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12/11/2009

Les veines ouvertes de l'Amérique latine

Les veines ouvertes de l'Amérique latine

 

Eduardo Galeano

 

L'histoire implacable du pillage d'un continent

 

Le livre que Chavez a offert à Obama

 

Terre humaine poche

Pocket N°3022

 

 

Eduardo Galeano n'est pas universitaire, il est journaliste, et a voulu écrire un livre pour le grand public. "Auteur non spécialisé s'adressant à un public également non spécialisé".

 

La première édition de ce livre, en espagnol, date de 1971. Ce n'est donc pas un livre d'actualité, mais un livre qui raconte l'histoire du pillage du continent sud-américain, d'abord par les conquistadors espagnols, puis par le capitalisme, européen pour commencer, américain pour continuer, avec la collaboration active d'une bourgeoisie locale prédatrice.

"Les ports étaient les déversoirs par où se dilapidaient les revenus nationaux".

 

Il n'y a pas eu d'accumulation primitive d'un capitalisme local productif, celui-ci étant détourné pour la construction de palais, l'achat de nouvelles terres et dans les activités spéculatives, "malade d'apparat et de gaspillage".

 

Les cultures vivrières disparurent au profit des cultures d'exportation (sucre, cacao, caoutchouc, coton, bananes, café), nées de la demande européenne, nécessitant une main d'œuvre très bon marché, esclave pour commencer. " Le latifundio actuel descend en ligne directe de la plantation coloniale". "Les hommes politiques ont appris que la meilleure façon de ne pas faire de réforme agraire et de l'invoquer sans arrêt".

 

"Il arrive avec le pétrole ce qui arrive avec le café ou la viande : les pays riches gagnent beaucoup plus à le consommer que les pays pauvres à le produire". "Le pétrole imprègne présidents et dictateurs".

 

"L'échange mutuel de marchandises constitue, avec les investissements directs à l'extérieur et les emprunts, la camisole de force de la division internationale du travail", phrase qui reste d'une brûlante actualité, et qui pourrait se méditer en Afrique autant qu'en Amérique latine.

 

"Les rétributions de misère empêchèrent le développement d'un marché intérieur de consommation".

"Les bottes des dictateurs ne tardèrent pas à immobiliser les couvercles des marmites en ébullition". "Les dictatures s'efforçaient de tenter les capitalistes étrangers : elles leur offrait le pays comme les proxénètes offrent une femme".

 

A la manière des écrivains voyageurs, Galeano retourne sur les traces du passé et confronte celui-ci au présent.

 

"Il nous manquait une condition essentielle pour constituer une grande et seule nation : la communauté économique", mais "quelle communauté peuvent former des pays qui n'ont même pas réussi à faire leur unité nationale ?"

 

Pour le peuple, l'enjeu est clair : "récupérer les ressources usurpées équivaut à récupérer notre destin". "Certains croient que le destin repose sur les genoux des dieux, mais la vérité est qu'il travaille, comme un destin brûlant, dans les consciences des hommes", et pour terminer une note d'espoir : "Dans l'histoire des hommes, chaque acte de destruction trouve tôt ou tard sa réponse dans un acte créatif".

 

 

Le propos est un peu affaibli par le panégyrique de Cuba, et par des affirmations touchantes mais un peu ridicules, comme "Dans une société socialiste, les travailleurs ne sont pas mus par la jalousie"...

 

08/11/2009

comment fonctionne un "buzz"

Buzz moi

 

Aurélia Aurita

 

Les impressions nouvelles

 

 

Plus que l'histoire, en bandes dessinées, du succès inattendu, d'un premier album (Fraise et Chocolat), Aurélia raconte comment fonctionne un "buzz", par le suivisme des journalistes.

Cela commence par quelques lignes dans des blogs spécialisés, mais tout se déchaîne quand Libération lui consacre sa fameuse dernière page. Bien entendu Le Monde ne veut pas être en reste. Et tout vient : journaux, magazines, radios et, consécration suprême, la télévision.

Particulièrement égratignées : la journaliste de Elle qui n'a pas lu l'album et qui s'en fout, et Mazarine Pingeot, animatrice d'une émission littéraire dans une radio de grande écoute.

Le récit du passage au "Grand journal" de Canal + est également particulièrement réussi.

Aurélia peut être légitimement agacée d'entendre de la part des journalistes toujours les mêmes questions, qui portent plus sur sa vie privée que sur l'acte créatif.

Le dessin est un peu simpliste, en noir et blanc, mais avec assez de personnalité pour être original.

Souhaitons une longue carrière, et beaucoup de "buzz", à Aurélia, cela montrera que les journalistes ne lui en veulent pas !

En attendant, on peut toujours en parler dans les blogs...

 

08:26 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd

07/11/2009

Panama dans les années 80

Embrouilles à Panama

 

Gérard De Villiers

 

SAS n°85

 

 

Il s'agit de la réédition, cette année, d'un livre paru en 1987.

C'est peu dire que la situation politique a bien changé à Panama en vingt ans.

 

Il s'agit d'un roman, mais les allusions sont transparentes : Julio Chavarria, qui, dans le premier chapitre est sauvagement décapité pour avoir constitué un dossier accablant contre le général Coiba est, de toute évidence, le député Hugo Spadafora, ancien  ministre, dont le corps a été retrouvé, décapité,  dans la forêt tropicale,  à proximité de la frontière avec le Costa Rica, en 1985.

Et, de façon transparente, sous les traits du général Coiba,  il est facile de reconnaître le général Noriega, de sinistre mémoire.

 

Noriega, comme des centaines d'officiers latino-américains, est passé par la fameuse "Ecole des Amériques", basée à Panama, où la CIA les formait à la lutte anti-communiste. En 1983, agent de la CIA,  il devient le chef des forces armées panaméennes. Le Président Barletta, élu grâce à la fraude électorale, n'existe que par l'appui que lui apporte l'armée,  donc Noriega.

Comme chacun sait,  tout pouvoir a besoin d'un contre pouvoir et "le pouvoir absolu corrompt absolument".

En 1987, l'année de la première parution de ce livre, il commence à être de notoriété publique que Noriega profite de sa position pour s'enrichir grâce au trafic de drogue.

Un ancien militaire affirme publiquement que Noriega a truqué les élections présidentielles et a commandité le meurtre de Spadafora. Des troubles éclatent dans le pays. Toutes les garanties constitutionnelles sont suspendues.

La presse américaine se lance dans une campagne contre Noriega, qui devient, pour le gouvernement américain, un ami gênant.  La tension ne cesse de monter entre les gouvernements américain et panaméen. Noriega décide alors de surfer sur le sentiment anti-américain qui se développe à Panama à cause de l'occupation américaine du canal, prévue jusqu'en 1999 (Au moment de la construction du canal, en 1903, le Panama avait payé aux USA leur aide pour obtenir leur indépendance à l'égard de la Colombie en leur concédant, à perpétuité,  une zone de 8kms de chaque côté du canal).

Trafiquant de drogue, dictateur, et en plus anti-américain, trop, c'est trop.  En 1989 les Américains tentent de renverser Noriega (le livre est donc prémonitoire). Ils échouent. La guerre est déclarée et les USA envahissent Panama, où ils ont déjà, en permanence 20.000 soldats dans la zone du canal. C'est l'opération "Just Cause". Noriega se réfugie à l'ambassade du Vatican. Il est finalement arrêté et expédié à Miami,  où il est condamné pour trafic de drogue. Les estimations du bilan de "Just Cause" vont de 400 à 7.000 morts.

 

Aujourd'hui les Américains sont partis (probablement sauf l'antenne de la CIA !), et le Panama est dirigé par un Président et un gouvernement sociaux-démocrates.

 

A part ça je peux confirmer, comme le raconte le livre : les mêmes rues portent,  au même endroit,  des noms différents, ce qui ne facilite pas le repérage ; il peut pleuvoir,  beaucoup ; la spécialité locale, le "céviche", poisson blanc cru,  mariné, est très bon ; le $ s'appelle toujours le "balboa" ; par contre, au milieu des gratte-ciel, les vieilles maisons coloniales du bord de mer ont disparu...

Et puis, cette phrase qui s'applique, malheureusement, à beaucoup de pays latino-américains, et d'ailleurs,  touchés par le narcotrafic : "Les sommes colossales gagnées avec le trafic de drogue ont créé une nouvelle race de criminels dont la férocité dépasse l'imagination".

09:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

31/10/2009

la couleur de la peau

La couleur de la peau

 

Ramon Diaz-Eterovic

 

Editions Métaillé, noir

 

La littérature policière est pleine de ces détectives privés, à la cinquantaine froissée, buvant et fumant trop, traînant des nuits entières dans les bars, seuls malgré leurs succès auprès des femmes, fauché car plus préoccupé d'éthique que de rentabilité.

"La solitude m'a pris dans ses bras et je n'ai rien fait pour échapper à ses caresses".

 

L'originalité de celui-ci, à part d'être chilien, est d'avoir pour conscience un chat blanc répondant au nom de Simenon, et, comme le prouve ce choix, d'être imbibé de littérature européenne, en particulier française.

 

Mélancolique, "découragé comme un cheval qui a perdu trop de courses",  il enquête sur la disparition d'un Péruvien sans papiers, à la demande du frère de celui-ci.

Mais qui se préoccupe de la disparition d'un sans papiers ? A peine le lecteur qui découvre que le racisme, la xénophobie, le mépris social, ne sont pas l'exclusivité de l'Europe. L'antagonisme séculaire entre le Chili et le Pérou, la guerre de 1879,  expliquent moins que des réactions qui ne sont, malheureusement, pas l'apanage du Front National, à l'égard de ceux qui fuient la pauvreté pour chercher du travail et, parfois, tombe dans la délinquance. "La plupart se font exploiter et bossent pour un salaire de misère". "Donner de l'importance à la couleur de la peau ne nous amènera rien de bon".

Son enquête croise la route de SDF ("pauvres clochards, observateurs involontaires d'une société sans pitié"),  et d'un tripot de jeux clandestins.

Le tout raconté avec subtilité et un humour distancié.

 

 

"A ton âge, tu devrais savoir que la chatte la plus réservée sort ses griffes à la moindre provocation"

 

"Il n'y a pas d'heure pour la mémoire, cette vieille traîtresse. A la moindre négligence elle remplit tes poches de mots et de souvenirs."

 

"La vie est plus facile si on ne parle pas de religion, de politique ou de foot."

 

"J'ai probablement vécu les deux tiers de ma vie. Il me reste donc le dernier tiers, à coup sûr le plus difficile, celui de la lassitude et des adieux"

 

"Je n'avais pas besoin d'un médecin pour reconnaître que je vieillissais, et que la vie commençait à me présenter ses factures avec l'insistance d'un usurier".

 

"La stupidité, vieille comme le monde, de croire qu'un nom, la grosseur d'un portefeuille ou la race fait de vous un être supérieur".

 

08:09 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature

25/10/2009

Silex and the city

Silex and the city

 

Jul

 

Editions Dargaud

 

"Toute la planète semble obéir aux lois de la sélection naturelle...toute ? Non, une vallée résiste, encore et toujours".

 

Hommage à Astérix, référence à une série télévisée américaine, et surtout parodie de la famille "Pierrafeu", avec des anachronismes comparables : la ZEP est une "Zone d'Evolution Prioritaire" ("Il est dégraissé votre mammouth ?"), EDF, Energie Du Feu, le MLF, "Mouvement de Libération du Feu.

 

Avec la famille "Dotcom" (Blog, Spam, Web et URL), nous vivons une campagne électorale, avec des candidats représentants les "minorités visibles", des "alter-darwinistes", des "dolto-sapiens", avec les slogans de l'époque : "évoluer + pour gagner +", "Pour une évolution soutenable", ou "Pour une évolution tranquille", des pacifistes qui disent "Non à la guerre du feu", et un appel à la mobilisation car "si tu ne t'occupes pas du paléolithique, le paléolithique s'occupera de toi".

"Chasse, pêche, nature et traditions" était, bien entendu, déjà présent dans la campagne...électorale !

 

Et tout cela dessiné par Jul, de "Charlie Hebdo".

 

08:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd