20/03/2016
Un débat français oublié
Les racines de la liberté
1689- 1789
Jacques de Saint Victor
éditions Perrin
"Les Francs ont envahi la Gaule romaine au Ve siècle et emporté avec eux leurs institutions de liberté. La souveraine puissance appartenait à la générale et solennelle assemblée de toute la Nation, ancêtre des Etats Généraux."
"Les rois mérovingiens puis carolingiens vont s'appuyer sur les anciennes aristocraties gallo-romaines pour affaiblir les guerriers, jadis leurs égaux." "L'histoire des premiers rois est une tentative de rogner les pouvoirs des anciens compagnons francs, d'autant plus isolés en Gaule qu'ils ne parlent que leur langue germanique."
"Avec les croisades puis la guerre de Cent ans, les nobles se retrouvent prisonniers ou décimés sur les champs de bataille. La monarchie en profite pour renforcer sa puissance. Philippe le Bel s'attribue, le premier, la puissance d'anoblir. La noblesse perd l'essentiel de ses fonctions politiques, militaires et de justice." "Jusqu'à ce que l'absolutisme ne s'établisse avec Louis XI".
En réaction à l'absolutisme de Louis XIV, la question s'est posée de cet héritage. Selon les théoriciens parlementaires, "le parlement serait l'héritier direct des assemblées franques." Mais les "parlements " de l'ancien régime, "composés de magistrats inamovibles propriétaires de leur charge", sont ils représentatifs de la Nation ? "La vérification des édits par le parlement lui donne une autorité qui va le conduire à rivaliser avec les états généraux." "Les parlements peuvent aller jusqu'à usurper le pouvoir législatif en assimilant l'enregistrement de la loi à son consentement."
"Le pouvoir souverain des rois n'est pas au dessus de la nation. Ce n'est pas au roi, mais à la nation que revient le droit sacré de déférer la couronne."
Dans l'esprit de la haute noblesse, "la nation se limite à la Cour des pairs." "La noblesse seconde, souvent noblesse ancienne, qui n'a pas accédé à la pairie va réclamer la convocation des états généraux."
Les Etats généraux, créés en 1302 se réunissaient périodiquement au XIVe siècle. Sous le règne du premier roi de la dynastie des Valois, Philippe VI, les états arrêtent même, en 1338, que "les impôts ne pourront être ni instaurés ni levés sans leur accord." Malheureusement, "les états généraux, contrairement au parlement d'Angleterre, ne sont pas parvenus à s'imposer."
"Seuls les états généraux peuvent se prétendre les héritiers de ces assemblées représentant la Nation."
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14/03/2016
Les ducs de Bourgogne à la tour Jean Sans Peur
Les grands Ducs de Bourgogne
Tour Jean Sans Peur
jusqu'au 3 avril
La tour "Jean sans peur", en plein centre de Paris, rappelle ces temps de luttes internes en France. Jean, Duc de Bourgogne, avait beau être "sans peur", il se repliait tout de même dans une tour fortifiée qui est possible aujourd'hui de visiter, et où sont organisées très régulièrement des expositions portant sur le Moyen-Âge.
Jean Sans Peur prit le pouvoir à Paris après avoir fait assassiner son cousin et rival duc d'Orléans. Attiré dans un guet-apens, soit disant pour parler de réconciliation, il fut assassiné à son tour sur le pont de Montereau. C'était la grande époque de la guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons.
Jean sans peur était le fils de Philippe le Hardi qui avait gagné ce surnom à la bataille de Poitiers, perdue par les Français. "Père gardez vous à gauche, père gardez vous à droite", c'est lui ! Son père lui donna en apanage le duché de Bourgogne. Et son frère aîné, devenu le roi Charles V le confirma dans ses titres. A la mort de son beau-père, il hérita, au nom de sa femme, de la Flandre et de l'Artois.
Le fils de Jean Sans Peur, Philippe le Bon, continua la guerre contre les Armagnacs, partisans du dauphin, qu'il contribuera à déshériter en s'alliant avec les Anglais, avant de conclure une paix séparée avec le dauphin devenu Charles VII avec l'aide de Jeanne d'Arc.
Le dernier grand duc de Bourgogne, fils de Philippe le bon, fut Charles le Téméraire, qui voulait être roi, et unifier les terres héritées de ses pères. La Lorraine était le chainon manquant entre ses possessions du sud, la Bourgogne proprement dit, et celles du nord. Pour parvenir à ses fins, il fit alliance avec le roi d'Angleterre, dont il épousa la sœur, et avec la maison de Habsbourg, sa fille unique se mariant avec Maximilien. Leur fils, Philippe le Beau, se maria avec Jeanne, héritière de Castille et d'Aragon (la future "Jeanne la folle"). De leur union naquit Charles Quint.
L'exposition montre tout cela très bien avec des panneaux très clairs et des cartes qui font comprendre les enjeux, ainsi que des costumes d'époque.
La richesse de la cour du duc de Bourgogne avait de quoi rendre jaloux les rois de France.
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03/03/2016
Le cardinal des plaisirs
Bernis
Le cardinal des plaisirs
Jean-Marie Rouart
de l'Académie française
éditions Gallimard
"Il lui manquait la rapacité des arrivistes de haut vol" "Qu'est ce qui demeure de la réussite quand on a laissé échapper le bonheur ?"
Habité de "la douce passion des femmes", il considère qu'il est possible d'"être voluptueux sans être irréligieux ".
"Dans les heures lentes et inoccupées de l'âge canonique , quand on commence à emprunter le chemin du renoncement ; on ne va plus au bureau ; la question des femmes a perdu de son actualité ; l'ambition ne vous tourmente plus."
Sans le sou, le petit noble languedocien "part à la conquête des salons.""Des femmes et des amis constituaient son seul capital." "Les salons, lieu de brassage intense. Ce sont les femmes qui les dirigent." "La galanterie est le passe-temps favori de ces dames. Elles y trouvent le piquant qui manque à leur existence oisive et fade." Favori de la favorite, il est nommé ambassadeur à Venise. "Il montre une grande application dans son travail diplomatique qui ne péchera jamais ni par le dilettantisme ni par l'amateurisme." A Venise, il rencontre Casanova. "Ce rendez-vous va asseoir leur légende dans les annales du libertinage ." En France, seule l'aristocratie a tendance à se dévergonder. A Venise aucune catégorie sociale n'est épargnée."
Il est chargé du renversement d'alliances de la France. L'Autriche, notre ennemi depuis trois siècles, devient notre alliée, contre l'Angleterre et la Prusse. Bernis est chargé de la négociation...qui allait aboutir à la désastreuse guerre de Sept ans dont le résultat sera la perte de notre empire colonial.
Il devient ministre des affaires étrangères, puis principal ministre("le titre de premier ministre fait peur au roi"). A 42 ans, il est ministre d'Etat, pourvu d'une abbaye. "Il ne veut que la fin de la politique belliqueuse de Mme de Pompadour, pour sauver les finances de la banqueroute." Il est remplacé par son "ami" Choiseul qui, au moins autant que lui, "aime le beau sexe à la folie". "Prodigieusement intelligent. Infatigable pour faire travailler les autres. Cynique."
En compensation, Bernis reçoit le chapeau de cardinal, archevêque d'Albi. Il a 43 ans. "Sa passion des femmes ne s'est pas éteinte." "Il fut disgracié pour avoir parlé de paix" dira Frederic II.
Cardinal, il doit se rendre à Rome pour l'élection d'un pape. "Il approchait de la soixantaine. Il a trouvé à Rome des voluptés." "Eternel amoureux, il s'enflamme pour une jeune femme de 24 ans, la princesse de Santa-Croce, l'une des plus jolies femmes de Rome."
Puis vient la Révolution. La confiscation des biens de l'Eglise le ruine. Il survit grâce à une pension de la Cour d'Espagne.
Dernier coup de foudre : la duchesse de Polignac, la ravissante amie de Marie-Antoinette. Il a 75 ans, elle en a 40. "Elle le maintient dans la fièvre de l'espoir."
"C'est tout le charme vénéneux de la politique d'être rarement raisonnable."
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22/02/2016
Armées paysannes rouges, blanches et vertes
La guerre civile russe
1917/1922
Jean-Jacques Marie
éditions "Autrement"
La semaine dernière, j'ai parlé de deux romans se déroulant pendant la guerre civile russe. Que dit Jean-Jacques Marie, historien spécialiste de cette région et de cette époque ?
Le pays en est sorti totalement ruiné, exsangue, épuisé, affamé." "Pendant l'hiver 21/22 la famine ressuscite le cannibalisme et sème des centaines de milliers de morts." Les "lourdes pertes civiles sont du même ordre de grandeur que celles de la guerre de Sécession" (que les Américains appellent la guerre "civile"). "La guerre civile est la plus cruelle des guerres". "Il y a bien eu terreur blanche, terreur rouge et terreur verte". "Guerre civile internationale", puis qu'une douzaine de gouvernements étrangers s'en mêlent.
En 1917, les socialistes-révolutionnaires "opposent aux soviets la légitimité de l'assemblée constituante, seule détentrice du pouvoir légal." Les bolcheviks décrètent sa dissolution le lendemain de sa première et unique réunion. Les soldats ne veulent plus de la guerre. "Une immense jacquerie dévale sur la Russie." Le Congrès des Soviets décide "une paix immédiate" ainsi que la confisquation des terres des grands propriétaires et de l'Eglise qui devront être, ensuite, réparties entre les paysans.
"Les paysans ne veulent surtout pas voir revenir les propriétaires que les armées blanches traînent dans leurs fourgons et qui veulent récupérer leurs propriétés." "La débauche de leurs officiers couronne le pillage généralisé de la population, surtout paysanne, par les armées blanches. Là sont les germes de leur défaite finale."
Les paysans, las du pillage des Blancs et mécontents des réquisitions des Rouges, se soulèvent" et forment les armées "vertes". "Chaque conquête, ou presque, d'une ville par une armée verte se termine par un gigantesque pillage, en général distribué gratuitement à la population villageoise."
Pour répondre au sabotage des fonctionnaires de la banque centrale qui refusent de fournir de l'argent au gouvernement bolchévique, celui-ci crée la "commission extraordinaire de lutte contre le sabotage et la contre-révolution ("Tcheka", qui deviendra le KGB). Cette "commission" est mise sous le contrôle de Staline.
Afin de "priver d'espoir l'ennemi", les bolcheviks décident d'abattre toute la famille impériale.
"Les Rouges avaient de magnifiques orateurs qui croyaient à l'instauration du paradis sur la terre, et qui savaient entraîner les paysans par le mirage du paradis." "Les Verts ne proposaient que la révolte locale." "Derrière les Blancs, se profilaient les propriétaires terriens."
"La défaite de Wrangel en novembre 1920 semble marquer la fin de la guerre civile." "Si la victoire militaire est totale, le bilan politique n'est pas brillant." "La fin de la guerre civile rend le communisme de guerre aussi insupportable aux paysans à qui l'on confisque presque toute leur récolte qu'aux ouvriers décharnés." "La plupart des bolcheviks tombent, victimes de la contre-révolution stalinienne."
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01/02/2016
La Tchécoslovaquie, enjeu de la diplomatie américaine
L'ami américain
Justine Faure
éditions Tallandier
Ce livre est un condensé de la thèse de doctorat de Justine Faure qui enseigne à Sciences-Po Strasbourg. Travail pour lequel elle a obtenu le "Prix Duroselle".
Elle démontre les distorsions entre les discours et l'action, surtout de la part des Républicains, malgré leur surenchère verbale anti-communiste sur les Démocrates.
"Le rideau de fer tomba en Europe en février 1948, lorsque les communistes prirent le pouvoir à Prague.""L'Allemagne fut le principal pays d'accueil des réfugiés."
"La région ne fut jamais prioritaire pour les Etats-Unis." "L'impression d'activisme américain en Europe centrale et orientale ne s'appuyait sur aucun acte concret."" La politique de déstabilisation du bloc soviétique menée après 1948 ne gêna Moscou que dans une faible mesure."
Après 1955 , avec la "coexistence pacifique", "glissement des ambitions soviétiques vers les pays en voie de développement." "L'Europe de l'Est disparut alors des préoccupations américaines." La priorité était alors de "dresser une sorte de cordon sanitaire antisoviétique en Asie, en Afrique et en Amérique latine." "L'Europe n'est plus le terrain où le combat se livre (Président JF Kennedy). La Tchécoslovaquie devient alors "le fer de lance de l'offensive communiste dans le tiers-monde."
"Alors que les USA s'enlisaient toujours plus au Vietnam, la poursuite de la bonne entente avec l'URSS était un objectif essentiel." "Les experts américains sous-estimèrent régulièrement la violence des forces de changement en Europe de l'Est." "Les mouvements hostiles à l'URSS en Europe de l'Est étaient perçus comme une gêne dans la conduite de la normalisation des relations américano-soviétiques.""Brejnev savait qu'il ne risquait pas de représailles. La prudence américaine se transforma en passivité." Michel Debré qualifia d'"accident de parcours de la détente" l'insurrection de Prague de 1968.
La politique russe actuelle en Ukraine et en Georgie se comprend mieux à l'aune de celle de 45 : "l'extension de la zone d'influence russe comme un moyen de protéger l'intégrité territoriale d'un pays aux frontières vulnérables."
"En 1946, les Soviétiques cherchaient réellement à envahir la Turquie."
Et, déjà, les Etats- Unis considéraient qu'ils devaient "assumer la direction morale du monde."
16:43 Publié dans Affaires étrangères | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, europe centrale