26/01/2016
Le Régent -2
Le règne du sphinx
Patrick Pesnot
Pocket 15030
"Que la fête commence !". Pour moi le Régent garde à jamais les traits de Philippe Noiret. Patrick Pesnot le décrit en sphinx. Comme son oncle, il est secret et sait cacher ses intentions. "L'art de gouverner était d'abord celui de dissimuler."
Ce deuxième tome commence à la mort de Louis XIV. Pour être Régent, et casser le testament du feu roi, il a besoin du "Parlement" et de la Haute noblesse. "Pétri d'habileté", il donne des gages aux uns et aux autres, avant de revenir à l'absolutisme, en abaissant les uns et les autres, et en laissant Dubois, son ancien percepteur, abbé se rêvant Richelieu ou Mazarin, se muer en "tyran obsessionnel et à demi-fou" après avoir obtenu les chapeau de cardinal dont il rêvait.
Tout le monde croit le Régent dilettante ? Il laisse croire, alors qu'il est "levé à la pique du jour" et travaille tout le jour. "Philippe se départait rarement de son calme."
Le soir, et la nuit, "au contraire de Louis XIV en perpétuelle représentation, Philippe entendait distinguer son métier de Régent de sa vie ordinaire . Il interdisait à ses invités d'évoquer les affaires de l'Etat."
"Les finances du royaume se trouvaient dans un état catastrophique et la misère était le lot quotidien d'une majorité de paysans et de manouvriers français." Les revenus des deux années à venir étaient déjà consommés. Le "système" de John Law, malgré ses défauts permettra d'alléger la dette, ainsi qu'un"train d'économies sans précédent".
"Epris de tolérance, Philippe a mis fin aux persécutions dont étaient victimes les huguenots." Quand sa fille Louise-Adelaïde entre au couvent, il lui dit : "vous deviendrez l'épouse du Christ. Je n'ai guère espoir d'entretenir de bons rapports avec mon futur gendre." "En ayant assoupli la censure, il avait sa part de responsabilité dans l'éclosion d'une pensée nouvelle qui n'hésitait plus à critiquer l'absolutisme du système monarchique."
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19/01/2016
La famille Breughel
Les chevilles de papier
Michel Lefèbvre
éditions édilivre
L'auteur, Michel Lefèbvre, est un restaurateur de tableau réputé, de très haut niveau, spécialiste de la peinture flamande du XVIIe siècle. L'âge de la retraite arrivant, il se livre à sa nouvelle passion, l'écriture, en nous faisant profiter de ses connaissances sur les Breughel et leurs techniques picturales, tout en nous replongeant dans l'atmosphère, troublée, de l'époque.
Les guerres de religions sévissent. La Belgique, et donc Anvers, la métropole des Pays-Bas espagnols, est le champ de batailles des grandes puissances. Anvers, son port "aimant colossal attirant l'argent et le pouvoir renforcé par l'art et le savoir."
D'un coté les Espagnols, la plus grande puissance du moment, et les catholiques qui mènent une vigoureuse campagne de contre-réforme. De l'autre Louis XIV, allié aux protestants des Pays-Bas, bien qu'il fasse la guerre aux protestants en son royaume. C'est la guerre de "Trente ans", et , comme toujours, ce sont les populations civiles qui souffrent le plus de ces temps troublés, de ce "siècle des gueux". "La population souffrait sous les furies successives des deux bords. Tour à tour les soldats espagnols, allemands et français spoliaient et terrorisaient les habitants." "Les troupes espagnoles réprimaient avec violence tout manifestation qui leur était hostile." "Les troupes calvinistes pillaient autant que ces gredins d'Espagnols." Au milieu les humanistes tels Christophe Plantin et Juste Lipse (un bâtiment des institutions européennes porte son nom à Bruxelles) sont quasiment condamnés à la clandestinité.
Le livre passe rapidement sur le père Pieter, "l'ancien", le plus réputé pour s'attarder sur ses deux fils.
L'ainé, également prénommé Pieter, Pieterken, le petit Pierre en flamand, se distinguera surtout dans la copie libre des oeuvres paternelles.
Le cadet, Jan, est élevé par sa grand-mère, la miniaturiste Marie Bessemers. Il se spécialisera dans la peinture des fleurs qui ornent les portraits qu'il peint pour gagner, largement, sa vie. La délicatesse de sa peinture le fera surnommé "le Bruegel de velours." Il travaillera à plusieurs reprises avec son ami Rubens.
Jan pour pour élève Daniel Seghers. Moins connu aujourd'hui que la famille Bruegel et que Rubens, mais que certains historiens de l'art désigne comme "le premier génie de la peinture hollandaise du XVIIe". Daniel va-t-il devenir le gendre de Jan ? Vous les saurez à la fin du livre dont j'attends avec impatience la suite.
17:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, peinture, histoire
12/01/2016
Raison et raison d'Etat
L'Europe "absolutiste"
1649 - 1775
Robert Mandore
éditions Fayard
Dans l'Europe de cette époque, deux "modèles" se font face, et parfois s'affrontent : la France et l'Angleterre. Pour l'auteur, la France absolutiste de Louis XIV ne soutient pas la comparaison.
En France : centralisation du pouvoir autour de Louis XIV. "Bossuet fait l'apologie de l'absolutisme." "Il n'est guère de pays où la noblesse d'épée ait été dépouillée comme en France de ses fonctions administratives et judiciaires, par le lent travail de la monarchie." Mais ses privilèges fondent toujours l'ordre social. "L'essor des bourgeoisies a grandement servi la consolidation du pouvoir royal, face à des noblesses turbulentes." Mais, "tout essor bourgeois implique une remise en question de l'ordre établi."
Louis XIV fait la guerre, pour sa gloire. Il en résulte "l'épuisement des peuples, la ruine des finances publiques, la famine de 1709 - 1710, les désastres et les destructions de la guerre, les ravages des soldats." La ponction démographique est estimée, minimum, à un quart de la population. Les révoltes se multiplient jusqu'à la fin du règne et "Versailles manque de moyens pour réprimer les troubles et assurer la rentrée des impôts." Les révoltes populaires affirment l'existence d'un "quatrième "état". "Les exigences de la guerre perpétuelle ont ruiné l'ambition absolutiste."
Pendant la Régence, après quelques années de "polysynodie", "tout l'institutionnel rentre dans l'ordre absolutiste."
Sous Louis XV, "jamais encore le pouvoir monarchique n'avait été aussi discuté, contesté, remis en question."
En Angleterre, la "Glorieuse Révolution" qui oblige Jacques II, le dernier Stuart, "victime, comme son frère Charles II, de l'illusion versaillaise," à se réfugier en France, protégé par le roi "soleil", et qui oblige son gendre, monter sur le trône à sa place, à accepter de partager le pouvoir. "L'Angleterre donne l'exemple, inouï jusqu'alors, d'un pays où la classe politique choisit le souverain et lui impose les règles du jeu." "Le vote annuel du budget devient l'acte essentiel de la pratique parlementaire." "La tentation absolutiste est pour longtemps écartée." "Face à l'Europe presque entièrement fascinée par l'absolutisme versaillais, l'Angleterre représente une autre société qui refuse toute domination du monarque." "Le parlementarisme britannique, féru de représentation, de partage des pouvoirs et de libertés ne s'exporte pas."
Un pays prospère en train d'affirmer sa puissance et qui attire les détenteurs de capitaux, "plaque tournante pour les grands trafics européens et transocéaniques", avec "cette subtile symbiose réalisée entre la terre et l'argent." Avec une "multiplication de ces petites écoles pratiques qui assument une fonction essentielle pour asseoir l'essor économique de la bourgeoisie marchande." "Aucun autre pays européen n'a construit autant de navires que l'Angleterre pendant les trente années qui ont suivi la Glorieuse Révolution." "La prospérité économique va en s'accélérant, les dividendes s'investissant à mesure qu'ils sont touchés." En particulier par ces "magnats colonialistes enrichis par les trafics d'esclaves, du sucre et du tabac." "L'Angleterre est le seul pays où la croissance de la bourgeoisie s'est trouvée absorbée et assumée par l'aristocratie traditionnelle." Mais cette société "ne ménage pas ses pauvres.""Les mutations économiques se réalisent toujours au détriment des plus déshérités." "Londres et le grand entrepôt d'importation et de réexportation", et"Hambourg assure la redistribution des produits anglais dans toute la partie septentrionale de l'Empire."
"La guerre de succession d'Espagne et la paix d'Utrecht sanctionnent la victoire de l'Angleterre sur la France." Malheureusement, "l'abandon de la Nouvelle-France n'a provoqué qu'indifférence à Paris."
"Plutôt changer ses propres désirs que le cours du monde" Descartes
18:56 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
24/11/2015
Une histoire de la naissance des Etats-Unis
Notre espion en Amérique
Arnaud Delalande
éditions Grasset
De ce roman historique j'ai plus aimé le côté historique que le roman, dont le "héros" ne fait pas de l'espionnage, mais accompagne le jeune marquis de La Fayette de 1775 (le Congrès vote à l'unanimité, mais secrètement, l'indépendance), jusqu'à la victoire finale de Yorktown, "la seule défaite majeure de la Royal Navy en ce grand siècle", en 1781, concrétisées par le Traité de Paris deux ans plus tard.
Seul agent secret autoproclamé, mythomane, Caron de Beaumarchais. Il y a surtout des espions anglais. "Cette délégation américaine était un nid d'espions."
En 1776, "les forces américaines représentaient environ le tiers de celles de l'ennemi."" Un bon tiers des Américains est encore loyaliste." "Ce n'est pas seulement une guerre contre les Anglais. C'est une guerre civile." C'est ainsi que les choses sont présentées au musée d'histoire de la Caroline du Nord, qui ne mentionne même pas La Fayette : "une guerre voisins contre voisins".
"Tirer et fuir. Ne jamais rester au même endroit. Le principe immémorial de la guérilla." "La Fayette se démenait dans une guerre d'escarmouches."
La Fayette était déjà à la tête d'une fortune colossale quand il se marie, à 17 ans, avec Adrienne de Noailles. "L'une des plus grandes dynasties de France." Il était pénétré de l'Encyclopédie et des Lumières. "L'orphelin auvergnat qui rêvait d'Amérique avait rencontré un père ; Washington avait trouvé un fils." "C'était comme si ce garçon, jusque là presque sans histoire, se hissait naturellement aux proportions de l'épopée qu'il traversait."
"Les Français couchaient volontiers avec les Indiennes et fondaient parfois des familles, mixité que la plupart des Américains trouvaient répugnante."
"Lorsque l'oligarchie commerçante hollandaise, en 1579, s'était rebellée contre la domination espagnole et catholique, elle avait confié son administration à un responsable baptisé "grand pensionnaire", tandis qu'un capitaine-amiral général, le "stathouder" avait reçu mission de faire la guerre." Charles de Broglie considérait qu'il était "indispensable de faire encadrer la jeune armée américaine par des professionnels." "Broglie se proposait pour devenir le "stathouder" des Etats-Unis."
"De toutes parts on les vit sortir, les gueux, les pouilleux, les sans-chemises, aux vêtements crasseux et déchirés et aux armes de rien, les soldats et miliciens de l'ombre." "Pour la première fois de l'Histoire, une bande de rebelles dépenaillés avaient ridiculisé une armée européenne. Saragota venait de changer le monde."
Washington est le vainqueur final, c'est à lui que Cornwallis remet son épée. Côté français, l'amiral de Grasse et Rochambeau jouent les rôles principaux, mais La Fayette, parce qu'il a été le premier sur place, à se battre, est resté dans l'histoire des USA où l'on ne compte plus les Fayetteville, les Fayette villages, les Fayette street...
Son retour en France fut triomphal. "Adoubé par la loge de Saint-Jean d'Ecosse du Contrat social, comme il l'avait été par Washington, son Père et Frère, à la grande loge de Pennsylvanie."
"La liberté a été pourchassée tout autour du globe. Ô Américains ! recevez la fugitive et préparez un refuge pour l'humanité" Thomas Paine. Les Américains d'aujourd'hui feraient bien de lire et méditer cette phrase...
"Quel courage il fallait, il faudrait toujours pour porter cette idée simple - Liberté !"
"L'Histoire n'est-elle qu'une suite de luttes contre des oppressions successives ?"
02:37 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
17/11/2015
Guerre civile
La guerre de sécession
John Keegan
éditions Perrin, avec le concours du Centre national du livre
A Raleigh, capitale de la Caroline du Nord, il y a en centre ville un mémorial en souvenir des morts de la guerre de sécession, qu'ici on appelle la guerre "civile". Uniquement des morts Sudistes. 150 ans après la victoire de Grant sur Lee, la réconciliation ne passe pas par les monuments aux morts.
Les Etats du Sud, à commencer par la Caroline du Sud ont fait sécession, et engagé les hostilités, après l'élection de Lincoln. Ils défendaient l'indépendance des Etats face au pouvoir central de Washington. Il en reste encore quelque chose dans la politique américaine d'aujourd'hui. Il est de bon ton de critiquer les autorités centrales de la capitale fédérale. Un peu comme, en Europe, de rendre "Bruxelles" responsable de tous les maux. Cet "égoïsme des Etats" sera une des causes de la défaite du Sud où "les impôts ne fonctionnèrent jamais."
Contrairement à l'image que nous avons du Sud, à travers "La case de l'oncle Tom" et "Autant en emporte le vent", "la plupart des Sudistes étaient des petits fermiers, vivaient au jour le jour sur des exploitations de subsistance, et n'avaient aucun esclave." "La culture dominante n'était pas celle du coton mais celle du maïs", base du régime alimentaire. Ils sont entrés en guerre, solidaires des grands propriétaires en raison de leurs "espérances muettes mais constantes d'ascension sociale par la propriété d'esclaves."
Le Sud rural n'avait aucune chance face au Nord industriel : mieux armés par des fusils se chargeant par la culasse, bientôt à répétition, mieux habillés grâce à l'invention de la machine à coudre, mieux chaussés, grâce aux machines à coudre les semelles, mieux nourris grâce à l'invention de la conserve de viande avec une organisation parfaite du ravitaillement basée sur un réseau ferré développé. Et comme "la guerre fut plutôt une affaire de fantassins."...
La guerre civile américaine a été "l'une des plus cruelles jamais menées. Le personnel militaire ennemi, en l'absence d'objectifs géographiques manifestes, était la seule cible à frapper." Sherman avait conclu que "la manière la plus rapide de briser la Confédération était de faire souffrir ses simples citoyens." "La guerre c'est la cruauté et rien ne peut l'adoucir" (Sherman)"Le viol a été l'un des rares actes de barbarie dont les soldats maraudeurs de l'Union ne se soient pas rendus coupables."
"Le désir de se retrancher s'était enraciné dans l'esprit des simples soldats, partagé par les officiers." Prémices de la Première guerre mondiale et ses tranchées...
"Lee aspirait à livrer une bataille décisive et à achever la guerre par une seule action écrasante, comme Napoléon."
La guerre causa environ 620.000 morts dont 360.000 unionistes et 260.000 confédérés (un quart des hommes blancs valides du Sud). Ces pertes excèdent les pertes américaines pendant la Seconde guerre mondiale." "Un soldat de l'Union sur dix fut blessé, un sur soixante-cinq tué, un sur treize mourut de maladie." "Les régiments de l'Union subissaient des pertes de 30% dans chaque affrontement.""Les morts par maladie furent deux fois plus nombreuses que celles par blessure." "Comme cela serait encore le cas jusqu'à la Première guerre mondiale."" L'Union enregistra plus d'un million de malades de dysenterie, dont 57 000 entraînèrent la mort. "Une remarquable capacité des deux côtés à accepter de lourds sacrifices ." " La bataille d'Antietam Creek/ Sharpsburg a été le jour le plus sanglant de toutes les guerres américaines. Plus sanglant que le 6 juin 44 ou que Iwo Jima." "Les hommes ne portaient pas de plaques d'identité, ce qui rendait la reconnaissance des cadavres hasardeuse."
"Le blocus fut l'un des instruments de la ruine de la Confédération." "La résurrection ne viendrait que des transferts de capitaux du Nord en quête de possibilités d'investissement."
"La guerre projeta le Nord vers la domination de l'économie mondiale. Un essor créé par la demande liée à la guerre."
En 1866, le 14e amendement à la Constitution garantissait à tous les citoyens l'égalité politique et juridique. En 1869, le 15e amendement déclarait que "les droits des citoyens ne pouvaient être déniés ou restreint "en raison de la race, de la couleur, ou de la condition antérieure de servitude." Comme Lincoln l'avait déclaré "la guerre concernait d'une certaine façon l'esclavage."
"Karl Marx, qui s'intéressât fort à la guerre de Sécession, croyait et soutint qu'elle inaugurerait un nouvel ordre social."
01:13 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, usa