10/03/2016
1943 : Berlin, Zagreb, Zurich
La dame de Zagreb
Philippe Kerr
éditions du Masque
Dixième roman des aventures du policier berlinois, et social-démocrate, toujours plus insolent et cynique. A la limite de la crédibilité parfois. Créature de l'Ecossais Philippe Kerr. Je ne m'en lasse pas.
1943 : pour les nazis la guerre est déjà perdue, même si elle durera encore deux ans. Les bombes tombent sur Berlin et autres villes allemandes, et donc sur les populations civiles. Le moral est en berne. Certains dirigeants rêvent d'une paix séparée avec les Américains, "pour sauver l'Allemagne".
Logé luxueusement à Berlin et entretenu par les nazis, avec le grade de général SS Grupenführer, le grand mufti de Jérusalem.
Bernie est envoyé en Croatie et en Suisse.
Croatie : les Oustachis sèment la terreur. Le camp de Jasenova n'est pas un camp d'extermination. Cent mille personnes y trouvèrent la mort. D'anciens moines catholiques se distinguent pas leur cruauté, leur sadisme y compris à l'égard d'enfants.
Les Allemands tentent, avec beaucoup de mal, d'entraîner dans leur politique anti sémite les musulmans de Bosnie.
Ces faits n'ont pas été oubliés et resurgiront au moment de l'éclatement de la Yougoslavie.
Suisse : "cela aurait été embarrassant pour les autorités suisses si on avait su le volume d'affaires réalisées avec le gouvernement allemand, et en particulier la SS. Pour ne pas dire compromettant. Leur neutralité était en jeu." Parmi les contrats : les baraquements en bois des camps de concentration.
"La vie n'est rien d'autre qu'une série d'évènements aléatoires. Ce qui arrive n'a aucune logique."
"La mort avait déjà emporté tant d'êtres humains depuis le début de la guerre qu'un meurtre de plus semblait dérisoire."
"Tuer un homme est un sacré truc. On a toujours l'impression que les balles traversent deux personnes : celle qui les reçoit et celle qui les tire."
08:26 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
27/02/2016
Après la guerre
Après la guerre
Hervé Le Cor
éditions Payot / Rivages / Noir n°983
Après la guerre, la deuxième mondiale, à Bordeaux. "Les ports sont des lieux de désordre et d'intranquillité."
Il y a Jean, le père, rescapé d'un camp de concentration. Il revient avec des idées de vengeance.
Il y a Daniel, le fils qui a l'âge pour partir faire son service militaire dans une guerre coloniale qui n'est pas la sienne. "L'Algérie en train de remodeler le peuple français autour d'un ennemi commun cerné par tout un vocabulaire assassin : le frisé, le bronzé, le bicot, le crouille, le raton."
Il y a le flic pourri, sans scrupule, prêt à tout. "L'infamie des flics français. Après avoir raflé les Juifs et traqué les résistants, au service du Maréchal et de la Gestapo, ils se sentaient tout soudain l'âme républicaine et se pressaient tout soudain dans les couloirs de la préfecture en bras de chemise, brassards tricolores au biceps, pour offrir leurs services à ceux qu'ils avaient pourchassés pendant quatre ans. Et on avait envie d'y croire. Les gens, ils veulent oublier toute cette merde."
Au total, un polar noir aux nombreux cadavres, dans l'atmosphère des années 50, avec un engagement politique assez clairement marqué.
"Quelques collabos déjà recasés sur qui l'épuration passera, plus tard, comme un nuage insignifiant, à peine une ombre : vraies ordures, faux résistants, flics, préfets, chefs de cabinet qui ont organisé les rafles, contresigné les demandes d'arrestations, outrepassé et anticipé les ordres boches mais ont senti le vent tourner en 43 et se sont inventé des actes de bravoure et fabriqué des alibis, ont sauvé utilement quelques Juifs et gardé traces de cet héroïsme pour le moment venu."
"Après le bourgeois, l'alcool est le pire ennemi de l'ouvrier. Son poison familier. Un des opium qui tiennent le peuple hébété dans sa misère."
"Il suffira d'utiliser la presse, bonne fille qui se laisse faire tous les bâtards qu'on veut"
"Quand on est flic, il faut être un sentimental : envisager toutes les passions, n'en éprouver aucune."
"Il faut aimer les vivants parce que les morts s'en foutent et vous laissent tout le restant de vos jours avec vos remords et votre chagrin."
"C'était un temps déraisonnable , on avait mis les morts à table, on faisait des châteaux de sable, on prenait les loups pour des chiens, tout changeait de pôle et d'épaule, la pièce était-elle ou non drôle ? moi si j'y tenais mal mon rôle, c'était de n'y comprendre rien" (Aragon)
16:01 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
15/02/2016
Icare
En vrille
Deon Meyer
éditions du Seuil
J'adore Deon Meyer, journaliste et écrivain sud-africain qui nous promène dans la région du Cap. Dans ce roman nous voilà sur la "route des vins", dans la "crique des Français" ("Franschhoek). Quand Louis XIV a pris la funeste décision de révoquer l'Edit de Nantes, de nombreux Huguenots ont quitté notre pays. Souvent vers les Pays-Bas. Et de là certains sont partis pour l'Afrique du Sud, avec les Boers. Emmenant avec eux quelques ceps de vigne.
Deux histoires se développent en parallèle , et comme toutes les parallèles , avec la perspective, elles finissent pas se rejoindre.
Les Du Toit sont vignerons de père en fils (ainé). Les derniers de la lignée, voulant sortir du système des quotas hérité de l'apartheid, veulent faire de la qualité, en s'inspirant de la Californie...et de la France. "Les gens sont aussi complexes qu'un assemblage de cépages". Des cépages nobles (chardonnay, pinot noir) sont importés clandestinement. Mais "le chardonnay et le pinot noir n'aiment pas la chaleur."
Pendant que François raconte l'histoire de sa famille, une enquête criminelle se poursuit. Les Du Toit peuvent-ils être suspects dans l'assassinat du créateur d'un site internet fournissant des alibis aux conjoints adultères ? "L'accusé est innocent tant que l'Etat n'a pas prouvé le contraire ."
"Dans les films, à la télé, la vie d'un flic n'est qu'action et satisfaction, mais dans la vie réelle, les choses sont bien différentes. Dix pour cent d'action, quatre-vingt dix pour cent de corvées fastidieuses, de routine, de travail administratif."
08:57 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
08/02/2016
Polar islandais sur un glacier glaçant
Opération Napoléon
Arnaldur Indridason
éditions Métailié noir
1945 : un avion s'écrase sur un glacier islandais. Allemand ? Américain ?
1999 : les forces spéciales américaines arrivent en force pour récupérer l'avion dont le nez pointe à travers la glace. La zone est bouclée. Les Islandais n'ont pas le droit d'y aller voir.
L'auteur est islandais et se livre à une charge assez violente contre la présence arrogante des Américains en Islande, où ils ont succédé aux Britanniques en 41. Le fait que la base américaine représente une rentrée financière importante pour ce petit pays est une circonstance aggravante.
Un jeune sauveteur islandais en exercice sur le glacier se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Les forces spéciales américaines sont prêtes à tuer pour garder le secret que représente cet avion. Sa sœur se lance à sa recherche et ne tarde pas à devenir, elle aussi une cible. Les morts se multiplieront sur son chemin qui l'amènera jusqu'en Patagonie.
Les aventures se passent à grande vitesse. Le roman a tout pour devenir un film.
Sur le plan historique, s'il est vrai que certains membres de l'état major allemand souhaitaient une paix séparée avec les Alliés contre les Russes, il ne semble pas que cela ait été le choix d'Hitler...ni des Américains, même par anticommunisme.
La liberté du romancier n'est-elle pas de réécrire l'histoire ?
"L'histoire n'est qu'un tissu de mensonges. Il y a eu tant de dissimulations, tant de choses inventées de toutes pièces. Nous avons dit la vérité sur des mensonges et menti sur la vérité. Nous réécrivons l'histoire en fonction de nos intérêts."
16:56 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar
28/01/2016
Limassol
Le poète de Gaza
Yishaï Saris
Grand prix de littérature policière
éditions "Actes Sud" et Babel noir poche n°75
Un agent des "services" israéliens, spécialisé dans la mise en échec des attentats suicide, se voit confier la mission d'attirer un vieux poète de Gaza à Limassol (d'où le titre de la version originale) afin de supprimer son fils, chef d'un réseau de terroriste.
Yishaï Sarid est le fils de Yossi Sarid, récemment décédé. Il était leader du Meretz, parti politique de centre gauche, animateur du mouvement "La paix maintenant". La preuve que tous les Israéliens ne soutiennent pas la politique expansionniste et belliqueuse de l'actuel gouvernement du Likoud et ses alliés religieux. A chaque élection je regrette que ce parti n'obtienne pas plus de suffrages. A l'époque où j'étais Secrétaire général du Parti Socialiste Européen, j'avais été invité à prendre la parole à son congrès. Afin de préparer mon intervention, j'avais lu attentivement les statuts du parti et sa déclaration de principes. Que du bonheur ! Un vrai parti laïc voulant la paix. "Un jour toutes ces barrières tomberont et nous vivrons tous ensemble", tout en dénonçant "l'accroissement exponentiel du nombre de Juifs qui s'installent dans les vieilles bâtisses arabes de Jérusalem". Après le congrès les assistants de Yossi Sarid m'avait organisé un voyage à Gaza. A l'époque, le Hamas ne gouvernait pas Gaza, mais déposait des bombes dans les cinémas pour les obliger à fermer.
Tout cela pour dire que Yishaï, dans la ligne de son père soulève la question du fonctionnement de l'Etat israélien et de ses services de sécurité, la question de la coexistence entre Israéliens et Palestiniens, le problème de la lutte contre le terrorisme, y compris en utilisant la torture.
"ça n'arrête pas de construire chez vous. Le même pays, la même terre, le même sable. Vous avez tout et nous rien." "La haine a pris possession de tous nos enfants."
"Le plus important dans l'écriture, c'est de ne pas désespérer. Comme en amour."
"Le seul remède que le genre humain a trouvé pour soulager ses angoisses. La foi."
"La capacité d'émerveillement nous accompagne apparemment jusqu'à la tombe"
"En bon talmudiste, il aimait questionner l'évidence".
15:38 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar