11/08/2015
La fin du Moyen-Âge
Le temps des Valois
Claude Gauvard
Professeur émérite d'histoire médiévale à la Sorbonne
éditions P.U.F.
Le temps des Valois, c'est le temps de la guerre "de 100 ans", de la peste noire, des famines. C'est la fin de la féodalité : les souverains sortent vainqueurs des affrontement contre l'aristocratie, avec l'aide de nobles plus modestes.
"Cette crise a tété le ferment du développement des institutions qui ont façonné le royaume de France". Après trois graves défaites, Crécy, Poitiers, Azincourt, la guerre ne se gagnera plus avec le "ban et l'arrière ban" féodal, mais avec l'artillerie, et avec une armée permanente au service exclusif du roi, payée par des impôts stabilisés, qui permettent de payer également les "fonctionnaires" qui assurent le fonctionnement de l'Etat. "La naissance de l'Etat moderne."
"Ce royaume de France est né en ce début du XIVe siècle." "L'attachement au royaume l'emporte sur l'attachement aux parents par le sang." "Existe-t-il un sentiment national ? Le devoir du peuple est d'obéir et de payer l'impôt. Dans cette société fortement hiérarchisée, chacun doit rester à sa place, ce qui tue dans l'oeuf tout développement du sentiment national."
"Le Moyen Âge, théoriquement, se termine en 1453, avec la prise de Constantinople par les Turcs, ou en 1492, avec la découverte du Nouveau Monde." Pour l'auteur, après la terrible Peste noire de 1348, rien ne sera plus comme avant. Comme d'autres historiens, elle montre qu'il n'y a pas de cloison entre Moyen Âge et Renaissance, l'influence italienne se manifestant avant même la fin de la guerre de Cent Ans.
"La guerre de Cent Ans est en partie née de la crise de la seigneurie qui avait vu ses revenus baisser." "Tout autant que la noblesse française, la noblesse anglaise, confrontée au même problème d'effondrement de ses revenus seigneuriaux, souhaite la guerre."
"La guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons n'est pas née de la faiblesse du pouvoir, comme cela est toujours écrit, mais au contraire de l'enjeu fort qu'il représente."
"D'une certaine façon, la guerre de Cent Ans est une lutte des Gascons contre les Bretons." A Poitiers, "Les combats voient s'affronter des Gascons et des Bretons contre d'autres Gascons et d'autres Bretons."
10:47 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
23/07/2015
l'histoire de France sans les clichés
Nos ancêtres les Gaulois, et autres fadaises
François Reynaert
éditions Fayard
Vingt siècles en cinq cent pages en débusquant quelques clichés anciens que les historiens d'aujourd'hui ont remis en cause. François Reynaert n'est pas historien mais journaliste, au Nouvel Observateur et amateur d'histoire. Sur chaque période il cite ses historiens de référence.
Bien que cela soit une histoire du territoire qui est devenu la France, l'auteur traque le nationalisme. Et cela fait du bien. "La France n'est une nation que depuis peu, et la plupart des autres pays d'Europe le sont devenus encore plus récemment." Comme l'a écrit Pierre Goubert : "le travail de l'historien ne se ramène pas à l'exaltation des gloires nationales."
Les Gaulois n'étaient donc pas les "premiers occupants" de ce qui allait devenir la France. "Ils ne sont pour rien dans l'érection des menhirs et des dolmens. Ce sont des Celtes venus du nord de l'Italie, derrière leur chef Brennus." "La Gaule, pure création coloniale" des Romains.
"Les fils de Mérovée étaient germaniques". Leur capitale était Tournai, actuellement en Belgique. La langue que parlait Clovis ressemblait plus certainement au flamand qu'au français.
"Des immigrés. Tous les peuples le furent ou le seront."
"Charles (qui deviendra Martel) a combattu les Arabes exactement comme il a combattu les Francs de Neustrie ou ceux du sud de l'Allemagne. Les Arabes poussaient des pointes en Gaule dans une logique de razzia, non dans une logique de conquête." Après Poitier (732) "ils sont rentrés chez eux, en Septimanie" (l'actuel Languedoc)
"Les Mérovingiens, les Carolingiens, ces rois d'origine germanique qui régnaient sur un empire européen n'étaient pas plus français qu'ils n'étaient allemands, belges ou italiens."
"Les Plantagenêts, famille angevine. Henri II, comme sa mère Aliénor d'Aquitaine, reposent près de Saumur où il a été élevé." "Les Plantagenêts, comme leurs cousins Valois, sont de langue et de culture française."
"A Gand, Charles (qui deviendra "Quint") a été élevé en français. A dix-sept ans, il ne parle pas un mot de castillan".
Les croisades ? "l'horreur de la réalité au nom de l'angélisme des intentions" "Comme fruit possible ramené des croisades par les chrétiens, je ne vois que l'abricot" (Jacques Le Goff)
"Ce n'est qu'à la fin de l'interminable guerre de 100 ans que la conscience que l'on est Français ou Anglais entre dans les esprits."
"Les crispations religieuses aboutissent au renforcement d'un puritanisme étroit que le Moyen Âge ne connaissait pas : tous les bains publics qui existaient depuis des siècles sont supprimés au XVIe"
"Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme" (un lieutenant de Calvin en désaccord avec la condamnation à mort de Michel Servet)
Mazarin était "le plus grand voleur de toute l'histoire de la monarchie". "Le sac du Palatinat (par les troupes de Louis XIV) a beaucoup fait pour développer un sentiment national allemand". "La famine de 1692-1694 a fait pratiquement autant de morts que la guerre de 14, mais en deux ans."
Napoléon ? "absence totale de morale et cynisme poussé" "Il refuse l'éducation publique pour les filles." "Trois millions de victimes dont un million de morts français".
L'auteur tombe parfois, lui aussi, dans le cliché : à propos des Templiers, n'est-il pas imprudent d'écrire :"le roi (Philippe le Bel) a eu ce qu'il voulait" : le trésor" ?
J'ai été surpris qu'il ne fasse pas allusion au Pacte germano-sovétique à propos du déclenchement de la seconde guerre mondiale.
Un livre qui traite "de l'histoire de notre pays, mais aussi de la façon dont elle existe dans nos mémoires."
"Le goût de l'histoire nous enseigne la modestie dans le jugement."
16:25 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
28/06/2015
Arménie 1915
Centenaire du génocide :
la ville de Paris accueille les collections du musée d'Erevan
Exposition gratuite à l'hôtel de ville jusqu'au 4 juillet
Lorsque je me suis rendu à Erevan, je n'ai pas manqué d'aller me recueillir au mémorial du génocide arménien. De là haut on voit le mont Ararat, qui se trouve en Turquie. La frontière est fermée entre les deux pays.
Au début du XXe siècle la population arménienne, essentiellement rurale, était nombreuse à l'Est de l'Empire ottoman. Les violences de masse ont commencé dès 1885. Aujourd'hui de nombreux Arméniens ont encore les clés de leur maison située en Turquie. J'ai vu le même phénomène dans les camps de réfugiés palestiniens.
Les guerres des Balkans se sont soldées par d'humiliantes défaites pour l'empire ottoman, amputant le pays de larges territoires, en particulier sur le continent européen. Pendant la Première guerre mondiale, l'empire ottoman est du mauvais coté, allié à l'Allemagne.
En 1913, un coup d'Etat porte au pouvoir des militaires nationalistes, "les Jeunes Turcs".
Les violences génocidaires contre les Arméniens, menées par l'armée avec le soutiens des chefs tribaux kurdes, recommencent en décembre 1914, le long de la frontière avec l'empire perse.
En avril 1915, les élites arméniennes sont arrêtées.. Les déportations massives commencent, avec les massacres qui vont avec . Une faible minorité des déportés est arrivée dans "les lieux de relégation", une vingtaine de camps de concentration, mis en place à partir d'octobre 1915. L'année suivante, des massacres systématiques visent les survivants, en particulier femmes et enfants.
Entre 1922 et 1927, 58 000 Arméniens débarquent à Marseille.
C'est cette histoire terrifiante que raconte cette exposition...
19:03 Publié dans expo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : expo, histoire, arménie
27/06/2015
"Celui qui reste a raison" (Brentano)
Deux dans Berlin
Birkefeld et Hachmeister
éditions du Masque
Berlin, hiver 44, jusqu'au 8 mai 45. Souvent sous les bombes. "Berlin était une ville à l'agonie, elle se changeait en bûcher funéraire du Reich". "Berlin était transformé en un tas de cendres et de ruines.""Beaucoup de gens dans cette ville n'avaient pas mérité ces bombes." "Les raids étaient sans doute destinés à la population civile afin de briser son endurance." "Les suicides étaient à l'ordre du jour."
Le marché noir est l'occasion de profits mirifiques.
Ils sont deux dans Berlin : un évadé de Buchenwald et un ancien policier de la criminelle, devenu membre des services de renseignement de la Gestapo, à qui il est demandé par sa hiérarchie d'enquêter sur l'assassinat d'un dignitaire SS. Enquête qui le conduira sur la piste de l'évadé.
Quelques retours en arrière nous remémorent la prise du pouvoir par Hitler, et les positions prisent par les Allemands, dans leur diversité, à ce moment là. "De quel côté pouvait bien être Dieu, sinon celui des moutons ?"
Il y est question de Nebe, l'ancien chef de la police criminelle, puis chargé d'un groupe d'"intervention" à l'arrière des troupes allemandes dans l'est de l'Europe. Déserteur en 44. Le policier n'a pas le cynisme de Bernier Gunther, même s'il se demande parfois pourquoi enquêter sur une mort alors que tant de personnes, y compris femmes et enfants meurent chaque jour. "Le tas de cadavres augmentait. La douleur ne servait à rien." Les auteurs sont deux professeurs d'histoire, allemands, et non Ecossais comme Philip Kerr.
Comme dans "le Labyrinthe du silence", est posée la question de la responsabilité collective du peuple allemand, et individuelles des sadiques. "Plus personne n'était capable de tracer une frontière entre culpabilité et innocence." "Nous avons été trop nombreux à défiler. Par conviction, par opportunisme, par peur ou par indifférence. Mais on ne pourra pas déclarer tout le peuple coupable..." "Tout le monde n'a pas obéi aux ordres criminels." "Qu'on ne vienne pas me raconter plus tard que personne ne savait ou n'avait rien vu !"
"La force créée le pouvoir, et le pouvoir le droit"
"Les femmes avec leurs questions. C'était la cause de tous les problèmes."
08:02 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire
13/06/2015
Fred Vargas rend hommage à Arnaldur Indridason
Temps glaciaires
Fred Vargas
éditions Flammarion
Des gens surpris par la brume, dans le nord de l'Islande. Ils se perdent, ils meurent. Les survivants culpabilisent.
Ceci n'est pas une aventure du commissaire Erlandur mais du commissaire Adamsberg. Les deux ont bien des points de ressemblance. Surtout quand Adamsberg joue plus que jamais le "pelleteur de nuages". Ces "temps glaciaires" ne sont pas sans évoquer l'"hiver arctique".
Fred Vargas écrit, avec succès, des romans policiers depuis bientôt trente ans, mais n'avait rien publié depuis quatre ans.
Elle ne se contente pas de nous emmener en Islande. Elle revisite pour nous la Terreur robespierriste, juste avant les exécutions de Danton ("Danton, l'image incarnée de la puissance vitale révolutionnaire") et Camille Desmoulins. "Je crains que le voyage dans le cercle arctique de Robespierre soit encore plus glaçant."
"Comment le livide et glacé Robespierre, dénué de charisme et d'empathie, avec sa voix aigrelette et son corps sans vie, a-t-il pu générer une telle adoration ? Avec sa face lugubre et ses yeux vides cillant derrière ses lunettes ?"
"A peine aurait- il détruit un ennemi qu'il s'en découvrirait un autre." "L'ennemi que traquait Robespierre était en lui même." "La pitié n'existait pas, car Robespierre n'avait aucun lien, et surtout pas étroit.""Jamais l'innocence ne redoute la surveillance publique" (Robespierre) "L'abstraction du meurtre chez Robespierre. Les exécutions se passaient toujours hors de sa vue. Elles étaient dématérialisées. Comme s'il avait guillotiné non pas des hommes, mais des concepts ; le vice, la trahison, l'hypocrisie, la vanité, le mensonge, l'argent, le sexe."
"Fouché est l'homme le plus terrible de la Révolution. Cynique absolu, habile comme le diable, fourbe et doucereux, surveillant tout un chacun, louvoyant au gré des évènements, il est le serpent dans l'herbe face à l'idéaliste Robespierre emporté par sa folle pureté."
"On est toujours plus élégant nu qu'à moitié dévêtu"
"L'alcool sucré monte au cerveau avec la célérité d'un acrobate sans fil"
09:03 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire


