14/08/2014
François-Ferdinand d'Autriche
Jean-Paul Bled
éditions Tallendier
"Rien ne fera que ce qui a été n'ait pas existé".
Quelles étaient les positions politiques de celui qui devait succéder au vieil empereur François-Joseph, et dont l'assassinat, à Sarajevo, il y a un siècle, a servi de prétexte à la première guerre mondiale ?
Sur le plan intérieur : un catholique intégriste, autocrate, qui aurait souhaité appliquer à la société civile les principes militaires d'organisation, hostile au suffrage universel, "avec son arrière goût de social-démocratie". L'opposé de Rodolphe, fils de François-Joseph, qui s'est suicidé à Mayerling, et qui était un libre-penseur notoire. François-Ferdinand est "allemand" et n'a aucune envie d'apprendre le hongrois ou autres langues de nombreuses nationalités de l'empire.
Mais il n'a aucune influence réelle sur son oncle, l'empereur. Malgré son opposition, le suffrage universel est adopté, et le "compromis" entre l'Autriche et la Hongrie est renouvelé.
Sur le plan extérieur, il est logique et en continuité avec ses options idéologiques : il souhaite une union des trois empereurs (Autriche/ Allemagne et Russie) contre les forces progressistes. "Que vaudrait le gain d'une province (la Bosnie) s'il devait être payé de l'hostilité durable de la Russie". "A quoi serviraient ces lauriers si nous en récoltons une crise européenne générale". " Une guerre entre l'Autriche et la Russie se terminerait par la chute des Romanov ou par celle des Habsbourg, peut-être par les deux."
L'homme privé a un côté sympathique : il ose faire un mariage d'amour, contre son oncle et l'immense majorité de la Cour qui n'a de cesse d'humilier Sophie, son épouse morganatique. L'impératrice Sissi, qui l'avait poussé dans ce sens, n'est malheureusement plus là pour le soutenir : elle vient d'être assassinée à Genève.
C'est parce que, pour la première fois, Sophie était autorisée à l'accompagner lors d'un voyage officiel au sein de l'empire qu'ils tenaient tant à aller ensemble à Sarajevo, au risque d'y mourir, ensemble...
"Il n'est de politique qui vaille qui ne prenne appui sur les réalités".
19:08 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
31/07/2014
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
Ils voulaient tuer Jaurès parce qu'il était le symbole de l'opposition à la guerre. Par sa mort de symbole il est devenu icône.
Aurait-il pu éviter la guerre ? Peu probable. Le 31 juillet, il était malheureusement trop tard. L'Autriche-Hongrie avait déclaré la guerre à la Serbie le 28. La tentative de médiation anglaise avait échoué. La Russie mobilisait, et l'Allemagne était décidée à la guerre. La classe ouvrière allemande ne protestait pas contre cette perspective. Le SPD avait donné son accord aux déclarations de guerre contre la Russie et contre la France.
La France pouvait-elle éviter la guerre ? Une vingtaine d'années plus tard les accords de Munich allaient montrer qu'il est impossible d'arrêter les dirigeants d'un pays qui veulent la guerre. En France l'extrême droite voulait la guerre, pour récupérer l'Alsace et la Lorraine. Le Président de la République considérait la guerre comme inévitable. Le Président du Conseil, Viviani, socialiste indépendant ne voulait pas de la guerre. Faut-il rappeler que la France n'a déclaré la guerre à personne. La guerre lui a été déclarée, et l'agression s'est faite sur son sol. Jaurès n'avait, malheureusement, aucun moyen de pression sur l'appareil militaire allemand, qui demandait depuis longtemps une guerre "préventive" contre la Russie et la France, en commençant par envahir la France.
21:26 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jaurès
28/06/2014
28 juin : "La mort vous attend à Sarajevo"
François-Ferdinand
De Jean-Yves Le Naour
Dessins : Chandre
Couleurs : Sébastien Bouet
Le 28 juin est, encore aujourd'hui, la fête nationale serbe. Cette date commémore pourtant une défaite, au "champ du merle" (Kosovo), contre l'Empire ottoman, en 1389. Mais ce jour là, un chevalier serbe était parvenu à tuer le sultan.
En 1914, il y avait déjà beaucoup de Serbes en Bosnie, en particulier à Sarajevo, et certains rêvaient déjà d'une "grande" Serbie. Pour y parvenir une poignée, qui luttaient également contre le gouvernement serbe, étaient décidés à assassiner, lors de son voyage à Sarajevo, l'héritier de la couronne impériale austro-hongroise, l'archiduc François-Ferdinand, neveu du vieil empereur François-Joseph.
François-Ferdinand est le premier dans l'ordre de succession, mais ses relations avec son oncle sont mauvaises, en particulier parce qu'il a épousé, contre la volonté de l'Empereur, une comtesse qui n'est pas de sang royal. Epouse "morganatique", qui n'a donc aucun droit. Leurs enfants ne pourront prétendre au trône. Toutes les dispositions de la stricte étiquette impériale ("sans laquelle la monarchie serait ravalée aux basses manières de la bourgeoisie") sont utilisées pour humilier François-Ferdinand et son épouse Sophie.
En juin, pour la première fois, Sophie est autorisée à accompagner l'archiduc dans une mission officielle. La date coïncide avec leur anniversaire de mariage. Ils iront donc ensemble à Sarajevo...et y seront tués ensemble.
François-Ferdinand était farouchement opposé au chef d'état-major de l'armée impériale qui voulait la guerre contre la Serbie, et opposé au Kaiser allemand qui voulait la guerre contre la Russie et la France.
Pas de deuil national. L'Empereur ne regrette pas la disparition de ce neveu contestataire.
Il faudra un mois aux bellicistes autrichiens et allemands pour comprendre qu'ils peuvent saisir l'occasion pour déclencher les hostilités, déclarer la guerre à la Serbie, violer la neutralité belge pour tenter d'envahir la France, provoquer la première guerre mondiale.
Jean-Yves La Naour raconte bien, les dessins et les couleurs sont agréables et soulignent bien le propos.
Une leçon d'histoire d'actualité.
14:57 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd
08/05/2014
Jospin tire les leçons du bonapartisme
Lionel Jospin
Éditions du Seuil
Je n'ai jamais aimé Napoléon : pas républicain, pas démocrate non plus, méprisant pour la vie de ses hommes, despote mais habile propagandiste. "Prébendier à l'intérieur, prédateur à l'extérieur". Pour lui, "le peuple est une force qu'il faut séduire par la propagande ou dompter".
Sa gloire continue aujourd'hui encore et, pire, certaines forces politiques continuent à souhaiter un homme (ou une femme) providentiel et un régime "fort", hyper centralisé, dans lequel il n'est demandé au peuple que d'approuver les décisions du "Guide".
Lionel Jospin, en se basant sur son expérience de l'exercice du pouvoir, trace à grands traits les quinze années de Napoléon Bonaparte, puis les aléas du "bonapartisme", en débouchant sur le "populisme" d'aujourd'hui, "ce bonapartisme sans Bonaparte". Ces aspects du passé éclairent le présent. "La fortune du bonapartisme se nourrit toujours de la faiblesse de la République".
Lionel Jospin décrit Napoléon Bonaparte : "un soldat passionné, impérieux, impatient et qui ne supporte pas l'opposition ; qui a "la volonté d'avoir le pays tout entier sous contrôle au moment de faire la guerre".
"Napoléon, en quinze ans, ne contribue pas décisivement au développement économique de la France, parce que sa première préoccupation n'est pas l'économie mais la guerre."
Dix-huit ans après l'abolition "pour toujours" de la noblesse héréditaire, l'ancienne et la nouvelle noblesse sont à nouveau dites "héréditaires". En 1814, la République ne renaît pas parce que l'idée en a été ruinée en France par l'Empire et son rêve dynastique."
"Pour ceux qui cherchent à estimer si une telle épopée a servi les intérêts de la France, la réponse est clairement non."
"Pour la France, c'est au minimum 600 000 hommes qui ne reviendront pas de la guerre."
"La France avait de remarquables atouts pour être la première puissance du XIXe siècle. Avec l'Empire, elle les gâche".
À propos du "second Empire", Lionel Jospin donne la "trame du bonapartisme : nature dictatoriale du pouvoir, répression des opposants, utilisation de la police à des fins politiques, manipulation de l'opinion par la propagande, centralisation de l'État, recherche de la gloire extérieure."
16:29 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jospin, bonapartisme
31/10/2013
un peu d'histoire de la Moldavie orientale
Pour comprendre la Moldavie, il faut avoir en tête son histoire qui en a fait un carrefour du monde latin et du monde slave. Les deux derniers siècles ont été particulièrement déterminants dans la situation actuelle.
1812 : un accord entre l'Empire ottoman et l'Empire russe coupe en deux la Moldavie. Sa partie orientale, l'actuelle République moldave, devient la Bessarabie russe. Il est largement fait appel à des Slaves pour coloniser le pays, en particulier le sud, ce qui en modifie la composition ethnique.
Après la première guerre mondiale, le Traité de Versailles rattache la Bessarabie à la Roumanie.
1939 : le pacte Molotov-Ribbentrop, dans un protocole additionnel secret partage la Pologne, la Finlande, les pays baltes...et la Roumanie.
1940 : l'URSS annexe la Bessarabie. 100.000 roumanophones sont déportés. 300.000 sont déplacés à l'intérieur de l'URSS. Les jeunes sont enrôlés de force dans l'armée rouge.
Juillet 1941 : les troupes roumaines, aidées par l'armée allemande, réoccupent la Bessarabie. 100.000 Juifs sont tués, 100.000 autres accompagnent les troupes soviétiques en retraite, et se réfugient en URSS.
1944 : la Bessarabie est ré-annexée par l'armée rouge. Création de la "République socialiste et soviétique de Moldavie". La plus petite des républiques fédérées d'URSS. La russification est intense, la langue russe est la langue de l'enseignement, l'alphabet cyrillique est obligatoire, même pour la langue roumaine. 200.000 roumanophones quittent le pays. Un million de Russes et d'Ukrainiens arrivent.
1991 : proclamation de l'indépendance de la Moldavie. La langue roumaine redevient langue officielle, et l'alphabet latin est réintroduit.
La même année les russophones proclame l'indépendance de la Transnitrie, où séjourne l'armée russe, qui s'y maintient aujourd'hui encore comme "garante de la paix". Un "nettoyage ethnique" oblige les roumanophones à partir. Le conflit fait un millier de morts. Seule la Russie reconnaît l'indépendance de la Transnitrie, qui constitue un poste avancé de la Russie vers l'Europe occidentale. Les entreprises de Transnitrie sont privatisées au profit des oligarques russes. Comme en Géorgie, Moscou intervient par minorités interposées.
08:00 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0)