25/08/2015
Le plaisir malgré l'Eglise
Le plaisir au Moyen Âge
Jean Verdon
éditions Perrin
Le plaisir, au Moyen Âge comme à de bien d'autres époques, semble d'abord sexuel. La particularité du Moyen Âge est l'emprise de l'Eglise sur la vie des gens. Et, pour l'Eglise, la seule justification de la sexualité est la reproduction. Tout le reste est "adultère". "Les hommes d'Eglise du Moyen Âge mettent ce aspect au centre de leurs préoccupations." "La religion et son omniprésence ne peuvent que condamner comme péché, le plaisir, l'amour." "Le grand phénomène du Moyen Âge est l'omnipotence religieuse. Sa grande nouveauté est l'association du péché et de la chair."
Dans l'amour courtois, le soupirant est l'homme lige de la Dame, à l'instar du système féodal." "Ils se donnent tous les plaisirs, sauf celui de l'acte proprement dit." "Dans quelle mesure la littérature, reflet de l'imaginaire, correspond à une réalité ?"
L'Eglise interdit les rapports avec une femme enceinte, ou pendant ses règles, puisqu'il ne saurait être question de reproduction.
Ce n'est qu'à la Renaissance que Fallope mettra en évidence le lien entre le clitoris et un plaisir spécifique du sexe féminin."
"Dans les pénitentiels du Haut Moyen Âge, la masturbation ne semble pas tenue pour un très grave péché. Mais à partir du XIIIe siècle, les théologiens considèrent qu'il s'agit d'un vice contre nature, donc d'un crime." "Il faut s'en confesser expressément sous peine de damnation."
"Jusqu'au XIIIe siècle, l'homosexualité a tenu une large place dans l'Occident chrétien et n'a pas fait l'objet de virulentes condamnations." Au XIIIe siècle, "l'école de droit d'Orléans publie un code qui ordonne la castration à la première faute."
"Beaucoup d'homme souhaitent le coït pour éprouver du plaisir, et fort peu pour engendre des fils." Au XIe siècle, "la jouissance permet de vaincre le dégoût éprouvé par l'utilisation d'organes honteux."
Les plaisirs de la table arrivent, dans la condamnation, tout de suite après la sexualité. D'où les périodes de jeûne. Moins nombreuses, quand même, que les périodes d'abstinence.
"Les plaisirs issus des sens nobles, la vue, l'ouïe, peuvent être rapportées à Dieu." Mais pour "gagner la vie éternelle", "la souffrance signifie la rédemption."
"L'oeil est le miroir du coeur."
"Le plaisir ne rend esclaves que ceux qui le considèrent comme une fin en soi."
07:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
23/08/2015
La première favorite d'un roi de France
La dame de Beauté
Jeanne Bourin
éditions "Presses de la Cité"
Jeu de mots facile puisque Charles VII, qui a pris beaucoup d'assurance depuis le temps où il n'était que "le petit roi de Bourges ", et qui est devenu "le victorieux", lui a offert le domaine de Beauté-sur-Marne, où son grand-père Charles V, "le sage" résidait si souvent, au milieu de ses chers livres, qu'il y est décédé. Autre avantage : ce n'est pas loin du château de Vincennes où le roi réside plus volontiers qu'au coeur de Paris. Mais ne réside-t-il pas volontiers partout sauf à Paris, la ville qu'il avait du fuir quand il n'était que le Dauphin et que le Duc de Bourgogne y régnait en maître ?
Belle, Agnès Sorel ? Nous la connaissons surtout par le tableau qu'en a fait le peintre Jean Fouquet, et qui montre son sein généreusement découvert. Sous prétexte de représenter une "vierge à l'enfant". Donc avec un petit Jésus, elle qui n'a eu que des filles. Un sein tellement rond et volumineux qu'aujourd'hui elle serait soupçonnée de s'être fait mettre des implants. Elle a lancé la mode des décolletés en pointe, descendant très bas. Son gisant dans l'abbaye de Jumièges la montre également très belle.
Dans la polémique de la suite donnée au "Roman de la rose", Agnès est du côté de Christine de Pisan "qui considère le livre comme une glorification de la séduction et s'attache à défendre l'honneur et les droits des femmes."
La guerre de Cent Ans est terminée, l'épidémie de Peste est passée,"cette époque où la guerre et les maux qu'elle entraîne ont épandu, dans la noblesse aussi bien que dans le peuple, la hantise de la mort", et le goût de la vie, donc de la fête ! Et si possible du luxe, dont Jacques Coeur, ami de la belle, se fait le pourvoyeur, pour Agnès...et toutes les autres à qui il vend à crédit."Un appétit insatiable de jouissance, une frénésie de prospérité, un besoin irrépressible de biens matériels." Agnès est "l'image d'une France nouvelle et radieuse." La cour de France connait "la magnificence qui, si longtemps, a été l'apanage des Bourguignons". Le roi, dont elle aura quatre enfants, lui offrira le premier diamant taillé vu en Occident.
Le Dauphin (le futur Louis XI) qui ne la supporte pas et qui est en conflit avec son père, fait courir les bruits de liaisons adultérines avec ses amis Pierre de Brézé, grand Sénéchal, et Etienne Chevalier, contrôleur général des finances.
"La haine populaire, plus sensible au coeur d'Agnès, grandit inexorablement envers celle que l'on surnomme "la ribaude". "Toute cette somptuosité qu'elle a souhaité offrir en hommage à la réputation de Paris surprend et indispose."
D'après l'auteur, Agnès, très pieuse, compensait son péché d'adultère avec le roi par moultes prières et donations pieuses. Au point de recevoir du Pape une "indulgence plénière".
09:13 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
21/08/2015
Jacques Coeur : biographie romancée
Le grand Coeur
Jean-Christophe Rufin
éditions Gallimard
Après avoir été un "médecin du monde", Jean-Christophe Rufin est devenu, avec succès, un romancier prolixe, siégeant aujourd'hui à l'Académie française.
Le livre est écrit à la première personne. Par le truchement de l'auteur, Jacques Coeur nous raconte sa vie aventureuse. Après un voyage dans l'actuelle Syrie, apte à saisir en vol les idées nouvelles, il décide de ne plus laisser aux Catalans, aux Génois et Vénitiens le monopole du commerce méditerranéen. Il amène en France des produits de luxe dont la belle Agnès Sorel, favorite de Charles VII, ex pauvre "petit roi de Bourges", sera la meilleure ambassadrice. Il donne l'essor à un artisanat du luxe qui préfigure la Renaissance.
Jacques et Agnès ont été proches, et avaient une relation de confiance, au point qu'elle en fasse un de ses "exécuteurs testamentaires". Pourquoi avoir inventé une liaison, parfois torride entre eux ? A l'époque, les mauvaises langues, souvent à la solde du Dauphin (le futur Louis XI) accuse Agnès de tromper le roi avec le grand Sénéchal Pierre de Brézé, ou avec le contrôleur des finances Etienne Chevalier, qui semblent l'aimer d'un amour courtois, mais pas avec le fournisseur de la cour. Pourquoi les faire se quitter après une nuit consacrée à l'amour physique ? N'était-il pas présent à son chevet, sur son lit de mort ? Pourquoi inventer une liaison entre le roi et Antoinette de Maigrelay, cousine d'Agnès après la prise de Rouen ? Antoinette, responsable de l'éducation des filles d'Agnès ne semble pas avoir quitté Agnès et ses enfants pour aller à Rouen.
Il y a d'autres choses que Jacques Coeur, par le truchement de Rufin, ne nous dit pas : son père n'était pas un modeste pelletier, mais un gros négociant en peaux. La base de ses entreprises était à Montpellier, où, avec les produits qu'il faisait venir, a commencé la première entreprise importante en France de teinturerie.
Et, surtout, il oublie de mentionner quelques sources de sa prodigieuse richesse : la traite de belles Circassiennes, la spéculation sur les rançons de prisonniers anglais (qu'il achetait à bas prix à ceux qui les détenaient, et avaient besoin d'argent), et les taux usuraires qu'il pratiquait à ceux à qui il prêtait de l'argent.
De quoi provoquer bien des rancœurs. "Talent réussite , succès font de vous un ennemi de l'espèce humaine." Comme plus tard Fouquet, il paiera le prix de la jalousie suscitée dans le coeur du roi. Des jalousies n'ayant rien à voir avec Agnès, et tout avec la richesse, cachée en partie à Naples (comme le dit le roman) et en Catalogne (comme le disent les historiens). Procès inique, sans avocat, suivi d'une évasion rocambolesque et une fuite qui ne l'est pas moins.
Accusé de complot avec le Dauphin, il sera réhabilité par celui-ci devenu roi, mais, contrairement à Jeanne d'Arc, sans avoir droit à un procès en révision.
"Pour tous les peuples de l'Orient, le plaisir est dans l'ombre, la fraîcheur, la clôture"
"La patience était la seule forme de bravoure qui nous était réservée"
"Puisque je n'avais qu'une vie, tant valait qu'elle fût pleine de bonheur et de volupté."
"Quiconque n'a pas vécu l'épreuve de la disgrâce , du dénuement et de l'accusation ne peut prétendre connaître véritablement la vie"
"Je peux mourir car j'ai vécu"
08:55 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
20/08/2015
Être féministe au Moyen Âge
Christine de Pisan
Régine Pernoud
éditions Calman-Lévy
Le père de Christine vient de Bologne, "centre d'études juridiques les plus important sans doute en Occident, où avait pu enseigner une fille." "Ce n'est qu'au XVIIe siècle que la femme dû obligatoirement prendre le nom de son époux. Jusqu'alors, elle avait le choix entre le patronyme de son père, de sa mère, de son mari." Christine gardera le nom de son père.
Veuve à vingt-cinq ans, Christine ignorait les affaires de son mari. Il lui faudra plus de vingt ans, face au mépris de la justice pour une femme, pour récupérer les arrérages dus à son mari.
Christine écrit de la poésie. "Ce qui avait été un dérivatif va devenir une vraie carrière qui sera aussi son gagne-pain." En six ans, elle aura écrit quinze volumes.
Loin de se contenter de gagner sa vie par elle même, Christine engage le fer contre Jean de Meung, professeur à l'université de Paris.
Celui-ci s'est piqué d'écrire une suite au "Roman de la rose", best seller de l'époque, en en prenant le contre-pied. Alors que l'oeuvre originale est le symbole de "l'amour courtois" qui met la Femme sur un piédestal, comme le fait la poésie depuis le XIe siècle, Jean de Meung affiche un mépris total pour les femmes. "La quête amoureuse a totalement disparu. "La perte des valeurs courtoises, c'est l'effacement du rôle de la femme." "Comment faire entendre le langage de la poésie dans un pays livré à l'ennemi ?"
"A la chevalerie ont succédé les ordres de chevaleries dont se satisfait la vanité masculine." "Au règne du chevalier succède celui du professeur." Quand Henri de Lancastre, roi d'Angleterre par la grâce de Dieu, et héritier du royaume de France (à la mort de Charles VI, par la grâce du Traité de Troyes) entre dans Paris, il reçoit les félicitations de l'université.
"Au début du XIVe siècle, plusieurs femmes exerçant la médecine comme elles l'avaient fait jusqu'alors ont été poursuivies parce que ne possédant pas le diplôme de l'université de Paris. Et pour cause : les femmes n'ont pas accès aux cours universitaires !"
Comment Christine peut-elle se permettre, elle, une femme, de prendre à partie un éminent universitaire ? Elle sera donc attaquée en tant que telle.
A la fin de sa vie, Christine aura le bonheur de voir une femme, Jeanne, prendre une part décisive dans la libération du pays. Elle aussi sera soumise aux jugements des universitaires. "L'université de Paris est l'instrument du roi d'Angleterre." Pierre Cauchon est l'ancien recteur de l'université. "Il y aura beaucoup de rancune ant-iféministe dans les attaques des docteurs de l'université de Paris lors du procès de condamnation de Jeanne."
"Pour Christine qui a passé une partie de son existence à tenter de convaincre ses contemporains qu'ils avaient tort de mépriser la femme, qu'il y a en elles des ressources indispensables au bon équilibre de la société, que ce monde masculin que représentent Parlements ou Universités ne saurait suffire dans la conduite du royaume, quelle justification ! Elle a toujours vanté le courage comme vertu féminine, exalté avec force exemples à l'appui ce que peut faire le courage d'une femme, montré que "fort et hardi coeur" peut-être l'apanage des femmes, car elles en ont besoin dans leur vie quotidienne."
09:34 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
11/08/2015
La fin du Moyen-Âge
Le temps des Valois
Claude Gauvard
Professeur émérite d'histoire médiévale à la Sorbonne
éditions P.U.F.
Le temps des Valois, c'est le temps de la guerre "de 100 ans", de la peste noire, des famines. C'est la fin de la féodalité : les souverains sortent vainqueurs des affrontement contre l'aristocratie, avec l'aide de nobles plus modestes.
"Cette crise a tété le ferment du développement des institutions qui ont façonné le royaume de France". Après trois graves défaites, Crécy, Poitiers, Azincourt, la guerre ne se gagnera plus avec le "ban et l'arrière ban" féodal, mais avec l'artillerie, et avec une armée permanente au service exclusif du roi, payée par des impôts stabilisés, qui permettent de payer également les "fonctionnaires" qui assurent le fonctionnement de l'Etat. "La naissance de l'Etat moderne."
"Ce royaume de France est né en ce début du XIVe siècle." "L'attachement au royaume l'emporte sur l'attachement aux parents par le sang." "Existe-t-il un sentiment national ? Le devoir du peuple est d'obéir et de payer l'impôt. Dans cette société fortement hiérarchisée, chacun doit rester à sa place, ce qui tue dans l'oeuf tout développement du sentiment national."
"Le Moyen Âge, théoriquement, se termine en 1453, avec la prise de Constantinople par les Turcs, ou en 1492, avec la découverte du Nouveau Monde." Pour l'auteur, après la terrible Peste noire de 1348, rien ne sera plus comme avant. Comme d'autres historiens, elle montre qu'il n'y a pas de cloison entre Moyen Âge et Renaissance, l'influence italienne se manifestant avant même la fin de la guerre de Cent Ans.
"La guerre de Cent Ans est en partie née de la crise de la seigneurie qui avait vu ses revenus baisser." "Tout autant que la noblesse française, la noblesse anglaise, confrontée au même problème d'effondrement de ses revenus seigneuriaux, souhaite la guerre."
"La guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons n'est pas née de la faiblesse du pouvoir, comme cela est toujours écrit, mais au contraire de l'enjeu fort qu'il représente."
"D'une certaine façon, la guerre de Cent Ans est une lutte des Gascons contre les Bretons." A Poitiers, "Les combats voient s'affronter des Gascons et des Bretons contre d'autres Gascons et d'autres Bretons."
10:47 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire