21/08/2008
Le monde est mon métier
Le monde est mon métier
Bernard Guetta et Jean Lacouture
Editions Grasset
Journalistes, spécialisés dans les questions internationales, le monde est leur métier, qu'ils ont, l'un et l'autre, exercé au journal Le Monde.
Jean Lacouture a bien connu la fin de la colonisation française, en Indochine puis en Algérie.
Bernard Guetta a été de longues années en poste en Europe de l'Est, en particulier en Pologne, au moment de la naissance de "Solidarité", puis à Moscou, au moment de l'écroulement des régimes communistes.
Tous les deux ont, à maintes reprises, rencontré et interrogé les principaux dirigeants du monde.
Ce livre est à la fois un échange de réflexions sur le métier de journalisme, et sur le monde, tel qu'il ne va pas.
Sur le journalisme :
"Rien n'est moins objectif qu'un être humain"
"On ne sait vraiment, ou mieux, qu'après avoir été voir sur place" ; "Pour vraiment comprendre, il faut avoir observé la rue"
"On reçoit un évènement en fonction de ses propres attentes"
"On peut vivre dans l'acceptation, il est difficile d'écrire dans la soumission"
"Ecrire, ce n'est pas parler, c'est crier"
"Tendre vers la vérité vaut mieux que pas de vérité du tout"
"Un journaliste n'est cru que s'il rapporte des choses que les esprits et le sens commun sont prêts à entendre"
Sur l'Europe
"Une union fédérale est aussi indispensable à l'affirmation des valeurs et du poids de l'Europe, qu'à l'équilibre international"
"La communauté européenne a commencé par l'économie à cause du refus français de la Communauté européenne de défense"
Sur le Moyen-Orient
"En la transformant en parti politique, Nasser abolit l'armée égyptienne : il le paiera en 1967"
"Ces pays cherchent leur renaissance dans un retour à leur identité religieuse"
"L'islam, mieux que la mer, crée une frontière"
"Les échanges commerciaux et la coopération technologique entre Israël et le monde arabe pourraient enraciner la paix, ouvrant un horizon de développement économique et social"
Sur l'Irak
"Au lieu d'assurer les besoins économiques les plus élémentaires par un pilotage élastique, les Américains ont cassé tous les instruments de contrôle et de direction au nom des vertus du marché".
Sur la fin du communisme
"En 1982, François Mitterrand avait prévu que le mur de Berlin sera tombé dans dix ans"
"Gorbatchev savait qu'il serait, au bout du compte, balayé par le processus qu'il enclenchait : plus il transforme le pays, plus le pouvoir lui échappe"
"Il voulait sauver la Russie de la faillite communiste en lui épargnant une nouvelle secousse révolutionnaire"
"Pour lui l'Ukraine, c'est la Russie, comme la Bourgogne, c'est la France"
"Eltsine, c'était l'ivrognerie, les limites intellectuelles et la démagogie"
"Les crédits occidentaux qui avaient été refusés à Gorbatchev affluent. Ils disparaitront vite dans tous les paradis fiscaux de la terre, sur des comptes numérotés." "C'est le plus grand hold-up de l'Histoire"
"Un parti unique ne peut pas contrôler de grandes richesses nationales sans que son appareil ne finisse par les détourner à son profit"
"Les Russes ne voudront plus céder un seul centimètre carré du territoire national. C'est sur ce refus que Poutine s'est fait élire". Toutes les tentatives de reprendre pied en Ukraine, ou même en Géorgie sont approuvées par la majorité des Russes" (ce livre a été écrit avant les évènements de cet été !).
En Pologne, le parti a été mis sur la touche au profit du renseignement militaire : on troquait, de fait, un régime communiste contre une dictature militaire"
Sur la géopolitique
"La justice crée l'harmonie, l'injustice suscite la violence et la guerre"
"Un moindre mal reste un mal, fut-il moindre"
08:48 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : relations internationales
20/08/2008
Zambie : décès d'un Président exemplaire
Le décès du Président Mwanawasa : une perte pour l'Afrique
Le Président zambien, Levy Mwanawasa est décédé. Il était hospitalisé en France depuis le mois de juin, à la suite d'une attaque cérébrale.
Il avait 59 ans, donc encore jeune...
Je l'avais rencontré à Lusaka en 2002, tout juste élu, dans le palais présidentiel.
Il était simple, loin des fastes qu'aiment tant trop de potentats africains.
La Zambie, pays subtropical enclavé, est constituée des anciennes Rhodésies du Nord-Ouest et du Nord-Est.
Pendant l’apartheid, et les luttes pour les indépendances, elle a constitué un pays de la « ligne de front », et/ou un refuge, pour les guérillas des pays voisins.
Elle est bordée au Sud par l’ancienne Rhodésie du Sud et donc n’est pas insensible à l’actuelle agitation du Zimbabwe.
Au Nord se trouve la République démocratique du Congo (2000kms de frontières) et à l’Est l’Angola.
Il n’est donc pas surprenant qu’à Lusaka aient été signés des accords de paix concernant chacun de ces pays.
A l'époque où Mwanawasa était vice-président, en raison d’une vigoureuse campagne contre le changement de Constitution, y compris au sein du parti présidentiel, le Président Chiluba avait du renoncer à briguer un troisième mandat.
Contrairement à certaines affirmations journalistiques le Président Mwawasana n’était certainement pas une « marionnette » de son prédécesseur qu'il a fait condamner pour corruption.
Comme souvent en politique l’héritier choisi, pour s’affirmer, avait montré sa capacité à prendre ses distances.
L’épouse de l’ancien Président Chiluba, au moment du divorce, avait réclamé 400 millions de $ à son mari, soit la moitié de ce qu’elle considérait comme la fortune d’un homme qui ne possédait rien quand il est entré en politique.
C’est pour protester contre l’indulgence du gouvernement envers la corruption que Levy Mwanawasa avait démissionné de son poste de vice-président de la république. Il a en acquis une image d’homme intègre.
Ces dernières années, il s'était distingué en dénonçant, courageusement, les dérives autoritaires de Robert Mugabe, son voisin et il donnait refuge aux opposants pourchassés et aux fermiers expulsés.
08:37 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique
19/08/2008
L'aube, le soir ou la nuit
Yasmina Reza
Editions Flammarion, Albin Michel
Que Yasmina Reza sache écrire, c'est indiscutable. Elle l'avait prouvé dans une quinzaine de pièces de théâtre, la plupart à succès.
Qu'elle soit tombée sous le charme du personnage de théâtre qu'était le candidat gagnant de l'élection présidentielle, c'était inévitable et personne ne peut l'en blâmer.
Le livre a été très médiatisé et pourtant les chiffres de vente n'ont pas été mirobolants.
Pas assez ou trop politique selon les goûts...
Il est écrit de façon à être agréable à lire.
Et je ne suis pas devenu sarkozyste en le lisant !
Comme Sarkozy a gagné, ce n'est pas une tragédie."Il n'y a pas de lieux dans la tragédie. Et il n'y a pas d'heures non plus. C'est l'aube, le soir ou la nuit".
Citations
"Les écrivains ont en commun avec les tyrans de plier le monde à leur désir"
"Je le trouve élégant. Il est retourné chez Dior. Avant il allait chez Lanvin.
"Il n'y a de vérité qu'au présent"
"Ils ne jouent pas leur existence, mais plus grave, l'idée qu'ils s'en sont faite"
"Ces hommes ne veulent pas le bonheur, ils veulent leur chance dans la bataille"
"Il ne s'adresse qu'à lui même"
"On ne peut qu'admirer le don et la compétence"
"Se faire élire n'est pas se faire aimer"
"Il n'y a pas de gène du destin, ni malheureux, ni heureux"
"Etre adulte c'est être seul" Jean Rostand
"La jeunesse, c'est la promesse des commencements" Rilke
"Il a réinventé la politique par le verbe, maintenant on est dans l'action"
Citations de "l'entourage"
"Quand on a bien travaillé, il n'y a rien de déshonorant à échouer"
"C'est un métier de con pour gens intelligents"
"La réalité n'a aucune importance, il n'y a que la perception qui compte."
"Quand le prince devient Roi, ceux qui ont vu le prince pleurer sont envoyés dans les mines de sel. Depuis la nuit des temps."
"Encore deux semaines de discours sur le devoir et le respect et je passe à l'extrême gauche"
"Le pouvoir, c'est comme l'horizon, plus il s'approche, plus il s'éloigne. Mais il faut voir le paysage qu'il y a derrière la montagne"
Citations du personnage principal
"C'est limite mauvaise foi, c'est même terrifiant de mauvaise foi, mais enfin, il faut y aller !"
"Si les électeurs de Le Pen me quittent, on plonge"
"En politique on est tous tournés sur nous mêmes"
"J'aime pas dépendre et j'aime pas qu'on dépende de moi"
"Je t'embrasse mon Omar" (à Omar Bongo)
08:26 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, politique, sarkozy
17/08/2008
La Georgie n'est pas l'Afghanistan
Dans les commentaires de la presse, deux me semblent particulièrement inappropriés :
1) Comparer l'invasion russe de la Georgie avec la présence russe en Afghanistan :
- Dans le cas afghan, le gouvernement avait demandé la présence de ces troupes. Ce qui ne semble pas être le cas du gouvernement géorgien ...
Certes, ce gouvernement n'était pas démocratique, mais il était internationalement reconnu.
Il était communiste : si Poutine avait gardé l'étiquette communiste, la tolérance de certains aurait-elle été la même ?
2) Comment parler de "guerre froide" ? Les Georgiens ne la trouvent pas "froide" du tout.
C'est même le contraire de la guerre froide pendant laquelle la menace nucléaire et la délimitation des zones d'influences "gelaient" les conflits.
C'est l'opposition, par la force, des nationalismes...
19:07 Publié dans Affaires étrangères | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : georgie
16/08/2008
Retour à Bruxelles
Retour à Bruxelles
Vincent Delecroix
Actes Sud
Voyage en France, retour à Bruxelles, Vincent Delecroix, professeur de philosophie, nous offre un bref voyage lyrique à Bruxelles ("c'est la plus littéraire des langues, celle que parlent les rues de Bruxelles" mais "Bruxelles est sans doute la seule ville d'Europe qui ait été à ce point martyrisée par les promoteurs" ; "j'ai vu souvent ce miracle à Bruxelles, d'un soleil rafraîchi de pluie"), le temps d'une aventure amoureuse ("je désirais seulement que tu ne sois pas cruelle, et tu ne l'as pas été").
Extraits "Rien n'est plus difficile que de marcher à côté de quelqu'un que l'on ne connaît pas et que l'on commence à aimer"
"Dans la vie, le corps des autres est toujours ou trop loin ou trop près de nous."
"Il n'y a aucun amour véritable, si l'on a pas ensemble mangé"
"Il ne faut pas craindre de ne jamais connaître l'autre"
"Il n'y a même plus de petits bouchers dans cette rue de l'Ilot qui vomit ses flots de touristes vers les restaurants tapageurs et tristes. Elle est invisible la montagne aux herbes potagères" "Mince porte de chair donnant sur toute la gloire d'aimer, tes lèvres étaient fines et douces."
"Tout mon corps se gonflait de jouissance comme la voile dans le vent debout"
"Au moment de me détacher de toi, j'ai eu peur de ne pouvoir t'oublier, de devoir toujours t'aimer" ; "Qu'est-ce qu'il y a à aimer dans un souvenir ?"
"Seule la gare offre un attrait : celui de pouvoir en partir" ; "Mon train reviendrait et ferait cercle autour de la terre. De Bruxelles à Bruxelles."
"Et pour tout ce qui n'a jamais existé et n'existera jamais, je laisse un peu de blanc au bas de la page".
08:36 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature