07/10/2022
Leçons d'hier pour le monde d'aujourd'hui
Histoires diplomatiques
Gérard Araud
Grasset
"Tel Sisyphe, le diplomate de tous les temps et de tous les pays est condamné à essayer inlassablement d'éviter le pire. N'oublions jamais qu'en dehors de rares circonstances, la vraie morale, c'est la paix."
De Louis XIV à l'invasion de l'Irak sur ordre de W Bush, Gérard Araud, ambassadeur de France à la retraite, ayant été en poste aux USA, en Israël, auprès de l'OTAN etc. rappelle dix évènements historiques et en tire les leçons pour aujourd'hui.
"Le choix apparemment délibéré de la guerre par Louis XIV peut s'explique par deux manières qui ne s'excluent pas :
La première, c'est l'hubris, cette perte du sens de la mesure que, selon les Grecs, les Dieux infligent aux hommes lorsqu'ils veulent les perdre.
La seconde explication pourrait être la conviction à Versailles que la guerre est inévitable avec les puissances maritimes et qu'il faut préempter leur entrée en guerre en s'emparant de positions favorables."
"Les relations internationales, même dans leur modalité pacifique, peuvent être décrites comme la gestion permanente d'un tissu de désaccords, de concurrences et de contentieux qu'il faut résoudre par la négociation."
"On peut être un grand homme et souffrir d'être un parvenu" (à propos de Bonaparte)
"On ne négocie que lorsqu'on a perdu tout espoir ou lorsqu'on se sent vainqueur"
"Le vainqueur doit toujours se méfier du désir de vengeance du vaincu. Il ne peut le conjurer qu'en montrant qu'il reste le plus fort, ce qui n'est pas possible ou en tentant une réconciliation qui ne peut être fondée que sur des intérêts partagés."
"La France doit savoir limiter ses ambitions pour ne pas être perçue comme une menace permanente par ses voisins." "L'Europe dont rêve Napoléon est la subordination à la France et pas équilibre des puissances."
"Le Congrès de Vienne se résume à une négociation entre grandes puissances pour définir la place de la Russie en Europe"
"On oublie trop souvent qu'une politique étrangère est fondée sur des faits et pas sur des doctrines"
"Le bilan diplomatique du second Empire est accablant" ; "Napoléon III cette "grande incapacité méconnue".
"On se rabat sur des sanctions, panacée des démocraties qui n'ont ni les moyens militaires de leurs bonnes intentions ni la moindre volonté d'y recourir. Aucun pays n'a jamais cédé à la pression de sanctions mais qu'importe puisque leur objet réel est de donner satisfaction à moindre coût aux opinions publiques et non de changer les choses."
"Les passions sont sans doute le pire ennemi des diplomates. Elles invoquent l'absolu là où tout est relatif."
"Une politique étrangère, c'est souvent la victoire de la force des choses"
"L'examen d'une carte reste le meilleur moyen de deviner les grandes lignes d'une politique étrangère"
"Depuis Ivan le Terrible au XVIe siècle, la Russie est un pays en marche, qui se conçoit sans frontières, en extension perpétuelle"
"Méfions nous des alliances qui oublient les causes qui leur ont donné naissance"
"L'entre-deux-guerres offrira le spectacle surréaliste des Etats-Unis qui exigent apprement le paiement des dettes interalliées tout en se faisant l'avocat de la réduction des réparations allemandes et en imposant des droits de douane qui empêchent la France d'obtenir les devises nécessaires aux remboursements qu'ils attendent" ; "de 1924 à 1929, l'Allemagne paiera un milliard de $ de réparations et recevra deux milliards de $ de crédits américains"
"La république de Weimar fait face à l'hostilité de la grande industrie, de l'aristocratie, de l'armée, de la haute fonction publique et d'une partie de la bourgeoisie, conservatrices et souvent monarchistes"
"L'état-major dispose de l'immense avantage de recueillir l'information sur le terrain et de l'utiliser pour ses propres fins face au pouvoir civil. Les diplomates ne font pas le poids devant les képis"
"comme l'écrit Stefan Zweig "en politique, seuls les vaincus ont tort et l'Histoire, en poursuivant son cours, les foule de son pas d'airain"
"toute politique étrangère doit avoir pour objectif d'éviter le recours aux armes"
17:14 Publié dans Affaires étrangères | Lien permanent | Commentaires (0)
03/10/2022
Les hommes de Poutine
Le mage du Kremlin
Giuliano da Empoli
nrf / Gallimard
Il s'agit d'un roman, mais assez près de la réalité pour être crédible, de la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les jeux olympiques de Sotchi.
Le "mage du Kremlin" est un des conseiller de Poutine, chargé de la communication. Un "spin doctor" comme disent les anglo-saxons. Comme tous les lieux de pouvoir, le Kremlin est plein de courtisans qui se livrent une guerre perpétuelle, de tous les instants, sous l'oeil moquer du Tsar.
Le livre se termine sur une réflexion sur le pouvoir.et Dieu !
"Tous les présidents des républiques de la Fédération de Russie, élus par le peuple, avaient été mis à pied."
"la nomination de Vladimir Poutine fut accueillie par un scepticisme général. Il s'agissait du cinquième chef de gouvernement qu'Eltsine intronisait en un peu plus d'un an."
"quand ils avaient décidé de parier sur Poutine, les oligarques pensaient simplement changer de représentant, pas changer de système."
"le Tsar ne serait pas arrivé là où il était arrivé en restant dans le domaine du concevable"
"les deux choses que les Russes demandent à l'Etat : l'ordre à l'intérieur et la puissance à l'extérieur"
"Si vous déjouez un attentat avant qu'il ne se produise, personne ne s'en rend compte, tandis que réagir avec force, épingler les coupables, cela, oui, produit du capital politique."
"La seule qualité indispensable à un homme de pouvoir c'est la capacité à saisir les circonstances. Ne pas prétendre les diriger, mais les saisir d'une main ferme."
"Les choses qui changent pas sont presque toujours les plus importantes."
"la politique a un seul but : répondre aux terreurs de l'homme"
"les milliardaires sont au-dessus des lois et du peuple ; ils achètent ceux qui gouvernent et écrivent les lois à leur place"
"l'idée de perdre le contrôle de ce qui était, depuis des siècles, une partie intégrante du territoire russe le rendait littéralement fou."
"la première règle du pouvoir est de persévérer dans les erreurs, de ne pas montrer la plus petite fissure dans le mur de l'autorité"
"que veux-tu que la Russie fasse avec deux régions de plus ? Ici notre objectif n'est pas la conquête, c'est le chaos !"
18:18 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, poutine, russie
30/09/2022
Bien aimée
Beloved
Toni Morrison
Prix Nobel de littérature 1993
10/18
Roman inspiré d'un fait divers survenu en 1856. Ancienne esclave, Sethe a tué Beloves, l'enfant qu'elle chérissait pour qu'elle échappe à une vie de servitude. Le fantôme de l'enfant vient hanter douloureusement sa mère.
L'action se passe pendant la guerre "de sécession" (1861/1865) et quelques années plus tard car certains blancs n'acceptent pas la fin de l'esclavage.
Le roman est l'occasion pour Toni Morrison de parler des conditions de vie des afro-américains , même après la fin de l'esclavage dans certains Etats, avec le rêve de partir travailler plus au Nord.
"Tout appartenait aux hommes qui avaient les fusils. Des hommes convaincus que leur virilité résidait dans leur fusil"
"Ce qu'elle voulait dire : arriver quelque part où l'on pouvait aimer tout ce qu'on voulait - ne pas avoir besoin d'autorisation pour désirer-, et bien, ça c'était la liberté."
"En cet an 1874, les Blancs étaient toujours aussi déchaînés. Villes entières épurées de nègres ; quatre-vingt sept lynchages en une seule année au Kentucky ; quatre écoles de couleur brûlées jusqu'au sol. Hommes fouettés comme des enfants ; enfants fouettés comme des adultes ; femmes noires violées par la troupe ; biens enlevés, cous brisés."
"la vie privée était une faveur réservée aux adultes"
17:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, racisme, usa
28/09/2022
l'Histoire est un roman vrai
Le passé imposé
Henry Laurens
Titulaire de la chaire d'histoire contemporaine du monde arabe au collège de France
éditions Fayard
"L'histoire est un roman vrai"
"les subaltern studies privilégient l'étude des couches sociales dites "inférieures". C'est une histoire par le bas qui traduit la revalorisation des dominés."
"On pourrait presque dire que la monarchie d'Ancien Régime est morte de n'avoir pas su maîtriser les famines"
"les hommes ressemblent plus à leur temps qu'à leurs pères"
"En Chine comme dans l'empire ottoman, il n'existe pas d'hérédité des fonctions d'autorité, ce qui choque les noblesses de robe et d'épée européennes."
"La rupture de 1914 est constituée par l'abandon de la fiction d'une guerre qui n'opposerait que des armées entre elles, les non-combattants étant en quelque sorte des spectateurs des évènements en cours"
"Les "armes psychologiques" sont avant tout destinées à terroriser les populations civiles afin de les pousser à exiger de leurs gouvernements un armistice et une paix, même défavorables"
"La Seconde guerre mondiale est avant tout une guerre contre les civils (66% des morts contre 5% pour la Première)"; "La priorité est donnée aux victimes et à la souffrance, non plus aux combattants."
"Dans sa propagande à destination de l'extérieur, le jihadisme veut jouer sur l'effroi et la cruauté en adoptant les codes du cinéma gore et des jeux vidéo."
"Au début des années 70, il doit y avoir plus de français expatriés dans l'ancien empire qu'à l'époque coloniale"
"la présence en nombre de musulmans en France a déjà un siècle"
"les grands mouvements migratoires sont postérieurs aux indépendances"
16:41 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
24/09/2022
Un caricaturiste en Turquie
Journal inquiet d'Istanbul
Ersin Karabulut
éditions Dargaud
La Turquie semblait un pays où les libertés basiques paraissaient acquises, jusqu'à l'élection d'un premier ministre qui, au fil de ses vingt ans de pouvoir personnel, ne supporte aucune critique, aucune caricature. Difficile dans ces conditions de dessiner dans la presse satirique, au risque de se retrouver en prison.
Une autobiographie, mais pas que, pleine d'humour.
"Par le passé, bien des politiciens avait été moqués bien plus méchamment sans que cela ne suscite la moindre réaction."
07:39 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, turquie