27/04/2015
les racines chrétiennes de l'Europe
L'Europe est-elle née au Moyen- Âge ?
Jacques Le Goff
Je me souviens, il y a quelques années, du débat sur les "racines chrétiennes de l'Europe". Devaient-elles être mentionnées dans le préambule de ce qui aurait du être une Constitution européenne, en réalité un Traité, refusé par les Français, ce qui permit à d'autres, en particulier les Britanniques, de l'enterrer.
Pour le célèbre médiéviste Jacques Le Goff, la réponse est claire : ça qui constitue l'Europe au Moyen-Âge, c'est sa commune appartenance au christianisme. Au temps de l'Empire romain, les autres c'étaient les "barbares", mais l'octroi de la citoyenneté romaine à tous les citoyens de l'Empire changea la donne. Il y eu donc, "nous", les Européens, et "eux" , essentiellement les musulmans. Les conquêtes de l'Empire ottoman dans les Balkans, dont la célèbre bataille de Kosovo (le champ du merle), font faire que "la menace turque va être un des ciments de l'Europe".
Le christianisme est "l'instrument du métissage" entre les Barbares, Celtes et Germains et les Latino-Européens. "A la naissance de l'Europe, s'affirme, dès le début, la dialectique de l'unité et de la diversité." "La dialectique entre unité et diversité est le fond même de l'histoire européenne."
Mais si, au Moyen-Âge, être Européen , c'est être chrétien, cela s'accompagne "d'un rejet, contrairement à l'Islam ou au christianisme byzantin d'une théocratie". Avec un "équilibre entre la foi et la raison." Abélard, au delà de sa relation amoureuse avec Héloïse a donné une place décisive à l'esprit critique en posant comme principe "la première clé de la sagesse, c'est une interrogation continuelle."
Bien avant le programme européen "Erasmus", une Europe des universités se met en place, avec échange de professeurs et d'étudiants. En théologie, mais aussi, beaucoup, en droit. Déjà l'Europe des juristes !
Le Moyen-Âge voit aussi naître une "Europe de la persécution", pour "détruire tout ferment de souillure", contre les hérétiques, les juifs, les homosexuels, les lépreux. "La société chrétienne du Moyen-Âge a commencé à construire l'antisémitisme européen."
"La législation barbare , sur les unies du droit romain, prolongea, malgré tout, une Europe du droit." Et l'adoption de la "minuscule caroline" en a fait la première écriture européenne.
"L'Europe sera un monde du pain." Avec comme boissons dominantes, le vin, favorisé par la pratique religieuse, la cervoise et le cidre, en fonction du climat.
"Une Europe du textile a engendré une Europe des marchands." Et de là, une "Europe de la mer" et une "Europe de la banque". Et même une "Europe de la fraude fiscale." Déjà, "une Europe de globalisation des échanges économiques, mais d'aggravation des inégalités sociales et politique était née."
Et, comme "le temps , c'est de l'argent", "un rythme s'est imposé jusqu'à nous, celui de la semaine, entraînant un rapport entre le temps de travail et le temps de repos." "L'Europe de la fin du XVe siècle est une Europe du temps précieux, du temps approprié par les individus et les collectivités constitutifs de l'Europe éventuelle."
La réponse à la question posée par le titre du livre est donc : "La Moyen-Âge a constitué le mouvement décisif de la naissance, de l'enfance et de la jeunesse de l'Europe."
16:29 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
17/04/2015
L'invention des origines médiévales de l'Europe
Quand les nations refont l'histoire
Patrick J. Geary (professeur à l'université de Californie)
éditions Flammarion
Un livre salutaire à l'heure de la montée des nationalismes.
Ce spécialiste de l'histoire médiévales démontent les idéologies nées au XIXe siècle qui imprègnent les discours identitaires aujourd'hui.
A la fiction du "nous étions là les premiers", et les manipulations qui s'en suivent, l'auteur oppose une Europe médiévale sans cesse remodelée par les migrations.
"Les peuples de l'Europe sont une réalité en train de se former, un projet en cours : il faut même qu'ils gardent éternellement ce statut." "Les Francs "nés avec le baptême de Clovis" ne sont pas les Francs de Charlemagne, ni ceux du peuple français que Jean-Marie Le Pen espérait rassembler autour de son mouvement politique."
"Ceux qui n'ont pas été baptisés avec Clovis, en particulier les juifs et les musulmans, ne pourraient pas être de vrais Français ?"
"La correspondance entre les peuples du Moyen-Âge et les peuples contemporains est un mythe."
"Un certain nombre d'étiquettes ont fini par être perçues comme des désignation "ethniques". "Au Ive siècle, des bandes militaires s'approprièrent ces étiquettes." "Les noms des peuples étaient moins des moyens de décrire la réalité que des moyens d'affirmer une forme d'unité sous la conduite de chefs qui espéraient monopoliser et incarner les traditions associées à ces noms."
"Les peuples sont redevenus des unités territoriales d'organisation géographique et politique, non des groupes sociaux ou culturels."
"En 212 la citoyenneté fut étendue à presque tous les les habitants libres de l'Empire. La distinction entre citoyen et non citoyen perdit toute signification pour une différence fondée largement sur la richesse." Au début du VIIe siècle, l'opposition entre Romains et Barbares avait perdu toute signification, la citoyenneté romaine ne représentant plus rien." Au IXe siècle, les Romains sont simplement les habitants de la ville de Rome.
"Les rois victorieux projetaient le passé imaginaire de leur famille sur leur peuple en tant que collectivité, ce qui donnait à tous les membres de l'élite militaire le sentiment de partager la même origine." "Les rois barbares mirent aussi la religion au service de la création de ce sentiment d'identité". ("la conversion de Clovis facilita l'amalgame rapide entre Francs et Gallo-Romains" ; Arianisme pour les Goths). "La majorité de la population finit par adopter l'identité de la minorité au pouvoir."
"la grande force de la synthèse franque fut la création d'une société unifiée, à partir du double héritage des traditions romaines et barbares."
Ce livre est dédié à "tous ceux qui comprennent l'importance que peut avoir le passé pour le présent, et la différence qu'il y a entre les deux." "Le passé est un pays étranger dans lequel nous ne nous trouverons jamais."
21:30 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, nationalisme, europe
08/04/2015
la France envahie
Les Vikings en France
Jean Renaud (professeur à l'université de Caen)
éditions Ouest France, collection "Mémoire de l'histoire"
"Nous sommes gouvernés par des immigrés ou des enfants d'immigrés", vient de déclarer Jean-Marie Le Pen. Il aurait pu ajouter : "et ça ne date pas d'hier" !
La première incursion viking, en Aquitaine, date de 799.
Pendant un siècle et demi, ils se sont opposés aux Francs, qui étaient également des envahisseurs, arrivés avant eux. Dans tous les territoires qui sont devenus la France. Partant du littoral et remontant les fleuves. Même en Méditerranée, remontant le Rhône jusqu'en Isère, traversant les Cévennes jusqu'en Lozère. Souvent il fallait acheter leur départ. La confrontation entre les Scandinaves et les Francs passe aussi par des phases où ils tentent de s'entendre, à défaut de se comprendre."
"Après la mort de Charlemagne en 814, les Danois trouvèrent le champ libre pour partir à l'assaut du littoral de l'Empire franc qui se délabrait."
En 911, le Traité de Saint-Clair-sur-Epte leur accorde, "in sempiternum", un territoire correspondant à l'actuelle Haute-Normandie contre l'engagement à protéger le royaume franc , et surtout la région de Paris, contre de nouvelles incursions.", ainsi que la conversion des Vikings au christianisme. "C'était l'acte de naissance du duché de Normandie." "Les Vikings ont construit de nouvelles fermes et multiplié les défrichements"."Les hommes libres réunis en assemblées pour prendre les décisions, comme en Scandinavie."
"Les nouvelles flottes, qui se voyaient interdire la remontée vers Paris, faisaient voile vers la Bretagne."
"Contrairement à ceux de la Seine qui se coulèrent dans le moule franc, ceux de la Loire s'en tinrent à une présence essentiellement militaire. Il ne semble pas qu'ils aient tenté d'introduire une forme d'administration ni de développer une activité économique structurée." "Les Vikings ont servi, malgré eux, la formation d'une Bretagne indépendante, favorisant la volonté des Bretons de s'affirmer au Xe siècle net tant qu'Etat celtique."
"Les archéologues n'ont malheureusement fait que relativement peu de découvertes datant de l'époque viking. Leurs traces concrètes sont d'ordre linguistique et toponymique. Essentiellement en Normandie."
13:22 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
05/02/2015
L'unité du monde
Une histoire du monde antique
Huit professeurs d'université
Sous la direction de Claude Mossé
Bibliothèque historique Larousse
Prendre conscience de l'unité du monde : au VIe siècle : Cyrus, Crésus, Confucius, Bouddha, Thalès. IIe siècle : Rome, le premier Empire chinois, l'Inde des Maurya...
De la préhistoire au saccage de Rome par les Wisigoths en 410, les auteurs nous emmènent d'un bout à l'autre de la terre : Mésopotamie, Egypte, Asie, Amérique, Proche-Orient, sans oublier l'Afrique.
Il est certain qu'en 450 pages les différents épisodes ne peuvent qu'être survolés, mais c'est le seul ouvrage à ma connaissance qui synthétise ainsi l'histoire du monde antique.
Et, en plus, sa lecture n'est pas fastidieuse, même si elle demande plusieurs heures, réparties sur quelques semaines...
08:48 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
29/01/2015
La Macédoine est-elle grecque ?
Philippe II de Macédoine
Jean-Nicolas Corvisier
éditions Fayard
Entre la Grèce et l'ancienne république yougoslave de Macédoine l'histoire est utilisée et tiraillée.
Jean-Nicolas Corvisier n'a pas de doute sur le caractère hellène des Macédoniens. Deux preuves : leur participation aux Jeux Olympiques, et leur sentiment de supériorité à l'égard des barbares. Et s'ils ne parlaient pas tout à fait la même langue, ils n'avaientt pas besoin d'interprètes .
Philippe II de Macédoine sera même l'unificateur de la Grèce, après sa courte victoire à Chéronée. Il sera d'autant plus magnanime à l'égard des vaincus qu'il avait besoin d'eux pour s'attaquer à l'Empire perse.
Afin de garder le sens de la mesure, après Chéronée, il se fait répéter chaque matin par un esclave qu'il n'est qu'un homme. Bonne habitude qui sera reprise par les vainqueurs romains.
Pour parvenir à ses fins : armée de métier, nouvelle organisation des phalanges, armement moderne, création d'une marine de guerre, et surtout des "informateurs" partout.
Et avant l'usage de la force : l'intimidation, la diplomatie, pour diviser les adversaires, la duplicité, le mensonge, la trahison, et surtout la corruption dans une totale absence de scrupule.
"Toute cité, tout Etat d'importance n'hésitait pas à intervenir d'un bout à l'autre du monde grec, ni à s'immiscer dans les affaires intérieures d'une cité." "Dans la situation d'épuisement qui régnait entre les belligérants, il sut apparaître comme un sauveur."
Philippe II meurt assassiné par un de ses officiers alors qu'il préparait sa campagne contre l'Empire perse. Comme toujours dans ces cas là, à cette époque révolue, deux suspects majeurs : son épouse et son fils, Alexandre, qui deviendra "le Grand". A l'époque, personne n'a accusé de tous les maux sa fille Europe.
21:43 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, macédoine