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13/06/2015

Fred Vargas rend hommage à Arnaldur Indridason

Temps glaciaires

Fred Vargas

éditions Flammarion

 

Des gens surpris par la brume, dans le nord de l'Islande. Ils se perdent, ils meurent. Les survivants culpabilisent.

Ceci n'est pas une aventure du commissaire Erlandur mais du commissaire Adamsberg. Les deux ont bien des points de ressemblance. Surtout quand Adamsberg joue plus que jamais le "pelleteur de nuages".  Ces "temps glaciaires" ne sont pas sans évoquer l'"hiver arctique".

Fred Vargas écrit, avec succès,  des romans policiers depuis bientôt trente ans, mais n'avait rien publié depuis quatre ans.

Elle  ne se contente pas de nous emmener en Islande. Elle revisite pour nous la Terreur robespierriste, juste avant les exécutions de Danton ("Danton, l'image incarnée de la puissance vitale révolutionnaire") et Camille Desmoulins. "Je crains que le voyage dans le cercle arctique de Robespierre soit encore plus glaçant."

 

"Comment le livide et glacé Robespierre, dénué de charisme et d'empathie, avec sa voix aigrelette et son corps sans vie, a-t-il pu générer une telle adoration ? Avec sa face lugubre et ses yeux vides cillant derrière ses lunettes ?"

"A peine aurait- il détruit un ennemi qu'il s'en découvrirait un autre." "L'ennemi que traquait Robespierre était en lui même." "La pitié n'existait pas, car Robespierre n'avait aucun lien, et surtout pas étroit.""Jamais l'innocence ne redoute la surveillance publique" (Robespierre) "L'abstraction du meurtre chez Robespierre. Les exécutions se passaient toujours hors de sa vue. Elles étaient dématérialisées. Comme s'il avait guillotiné non pas des hommes, mais des concepts ; le vice, la trahison, l'hypocrisie, la vanité, le mensonge, l'argent, le sexe."

"Fouché est l'homme le plus terrible de la Révolution. Cynique absolu, habile comme le diable, fourbe et doucereux, surveillant tout un chacun, louvoyant au gré des évènements, il est le serpent dans l'herbe face à l'idéaliste Robespierre emporté par sa folle pureté."

"On est toujours plus élégant nu qu'à moitié dévêtu"

"L'alcool sucré monte au cerveau avec la célérité d'un acrobate sans fil"

 

 

  

09:03 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire

06/06/2015

Le premier polar made in Iran

Qui a tué l'ayatollah Kanuni ?

Naïri Nahapétian

Points policiers  P3052

 

Naïri Nahapétian est journaliste à "Alternatives économiques". Elle est d'origine iranienne. Pour être plus précis, de la communauté arménienne, chrétienne, d'Iran, puisque les Arméniens ont, au cours de l'histoire, été coincés entre les empires russe, ottoman et perse. Elle a quitté l'Iran a l'âge de neuf ans, mais y est retourné souvent, dans le cadre de son métier de journaliste.

L'enquête sur l'assassinat d'un ayatollah est l'occasion de nous montrer, un peu, l'Iran d'après la révolution islamique. Les espoirs déçus des militants de gauche qui ont participé à la chute du Shah, mais n'ont pas été capables d'empêcher les extrémistes religieux de confisquer la révolution à leur profit. Elle montre également le combat de femmes courageuses, pour les droits des femmes, et que l'on cesse de nier l'existence du sida en Iran.

"Le principe de la jurisprudence islamique est de réglementer les détails du quotidien"

"Ces filles des Moudjahedin (combattants "islamo-marxistes") qu'on anesthésiait pour les violer avant de les exécuter, parce qu'elles étaient vierges et qu'en tant que telles elles auraient eu leur place réservée au paradis : pas question d'y envoyer les ennemies de la révolution !"

"Il n'avait jamais vu les Téhéranais se gêner pour parler politique. Entre deux complaintes sur l'inflation, ils râlaient contre le régime dans les taxis collectifs et échangeaient des plaisanteries sur les mollahs."

"Ils avaient tous cédé un bref instant au fol espoir que la République islamique- le fruit de cette révolution pour laquelle ils s'étaient battus- allait se réformer de l'intérieur."

"Le système est condamné par la modernité du pays." "L'imaginaire manichéen de nos deux civilisations qui n'en forment qu'une, finalement "

"Une grande partie de la jeunesse iranienne, y compris dans les classes populaires, ne rêvaient que d'une chose : vivre aux Etats-Unis. C'étaient les enfants de la Révolution. Ils étaient nés avec elle, leurs parents s'étaient battus contre l'impérialisme, leurs frères étaient morts sur le front irakien. Et eux rêvaient de quitter l'Iran. N'étaient-ce pas leur pire défaite ?"

"Les partisans du Shah vivent de leurs rentes aux USA" ; "ce dédain caractéristique de l'élite détrônée du Shah" ;"1% des privilégiés accaparaient 99% des richesses sous les Pahlavi, contre 20% qui en accaparent 80% aujourd'hui. La bourgeoisie traditionnelle iranienne avait profité de la Révolution pour mettre la main sur la rente pétrolière" ; "En cherchant à nier leur tradition religieuse, comme avait voulu faire le Shah, on leur enlevait une part de cette fierté nationale deux fois millénaire"

"Téhéran, privée de Tchekhov, avait soif de mélo, avec la peopolisation croissante de la République islamique"

Au total, le portrait d'un régime corrompu, et donc parano et hypocrite.

 

 

 

16:48 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, iran

30/05/2015

la Révolution se profile

La pyramide de glace

Jean-François Parot

éditions JC Lattès

 

C'est toujours un plaisir de retrouver Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet depuis 1761, ses vieux amis, leurs réflexions avisées et leurs recettes de cuisine. Dépaysant de lire la langue recherchée de Jean-François Parot, avec un renvoi en fin de volume pour quelques explications historiques ou linguistiques. Quelques mots peu communs mériteraient le même traitement. J'ignorais qu'une fidélité pouvait être adamantine et ce que peut être un pandémonium et en quoi consiste colliger. Sans parler des sagesses talapoines et autres pimpesouées.

Le Floch, marquis de Ranreuil, et Jean-François Parot, ne cachent pas leur sympathie pour le couple royal.

"Le Roi est un honnête homme qui connaît et qui veut, mais jamais il n'aura la force d'imposer sa préférence et d'en ordonner l'application."

En 1784, il fait très froid à Paris. "Il a fait froid à chier des clous". Des pyramides de glace sont érigées. Au moment du dégel, le corps nu d'une femme ressemblant étrangement à la reine est découvert. L'enquête ressemble à un labyrinthe, comme souvent avec Parot. Elle est l'occasion de défendre l'honneur de Marie-Antoinette, mis à mal par ses sosies,  et d'accabler de reproches le futur Philippe-Egalité, Duc de Chartres en 1784, puisque c'est le titre que portait le fils aîné du Duc d'Orléans, titre qu'il prendra à la mort de son père l'année suivante. "Homme intelligent, mais de basses manœuvres", "danger pour le trône", "il s'est placé entre les mains des Anglais."

L'auteur ne cache rien de la misère aggravée par le froid. "L'effervescence d'un peuple dont les manifestations de peur, d'exaspération et de rage étaient de plus en plus fréquentes et inquiétaient les autorités." Mais, selon lui, les mouvements de mécontentement du peuple sont suscités par le cousin du roi et ses amis francs maçons dont "de notoriété, le grand maître était le duc de Chartres". Nicolas vit très mal que son Aimée soit "entrée en loge".  "La présence dans ses rangs de la haute noblesse avait limité la répression et la condamnation du pape Clément XII était restée lettre morte dans le royaume." " Quelles étaient les visées de ces loges ? Dans leurs états occultes, agissaient-elles dans le respect du trône ou cherchaient-elles à l'ébranler en agitant les systèmes philosophiques ou en répandant comme le Duc de Chartres, les idées d'une réforme à l'anglaise du royaume ?". "Dans les loges, il y a ceux qui travaillent au progrès de l'humanité et ceux qui oeuvrent pour eux mêmes."

"Les uns souffrent de plus en plus, et les autres les oppressent sans pitié". "Chaque jour on ramassait des morts dans les rues. Quand ce n'était pas le froid, c'était la faim qui décimait les plus pauvres." "Les errants venus des campagnes, aimantés par la grande ville gonflaient le nombre des pauvres." "Le spectre de la famine demeurait toujours présent, dans l'obsession de l'approvisionnement en pain." "Rien n'avait transpiré d'une quelconque compassion de la famille d'Orléans pour soulager les plus pauvres." Contrairement au Roi...

 "La noblesse et la finance se disputent l'impudence et tombent dans le mépris public". Nicolas dénonce "les dérèglements des ordres supérieurs d'une société dans laquelle l'argent, la corruption et le libertinage constituaient les errements les plus communs." "Ces chats fourrés qui prétendant protéger le droit et les libertés communes, multipliaient d'aigres remontrances aux édits du roi."

Le libertinage décrit n'est pas sans échos aujourd'hui...

 

12:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, polar, histoire

23/05/2015

Bernie Gunther enquête à Katyn

Les ombres de Katyn

Philip Kerr

éditions du Masque

 

1943 : des restes humains apparaissent dans la forêt de Katyn. Très rapidement, la certitude s'installe  qu'il s'agit de milliers d'officiers polonais, tués d'une balle dans la nuque, et rapidement enterrés dans des fosses communes.

Joseph Goebbels, ministre de la propagande,  comprend rapidement tout le parti qu'il peut en tirer contre le régime communiste de l'URSS, avec l'espoir de diviser les alliés. Il ne réussira que partiellement : l'URSS rompt ses relations avec le gouvernement polonais en exil à Londres qui a osé demander une commission d'enquête de la Croix rouge internationale, mais les Alliés n'insistent pas sur ce crime, et font semblant de croire les Russes qui accusent les Allemands.

"Staline nourrissait une profonde haine à l'égard des Polonais, haine datant de la défaite soviétique lors de la guerre de 1919/1920. De plus, son fils a été tué par des partisans polonais en 1939."

L'URSS, également spécialiste de propagande, clamera que ce sont les nazis qui ont commis ces assassinats. Au procès de Nuremberg , les Russes iront jusqu'à demander que Katyn soit ajouté à la liste des crimes de guerre et crimes contre l'humanité des Allemands. "C'est Béria, nouveau chef du NKVD, qui a orchestré le massacre de tous ces pauvres officiers polonais." Ce n'est qu'en 1991 que la Fédération de Russie confirma le massacre, par les Soviétiques,  de plus de 14.500 militaires polonais." Mais le parti communiste russe nie toujours...Le commandant Blokhine, bourreau en chef de Katyn, mourut alcoolique et fou en 1955.

1943, c'est après Stalingrad, et sur le front de l'Est, les nobles Prussiens, haut gradés dans la Wehrmacht , commencent à se demander sérieusement s'il ne faudrait se débarrasser d'Hitler. Certains complotent pour le tuer. D'autres se font acheter leur loyauté par Hitler. Fait moins connu.

"Un accord passé en coulisse avec les aristocrates ruinés de Prusse Orientale avait permis aux nazis de prendre le contrôle du gouvernement allemand." "Il semble normal que ce soit à votre classe sociale de se débarrasser de Hitler, puisque c'est vous, en premier lieu, qui l'avez imposé.""Comme tous les membres de sa classe sociale, il détestait Hitler beaucoup plus qu'il n'avait jamais aimé la République et la démocratie."

Comme toujours, avec le même talent depuis la "trilogie berlinoise", l'écossais Philip Kerr se glisse dans la peau d'un flic berlinois et social-démocrate, en mêlant réalités historiques et fiction crédible.

Quel est le sens d'enquêter sur quelques meurtres individuels quand la période est aux massacres commis par le NKVD (la police politique russe) et la Gestapo ? "Je ne vois pas comment qualifier une situation où l'on pouvait pendre un caporal pour le viol et le meurtre d'une jeune paysanne russe dans un village situé à seulement quelques kilomètres d'un autre village où un groupe d'action spéciale SS venait d'assassiner vingt-cinq mille homme, femmes et enfants." "A Babi Yar, près de Kiev, trente cinq mille Juifs, hommes, femmes et enfants avaient été massacrés dans un ravin au cours d'un week-end". "La Convention de Genève ne semble pas compter beaucoup dès qu'on s'éloigne de Berlin."

 Kerr n'épargne pas la Royal Air Force qui "a lâché plus d'un millier de tonnes de bombes sur des objectifs civils."

"De quoi sont capables les être humains, hallucinant." "Les communistes mécréants ou les Allemands blasphémateurs. Qui voudrait être Dieu face à un choix pareil ?"

 

"Une nation sans religion est comme un homme sans souffle" (Joseph Goebbels)

"On pouvait toujours prévoir les intentions d'un Français."

"Je n'ai jamais rencontré un homme petit qui puisse rire de lui même aussi facilement qu'un grand"

"On oublie souvent quel tyran sanguinaire était Nicolas II. Il a assassiné environ un million de Russes."

"L'Histoire m'a appris qu'on pouvait toujours compter sur ses supérieurs pour accumuler les déceptions."

 

21:08 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire

25/04/2015

Erlandur et les clochards

Les nuits de Reykjavik

Arnaldur Indridason

éditions Métailié noir

 

Erlandur n'est pas encore commissaire. Il vient d'entrer dans la police. Il est de service de nuit. Avec tous les inconvénients pour sa relation de couple. La nuit, il est le témoin compatissant de la misère du monde, alcoolisme, accidents de la circulation qui en découlent, violences conjugales, tentatives minables de cambriolage, trafics en tous genres. Et les clochards... Il en connaissait un , en particulier, et n'arrive pas à croire au caractère accidentel de sa mort. "Erlandur se demandait si le manque de zèle de ses collègues tenait au statut social de la victime." Donc, en dehors de toute procédure, il s'obstine à poser des questions...jusqu'à connaître la vérité.

Une belle brochettes de personnages touchés par des drames humains avec Reykjavik, et l'Islande, "la pauvreté de la nation",  en toile de fond.

 

 

11:47 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar