme, une Habsbourg, faisant venir des colons de Rhénanie.

Mais là encore il ne connait pas la tranquillité : les nazis locaux le menacent de mort.

 

Il écrit une forme d'autobiographie, intitulée parfois "Monde d'autrefois", parfois "Souvenirs d'un Européen", reflet d'une "Europe cosmopolite, insouciante, créative".

"Ecrire sur Montaigne, comprendre comment garder son humanité intacte au milieu de la barbarie". "La nuit de cristal, c'est notre Saint-Barthélemy".

"Il fallait à soixante ans des forces exceptionnelles pour tout recommencer à nouveau".

 

Quand Singapour, "dernier rempart de la civilisation" s'est rendu aux Japonais,  il est persuadé que la guerre est perdue pour les démocraties, et, désespéré,  choisit la mort, comme tant de ses amis avant lui, entraînant avec lui Lotte, éprise jusqu'au sacrifice ultime. Dans son essai sur Kleist, qui avait tué son épouse avant de se suicider, n'avait-il pas écrit que "sa mort était un chef-d'œuvre" ?

 

"A l'aube des tragédies du passé, il parvenait à augurer des drames en devenir".

 

"Jamais on aime plus sincèrement la vie qu'à l'ombre du renoncement".

08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature

24/08/2012

Strip-tease masculin

Magic Mike

 

De Steven Soderbergh

 

Avec Channing Tatum, Matthew Mc Conaughey, Alex Pettyfer, Cody Horn

 

 

Il a trente ans, il rêve de devenir créateur de meubles. Il n'arrive pas à obtenir un prêt de sa banque pour se lancer. Pour avoir trop prêté aux "subprimes", les banques sont devenues restrictives. Il n'est pas sans revenus, mais ceux-ci ne sont pas salariés.

En attendant,  il est "auto entrepreneur" : il pose des tuiles sur les toits, il lave des voitures, et surtout, il gagne bien sa vie comme stripteaseur, dans la petite ville de Tampa (Floride), en attendant la consécration à Miami.

 

Steven Soderbergh, Palme d'or à Cannes pour "Sexe, mensonges et vidéo", réalisateur, entre autres, de Kafka, Che Guevara et Erin Bockovich, nous amène dans l'univers des "Chippendales", avec comme vedette Channing Tatum, dont c'est le troisième film avec Soderbergh, et qui fut réellement stripteaseur.

 

Film sexy ? Il faudrait demander aux spectatrices, mais il faut reconnaître que les chorégraphies et les danses sont de haut niveau. Les numéros sont généralement écourtés, afin de donner du rythme au film.

 

Au delà de cette idée originale, le reste du scénario est plus quelconque : un brave gars sympathique qui va prendre sa retraite à trente ans par amour (incarnée par Cody Horn), et pour s'éloigner d'un milieu trop touché par le sexe sans amour, l'alcool et la drogue.

Moralité : il faut savoir voir les gens au delà de ce qu'ils font pour gagner leur vie...

 

Une idée de reconversion ? Puisqu'il semble que de plus en plus de retraités travaillent pour compléter leur pension ? Mes petits enfants ne semblent pas convaincus...

09:59 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma

23/08/2012

C'est grâce aux hommes que la terre est belle

Géographie amoureuse du monde

 

Sylvie Brunel

 

Editions J.C. Lattès

 

 

Jamais je n'aurais pensé prendre tant de plaisir à la lecture d'un livre de géographie.

 

Je connaissais Sylvie Brunel par ses livres dénonçant le buisines humanitaire, elle qui avait longtemps été responsable de "Médecins sans frontières" puis d'"Action contre la faim".

Difficile d'ignorer qu'elle avait été l'épouse, et la mère des enfants, d'un socialiste passé chez Sarkozy.

Elle est aujourd'hui professeur à la Sorbonne (développement durable), après l'avoir été à Montpellier (géographie du développement ; j'ai épluché son livre consacré à l'Afrique, et j'en ai parlé sur ce blog).

 

C'est peut-être pour cela qu'elle commence ce livre en parlant de la Camargue ("Si la Camargue existe, c'est pour racheter Fos et La Grande Motte").

"La réinvention de la Camargue n'a pu réussir que parce que les citadins étaient avides de cultiver cet imaginaire". "La Camargue vend d'abord et avant tout du mythe parce qu'elle est d'abord et avant tout un mythe". "Il s'agit de vendre un espace présenté comme inviolé...tout en mettant en place les conditions nécessaires à l'accueil de milliers de personnes".

 

Sa démonstration est simple : non seulement l'Homme ne détruit pas la planète, mais il l'a rendu, et la rend,  habitable.

A rebours de la thèse habituelle, sa démonstration passe par l'île de Pâques. Contrairement à ce que j'ai entendu cet été à la télévision dans une émission didactique, ce ne sont pas les Pascuans qui ont rendu leur île invivable en la déboisant, mais une longue période de sécheresse suivie d'expéditions esclavagistes (péruviennes) ponctionnant la moitié de la population et introduisant sur l'île des maladies comme la tuberculose. Les Européens ont fini de dévaster le fragile écosystème en introduisant lapins et ovins.

 

Sylvie Brunel ne nie pas les problèmes : "il nous faut sans répit trouver des solutions collectives aux dysfonctionnements du monde". "L'histoire de l'humanité est celle d'une âpre lutte pour la survie". "Il n'existe pas de terre maudite. Juste des hommes qui décident ou non,  de se donner une chance de vivre mieux, ensemble sur la même planète". "Education, innovation, anticipation" sont les trois piliers qu'elle préconise, en prenant pour exemple Abou Dhabi ("le père de la gazelle") qui l'a manifestement fascinée, mais dont je ne connais malheureusement que l'aéroport...

 

Revenant de Samoa, j'ai lu avec un intérêt particulier le chapitre consacré à "la douceur et violence des îles tropicales". "L'île à cocotiers est un des produits phares de l'industrie touristique". "Les touristes croient "naturel" ce qui est en réalité le produit d'une opération volontariste de revégétalisation". La réalité est surtout faite, pour les habitants, "d'épouvantables cyclones", "violence du climat et manque de ressources". "L'isolement et l'éloignement rendent difficiles et coûteuses les activités économiques. Le marché intérieur est trop limité pour le rentabiliser".

Ressources : vendre des droits de pêche de leurs immenses Zone Economique Exclusive, vendre leurs noms de domaine Internet, vendre des pavillons de complaisance, devenir des paradis fiscaux "off shore". Les aides liées au changement climatique ont remplacé les aides coloniales puis néocoloniales. "Accuser les pays riches d'impéritie a toujours été une stratégie payante pour leur extorquer des fonds, seul change l'alibi : le climat a désormais remplacé l'impérialisme". "Les migrations séculaires, autrefois dues à la pauvreté, aujourd'hui imputées au climat". "Il existe entre les visiteurs et les visités un grand malentendu : les premiers viennent chercher ce que les seconds sont soulagés d'abandonner".

 

"Il n'y a jamais de fatalité, ni du milieu, ni des hommes. Les choix politiques et économiques déterminent l'avenir d'une nation". Sylvie Brunet donne l'exemple du Sertao, le Nord-est brésilien, semi-aride, "transformé en moins de deux décennies en un pôle de développement majeur". "La bonne gouvernance, même si ceux qui emploient cette expression y mettent une dose excessive de libéralisme : le marché et les opportunités de la mondialisation ne peuvent pas développer durablement un pays sans une vraie politique d'équité et de redistribution. L'Etat doit mener une lutte permanente contre les inégalités, porteuses de conflits sociaux". Elle salue les mesures exemplaires du Président Lula dans ce domaine, donnant un revenu minimum aux plus pauvres.

 

Concernant l'Afrique, "continent riche peuplé de pauvres",  et ses "démocratures" ("dictatures de fait revêtues des habits d'une démocratie tronquée"), "le consensus de Pékin -mieux vaut la croissance que la démocratie- a supplanté le défunt consensus de Washington". "Tout processus de croissance économique rapide creuse les inégalités lorsque la redistribution sociale n'est pas au rendez-vous". "Incorrigibles, les Occidentaux continuent de croire qu'ils savent mieux que les Africains ce qui est bon pour l'Afrique".   

 

Comme dans son livre sur l'Afrique, Sylvie Brunel termine par l'éloge du travail des paysans. "Cette nature que les citadins aiment tant est le produit de sociétés paysannes".

 

08:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

22/08/2012

Meles Zenawi, "exemplaire"

Le dictateur éthiopien Meles Zenawi vient de décéder d'une tumeur au cerveau, à l'hôpital Saint-Luc de Bruxelles.

 

Ces vingt ans de pouvoir ont été caractérisés par une répression sans faille : opposants et journalistes, éthiopiens ou étrangers,  en prison ou réduits à l'exil.

Il faudra, encore et toujours, réclamer leur libération.

 

Je connais bien Ana Gomes et Thijs Berman qui conduisaient les deux dernières missions d'observation électorale de l'Union européenne en Ethiopie.

Je me trouvais au Parlement Panafricain lorsque celui-ci entendait le rapport de ses observateurs.

A chaque fois, la conclusion était claire : les élections étaient totalement truquées. "Une farce", ai-je même entendu dire de la part des parlementaires africains, habituellement peu critiques.

Mais ni les ministres européens, ni les ministres africains n'ont osé assumer cette vérité.

Sans parler du fait que Zenawi était un protégé des Américains.

 

L'explication tient en un mot : la Somalie.

Le pouvoir somalien était à la pointe de la lutte contre les islamistes somaliens.

 

Les Occidentaux, comme Pékin, préfèrent une dictature stable à une démocratie incontrôlable. Surtout dans cette région. Le Kenya voisin a déjà exprimé sa crainte de déstabilisation. Personne ne devrait oublier  que la fin de la "guerre froide" et l'arrivée du pluralisme au début des années 90,  se sont traduites par la multiplication des guerres "civiles", dans plus de trente pays sur les cinquante de l'OUA.

 

Donc pas de pluralisme en Ethiopie ces vingt dernières années. Les mouvements issus de guérillas sont mal équipés pour la démocratie, car elle ne règne pas dans leurs rangs pendant la période de clandestinité.

Je ne connais d'exception que la SWAPO de Namibie, et l'ANC de Mandela.

 

Espérons que la mort du dictateur permettra une transition vers, enfin, des élections libres, pluralistes, transparentes, et que l'Ethiopie, enfin démocratique, sera un exemple pour l'ensemble de la Corne de l'Afrique.

10:34 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique