04/09/2017
Un destin allemand
Le testament Aulick
Pierre Servent
éditions Robert Laffont
Pierre Servent est un journaliste spécialiste des questions militaires. Ancien enseignant à l'Ecole de guerre. Entre autres interventions, il est "l'expert" militaire (colonel de réserve) lors des défilés du 14 juillet.
Il nous propose dans ce roman le récit de la vie d'un jeune Allemand francophile, ("les Bavarois sont très francophiles") étudiant à Montpellier (avant Erasmus ! "toutes les bonnes familles faisaient faire à leurs rejetons des séjours dans ce pays voisin") qui se retrouve de 1914 à 1918 dans la boue et la sauvagerie des tranchées.
En 1918, il participe, avec les débris de la VIIIe armée allemande de la Baltique, au côté des Russes "blancs, " dans la lutte contre les "rouges" dans les pays baltes. "Les Barons baltes d'origine allemande y sont d'ailleurs implantés depuis sept siècles.""Plusieurs de ces ex-combattants de la Baltique se retrouveront dans la garde rapprochée d'Hitler."
Après la défaite, qu'il ne comprend pas, il déprime et se fait enrôler par un camarade de combat dans le parti nazi, bien qu'il ne soit pas antisémite.
Parfaitement francophone, il est envoyé à l'ambassade d'Allemagne à Paris. Puis, à la fin de la guerre, à Budapest. Il décrit dans son "testament" les horreurs commises par les nazis allemands et hongrois ( les "Croix fléchées") avant l'arrivée de l'armée soviétique.
Le document, qui a pu être transmis à sa femme par un prêtre et un rabbin, est retrouvé chez un antiquaire de Montpellier par un professeur d'histoire, aidé, en particulier pour la traduction, par sa collègue qui enseigne l'allemand.
Les relations entre les deux profs sont tellement "cousues de fil blanc" qu'elles en sont décevantes.
"Comment un pays, connu comme l'une des terres de prédilection du romantisme, a-t-il pu se donner corps et âme à un personnage comme Hitler ? Dans ces années là, l'Allemagne est sans doute en Europe l'un des Etats au plus haut niveau culturel, avec un système éducatif et universitaire de très grande qualité."
08:21 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
23/08/2017
Une histoire de France qui sort de l'ordinaire
Histoire mondiale de la France
sous la direction de Patrick Boucheron
éditions du Seuil
"Ce ne serait pas trop de l'histoire du monde pour expliquer la France." (Jules Michelet)
Mais, contrairement à ce glorieux ancêtre, les auteurs ne considèrent pas cette "glorieuse patrie" comme "le pilote du vaisseau de l'humanité."
"Expliquer la France par le monde, une France qui s'explique avec le monde. La France n'existe pas séparément du monde."
Une façon innovante de parler de l'histoire de ce qui est devenu la France : 122 auteurs pour 146 dates. Presque tous des historiens universitaires, mais il y a également l'écrivain congolais Alain Mabanckou qui parle d'Aimé Césaire.
Comme le pointillisme en peinture, ces touches rassemblées composent un tableau attractif. "Tellement plus intéressante ainsi !".
Ne faut-il pas avoir, au préalable, un bonne notion de l'Histoire de France pour goûter cette histoire décalée et ces éclairages sur des points spécifiques de l'histoire mondiale de la France ?
Un livre qui se lit "au hasard des envies et des souvenirs."
08:38 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
01/08/2017
Dans les Cévennes après la révocation de l'Edit de Nantes
La nuit des Camisards
de Lionel Astier
mise en scène Gilbert Rouviere
Le spectacle commence par la proclamation de l'édit de Fontainebleau, plus connu sous le nom de "révocation de l'édit de Nantes" (1685).
Louis XIV a écouté ses courtisans qui lui affirmaient qu'il restait peu de tenants de la "religion prétendue réformée" en son royaume de droit divin. Il met fin à la tolérance concernant la liberté de cultes.
Un saut dans le temps amène les spectateurs en 1702. La répression royale bat son plein. Les récalcitrants sont envoyés aux galères. Certains font mine de se convertir, assistent aux messes, mais se retrouvent clandestinement dans le "désert".
C'est pour cette raison que la pièce est jouée en plein air, dans un lieu de rassemblement, après une courte déambulation. Les acteurs prennent la fuite à l'arrivée des forces de répression.
Heureusement, le texte n'est pas manichéen, et il existe des "fous de Dieu" dans les deux camps, certains d'être les messagers de la volonté divine.
La notion de "liberté de conscience", bien connue aujourd'hui en Europe n'est manifestement alors qu'une idée vague sinon incongrue.
Le spectacle est joué depuis bientôt dix ans, avec le même succès. Après les carrières de Junas, il est actuellement au Pont-du-Gard.
16:58 Publié dans Téâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre, histoire
22/07/2017
Meurtre dans les jardins de Versailles
Le moine et le singe-roi
Olivier Barde-Cabuçon
Une enquête du commissaire aux morts étranges
éditions Actes noirs / Actes Sud
Le "moine", c'est le père du Chevalier de Volnay. Il est habillé d'une robe de bure en signe de pénitence, mais n'a rien de religieux Un exemple parfait d'esprit libre du "siècle des Lumières". Dans ce volume, il vole largement la vedette au "commissaire aux morts étranges", en particulier par son impertinence. Son idéal "serait que les hommes se régulent entre eux sans avoir besoin de divin ou d'absolu."
Le "singe-roi" n'est rien moins que le roi Louis XV. "Souverain butant contre son mur d'ennui." "Pas d'enthousiasme, encore moins de conviction." "Il continuait d'autant plus ses débauches qu'il croyait au pardon divin." "C'était le temps de la colère." (du peuple !)
Même époque que les romans de Jean-François Parot, mais pas du tout le même esprit. Pas le même style d'écriture non plus. Parot m'agace souvent par sa trop grande admiration pour Louis XV puis XVI. Mais son style est original par son décalage avec l'écriture contemporaine habituelle.
Je n'avais pas particulièrement apprécié la première enquête de ce commissaire spécial, lui aussi sous les ordres de Sartine. J'ai donc été heureusement surpris par ce nouvel opus. Avec un petit bémol : Diane de Poitiers n'était pas la maîtresse d'Henri IV mais d'Henri II, avec la particularité, rare déjà à l'époque, d'une grande différence d'âge inverse au sens habituel. Mais il s'agit probablement d'une coquille typographique...
"A Versailles, on ne parle pas, on médit."
"On ne pense ici qu'à comploter, manipuler, se gaver et forniquer."
"Ici, l'apparence a plus d'importance que la réalité. Cette étiquette entérine la soumission de la noblesse à l'autorité du roi."
"Il n'existe pas de droit naturel mais seulement un droit régalien. C'est la raison d'Etat qui décide de tout."
08:23 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
16/07/2017
Les hommes de la liberté 4
La révolution qui lève
1785/1787
Claude Manceron
éditions Robert Laffont
Dans ce quatrième tome des "Hommes de la liberté", la fresque des années qui précèdent la Révolution, une place de choix est faite à l'affaire du "collier de la Reine", mal nommée puisque ce collier n'a jamais été à Marie-Antoinette, victime "de la calomnie qui fait depuis quelques années l'environnement de la Reine de France.""La Reine vient d'insulter toute misère en se faisant acheter par le Trésor royal le château de Saint-Cloud."
"Elle a rempli, croit-elle son contrat avec la France en lui donnant deux enfants mâles et elle ne peut quasiment plus supporter les rares nuits communes avec un Louis XVI écrasé de sommeil." "Elle a la maladresse de l'innocence."
Au centre d'"une des plus belles escroqueries de l'Histoire", le cardinal de Rohan, Grand Aumônier de France. "Cet âne mitré rêvait d'être nommé Premier des ministres, le prurit habituel à ceux qui ont tout : il ne leur reste que l'ambition pour unique appétit."
"Les bévues de Louis XVI ont réussi ce miracle de transformer en héros l'un des prélats les plus corrompus de France." "Peut-être le roi n'est-il pas trop fâché de cette rude leçon donnée à sa femme qui l'humiliait tant ?"
Treize des soixante et un chapitres sont consacrés à l'affaire.
"La banqueroute, c'est leur cancer encore caché, mais rongeant de l'intérieur cet immense mécanisme du luxe délirant de la noblesse de cour, qui s'emballe à force d'emprunts ."
Le livre s'ouvre sur l'arrestation, pendant cinq jours, de Beaumarchais qui a osé écrire, dans Les noces de Figaro, "qu'avez-vous fait pour avoir tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus !".
Dans le même esprit, Barère, futur grand de la Convention, écrit "Le mérite n'a pas besoin d'aïeux".
Autre grande affaire de cette marche vers la Révolution : ce que l'on nomme aujourd'hui les "mouvements sociaux", ces "manifestations des plus pauvres parmi les pauvres". A Lyon, "les compagnons n'arrivent plus à payer leur pain. Les ouvriers tisseurs désertent les ateliers. Rapidement , toute la fabrique lyonnaise est pratiquement en grève. Les maçons s'émeuvent à leur tour et délaissent les chantiers." Tout cela se terminera par un répression sanglante.
Le livre se conclu par la convocation par le roi, sur proposition de Calonne, son ministre des finances , d'une assemblée de 144 notables choisis par le roi. "Pour un notable convoqué, il va faire des dizaines de mécontents." "Pas un savant, pas un homme de lettres, pas un industriel, pas un avocat."
Dans son discours d'ouverture le roi propose "une répartition plus égale des impositions." La Révolution est en marche !
"A partir de l'été 1786 le trésor royal est au bord de la faillite. Les paiements commencent à s'arrêter, faute de numéraire dans les caisses. Emprunter ? Mais à qui ? "
16:37 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire