27/12/2008
Camino 999
Camino 999
Catherine Fradier
Prix SNCF du polar français
Editions "Après la lune", collection "Lunes blafardes"
Le livre que l'Opus Dei a voulu faire condamner par la justice française.
L'Opus Dei ("l'œuvre de Dieu", organisation ultra catholique réputée pour son conservatisme et sa discrétion, a porté plainte en diffamation, par l'intermédiaire de "la Prélature de la Sainte Croix", contre Catherine Fradier, ancien flic, dont le livre présente l'Opus Dei comme une "Sainte mafia", "le bras armé du Vatican", "la plus forte concentration de pouvoir intégriste dans l'Eglise", rappelle son rôle dans le scandale Matesa, "le plus grand scandale financier de l'Espagne contemporaine" (les Giscard père et fils, et le Prince de Broglie, assassiné en 76, ont été largement impliqués), et invente (c'est le rôle d'une fiction) une suite aux crimes que cette escroquerie avait provoqués.
Il est vrai que l'auteur a choisi pour titre "Camino" (le chemin), l'œuvre de Saint Josémaria Escriva de Balaguer (canonisé en 2002), qui sert de base à la doctrine de l'organisation, en 999 "considérations spirituelles qui donnent la lumière et la force pour rencontrer Dieu".
Diffamation ou pas, reste un livre excellent, qui se lit facilement, qui parle de la vie quotidienne de policiers lyonnais confrontés à la misère humaine trop habituelle, pour finir par nous entraîner en Argentine et en Irlande, avec des rebondissements qui nous tiennent en haleine.
En 2006 Catherine Fradier avait obtenu le "Grand prix de littérature policière" et le "Prix sang d'encre" pour "La colère des enfants déchus" qui évoquait les crimes pédophiles.
Son prochain livre mettra en scène une multinationale qui vend des OGM.
Citations
"On ne parlait jamais d'argent, de pouvoir ou de religion. On le vivait. Entre soi et à l'abri des regards."
"Elle décida d'être flic quand elle comprit que le premier "serial killer" de l'humanité était Dieu"
"Devenir flic lui avait fait perdre quelques bonnes manières"
"Tant de religions qui asservissaient les hommes, qui mettaient le monde à feu et à sang au nom de croyances qui servaient d'alibi à des manipulateurs et à des assassins"
"Aime la vérité, mais pardonne à l'erreur"
"Appuyez vous sur les principes, ils finiront bien par céder"
"Quiconque est courageux sans amour, généreux sans économie et chef sans humilité, celui-là va vers la mort".
"Les chefs sont tous les mêmes : ils sont instruits mais faut que ça se sache"
"- Tu sais pourquoi les hommes aiment les femmes en cuir ?
- ça leur fait penser à une voiture neuve !"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, roman policier
23/12/2008
l'arme à gauche
L'arme à gauche
DST 1968-1973
Infiltration de la Gauche Prolétarienne
David Defendi
Editions Flammarion
Les services secrets ont infiltré la "Gauche prolétarienne", mouvement gauchiste, maoïsant de l'après mai 68.
Je suppose que les Renseignements Généraux faisaient de même, pour tous les mouvements gauchistes.
La "Gauche prolétarienne" était probablement plus "sensible", parce que contenant en son sein quelques éléments, ultra minoritaires, pouvant passer aux actions violentes. "Une frange dissidente formée des éléments les plus brutaux pourrait être tentée de recourir aux assassinats et aux meurtres".
Les membres d'"Action directe" viennent de cette mouvance.
Contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, l'ultra gauche française n'était pas terroriste."Le Grand Chef ne veut pas verser le sang" ; "Les maos sont des mecs gentils. Pas des tueurs. Ils ne croient plus au terrorisme".
La Gauche, si peu prolétarienne, était surveillée, ce qui est normal, mais elle était également manipulée, au service du ministre de l'intérieur, ce qui l'est moins, pour faire peur aux électeurs avant les élections, et permettre à la droite de faire de meilleurs scores ("La France a peur" ; "les infiltrés sont les premiers à pousser aux actions violentes" ; "les conneries des gauchistes font que les gens votent à droite" ; "les électeurs font toujours confiance à la droite pour maintenir l'ordre").
"Les médias adorent les maos ; les ouvriers n'en ont rien à foutre". Les étudiants, dont j'étais à l'époque, tout en travaillant, non plus, d'ailleurs...
La mort de Pierre Overney, devant l'usine Renault de Boulogne, où travaillait mon père, "c'est l'enterrement des années 70. Quatre jours plus tard, Nixon, le diable en personne, serre la main de Mao".
Les dirigeants, issus des familles bourgeoises et super diplômés, ont pu reprendre leurs parcours vers les hautes sphères du pouvoir (Alain Geismar), des médias (Serge July), de l'enseignement supérieur, et même de la religion pour Benny Levy. Mais que sont devenus "les sans avenir de la Cause, sans études et sans argent" ? Que sont devenus les infiltrés au service de la police ? "La DST n'a plus besoin d'eux depuis la mort de la Gauche prolétarienne".
David Defendi ne fait pas dans la nuance. Déclarer en tête de chapitre "1968 bascule dans la terreur" est une analyse contestable (quelle terreur en 68 ?) Le répéter trois fois dans la même page ne rend pas l'analyse plus pertinente...
"Tout est question de puissance et de volonté de puissance, lisez Nietzsche ou Machiavel, abandonnez Kant et Platon. Lisez l'Ancien Testament, abandonnez le Nouveau. Jésus est le père de tous les naïfs. Yahvé celui de tous les sages.
"Les enfants rouges n'ont pas de sang sur les mains, à peine quelques rêves brisés par les convulsions de l'Histoire.
Les enfants rouges n'ont presque pas de sang sur les mains. Ils ont cru recommencer la résistance et toute cette mythologie éteinte de la Révolution, en admirant le meurtrier le plus efficace du XXe siècle.
Les enfants rouges ont du sang sur les mains..."
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, politique
20/12/2008
les îles heureuses d'Océanie
Les îles heureuses d'Océanie
Le Pacifique à la pagaie
Paul Theroux
Editions Grasset
Paul Theroux est un écrivain voyageur.
Après plusieurs récits ferroviaires, il abandonne les chemins de fer pour nous conter son voyage en Océanie. Un long voyage solitaire, après la rupture de son mariage. Sans vouloir tout dévoiler, soyez rassuré(e)s : à la fin du voyage, et du livre, il retrouve l'Amour !
"Dieu bénisse ces îles rêveuses
Dieu bénisse ces justes républiques
Qui donnent à l'homme un refuge" (Rudyard Kipling).
Le sous-titre "le Pacifique à la pagaie" est un peu exagéré. L'auteur utilise, pour voyager, avions et bateaux, mais il voyage avec un kayak pliant qui lui permet d'aller dans des endroits isolés, là où les touristes ne vont généralement pas.
J'ai retrouvé, avec plaisir, l'évocation de pays que je ne connais que superficiellement, pour y avoir posé mes valises quelques jours, sans kayak et sans pagaie :
La Papouasie-Nouvelle-Guinée, et le problème de Bougainville dont les habitants souhaitent leur indépendance (un référendum est prévu, entre 2015 et 2020, à une date indéterminée...) parce qu'ils souffrent de la pollution venant de l'exploitation des mines de cuivre, sans en toucher les dividendes. Les Australiens, lassés par la guérilla, ont fermé les mines...
Les îles Salomon, "les îles les plus sauvages du Pacifique", dont la capitale, Honiara, est "si pauvre, vétuste, délabrée et incroyablement sale" ; "le sentiment que le monde est ailleurs".
"Si j'étais roi, le pire châtiment que je pourrais infliger à mes ennemis serait de les bannir dans les Salomon" (Jack London).
Vanuatu : "le cannibalisme fût un privilège réservé aux chefs et aux nobles" ; "les mangeurs d'hommes du Pacifique ont tous évolué, ou peut-être dégénéré, en mangeurs de jambon en boîte".
Comme Tabani et Le Clézio (voir mes notes sur leurs livres), il évoque le personnage mythique de John Frum et les "mythes du cargo" qui promettaient qu'un cargo apporterait la prospérité. "John Frum est revenu sous la forme du développement et du progrès".
Fidji : corruption politique, coups d'Etat militaires, peur raciale, et tourisme : "Que l'on soit capable d'imaginer qu'une race fière de son passé cannibale, puisse exceller dans la fabrication des saladiers, n'est pas seulement un mystère culturel, mais la preuve que les touristes croiront n'importe quoi tant qu'ils auront de l'argent".
Les Fidjiens sont aujourd'hui, en particulier en Irak, "de parfaits mercenaires".
Deux communautés face et face, et qui depuis un siècle ne se mélangent pas ("il n'existe entre eux ni entente, ni mariage") : les Fidjiens d'origine, qui possèdent la terre, et renégocient durement les baux accordés, il y a 99 ans, par leurs ancêtres aux Fidjiens venus d'Inde, "importés" par les Britanniques pour cultiver la canne à sucre, qui ne paie plus aujourd'hui, puisque l'Union européenne n'en garantit plus le prix. Fidjiens indiens qui, en plus de la canne à sucre, s'étaient spécialisés dans le commerce. Commerces pillés à chaque coup d'Etat. Fidjiens d'origine indienne qui aujourd'hui partent dès qu'ils le peuvent vers la Nouvelle Zélande ou l'Australie.
Ils ne sont pas les seuls : "Il y a plus de Polynésiens à Auckland que dans toute autre ville".
Les îles Cook, où cohabitent toutes les "Eglises" imaginables, des mormons aux Adventistes, en passant par les témoins de Jéhovah, et sur l'atoll d'Aitutaki, où il n'y a "ni chien ni voiture", la poste d'Aruntanga, où le postier m'a conseillé de prendre avec moi les cartes postales qu'il venait d'oblitérer, les collectionneurs étant friands de ces raretés.
"Le Pacifique fut évalué et pillé par le missionnaire, le marchand et le planteur, souvent la même personne".
"Tant d'explorateurs, de voyageurs et de touristes qui ont voulu inventer le Pacifique et en faire un paradis. Le nom même de Pacifique est un leurre".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, océanie
13/12/2008
Raga
Raga
Approche du continent invisible
J.M.G. Le Clézio
Prix Nobel de littérature
Points n° P1798
"L'Océanie, c'est le continent invisible".
Le Clézio raconte son voyage à Vanuatu, en 2005, plus spécialement à Raga, ancien nom de l'île de Pentecôte ("L'île des pentes et des côtes"). A quelques kilomètres, et à des années lumière, de Port Vila, la capitale où je me trouvais la semaine dernière.
"Un continent fait de mer plutôt que de terre".
"Le continent de rêve". Mais Le Clézio cite Henri Michaux : "Nous ne sommes pas un siècle à paradis". Et il dénonce les "envahisseurs", les "fourre-tout du rêve", "le rendez-vous des prédateurs", "les vahinés de quatorze ans mariées à Gauguin". "La réalité est dans le viol des corps et des consciences, et dans les révoltes qui s'ensuivent".
"L'invention des outils néolithiques qui eut pour conséquence une brutale augmentation de la population, et de ce fait, une nécessité de terres nouvelles". "La plus téméraire odyssée maritime de tous les temps".
"La plupart des sites d'habitation des premiers hommes ont été à l'intérieur des terres. Sur la côte règnent les tempêtes, la peur des invasions, les fièvres, les moustiques".
En 1800, il y avait environ un million d'habitants dans l'archipel. En 1935, il n'y en avait plus que 35.000.
Le "blackbirding" s'est développé au moment où la guerre de sécession a marqué l'arrêt de la "traite" avec l'Afrique." "Les habitants étaient kidnappés pour être revendus sur les plantations de coton ou de canne à sucre, en Australie, aux Fidji, ou dans les mines de nickel de la Nouvelle Calédonie.
"La mondialisation c'est sans doute, avant tout, celle des épidémies."
"Bougainville, qui donne à l'archipel le doux nom de "Grandes Cyclades", puis Cook qui le baptise du triste nom de Nouvelles Hébrides, en souvenir de son pays natal."
"La terre n'est pas une propriété mais un accord mystique passé entre les hommes du lieu et les esprits des ancêtres." "Ceux qui possèdent les îles sont ceux qui les ont nourries de leur sueur et de leur sang".
"Les sociétés des grands socles continentaux, malgré leurs religions "révélées" et le caractère soi-disant universel de leurs démocratie, ont failli à leur tâche et nié les principes mêmes sur lesquels elles s'étaient établies. L'esclavage, la conquête, la colonisation et les guerres à l'échelle mondiale ont mis en évidence cette faillite".
"Cet ancien continent qui n'était invisible que parce que nous étions aveugles".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
06/12/2008
millénium 2
La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette
Stieg Larsson
Editions Actes Sud
J'avais beaucoup aimé le premier tome de Millénium, je n'ai pas été déçu par le second, que j'ai terminé avec l'envie de lire le troisième.
Il n'y a plus, dans ce tome, la dénonciation du "capitalisme casino", plusieurs années avant sa crise, mais l'auteur reprend, en l'amplifiant, le thème des violences infligées aux femmes, y compris dans le cadre de la prostitution ("c'est un crime d'acheter des services sexuels" ; "tout le commerce du sexe n'est qu'une seule grande violation des droits humains"). En y ajoutant la dénonciation de quelques pratiques psychiatriques d'un autre âge.
Avec également, au passage, une critique sévère, et justifiée, de l'intervention américaine à La Grenade, en 1983.
Un des personnages "allait à la synagogue parce qu'il cherchait la compagnie d'autres personnes. Les catholiques allaient à l'église parce qu'ils voulaient se trouver en paix avec Dieu". Si cela est vrai, cela ne peut être le cas qu'en dehors de l'heure des messes quand "l'église invite au silence et impose que les visiteurs soient laissés tranquilles".
"Les innocents, ça n'existe pas. Par contre, il existe différents degrés de responsabilité."
Lors d'un interminable transit dans un aéroport lointain, j'étais heureux d'avoir ce livre !
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature