23/05/2015
Bernie Gunther enquête à Katyn
Les ombres de Katyn
Philip Kerr
éditions du Masque
1943 : des restes humains apparaissent dans la forêt de Katyn. Très rapidement, la certitude s'installe qu'il s'agit de milliers d'officiers polonais, tués d'une balle dans la nuque, et rapidement enterrés dans des fosses communes.
Joseph Goebbels, ministre de la propagande, comprend rapidement tout le parti qu'il peut en tirer contre le régime communiste de l'URSS, avec l'espoir de diviser les alliés. Il ne réussira que partiellement : l'URSS rompt ses relations avec le gouvernement polonais en exil à Londres qui a osé demander une commission d'enquête de la Croix rouge internationale, mais les Alliés n'insistent pas sur ce crime, et font semblant de croire les Russes qui accusent les Allemands.
"Staline nourrissait une profonde haine à l'égard des Polonais, haine datant de la défaite soviétique lors de la guerre de 1919/1920. De plus, son fils a été tué par des partisans polonais en 1939."
L'URSS, également spécialiste de propagande, clamera que ce sont les nazis qui ont commis ces assassinats. Au procès de Nuremberg , les Russes iront jusqu'à demander que Katyn soit ajouté à la liste des crimes de guerre et crimes contre l'humanité des Allemands. "C'est Béria, nouveau chef du NKVD, qui a orchestré le massacre de tous ces pauvres officiers polonais." Ce n'est qu'en 1991 que la Fédération de Russie confirma le massacre, par les Soviétiques, de plus de 14.500 militaires polonais." Mais le parti communiste russe nie toujours...Le commandant Blokhine, bourreau en chef de Katyn, mourut alcoolique et fou en 1955.
1943, c'est après Stalingrad, et sur le front de l'Est, les nobles Prussiens, haut gradés dans la Wehrmacht , commencent à se demander sérieusement s'il ne faudrait se débarrasser d'Hitler. Certains complotent pour le tuer. D'autres se font acheter leur loyauté par Hitler. Fait moins connu.
"Un accord passé en coulisse avec les aristocrates ruinés de Prusse Orientale avait permis aux nazis de prendre le contrôle du gouvernement allemand." "Il semble normal que ce soit à votre classe sociale de se débarrasser de Hitler, puisque c'est vous, en premier lieu, qui l'avez imposé.""Comme tous les membres de sa classe sociale, il détestait Hitler beaucoup plus qu'il n'avait jamais aimé la République et la démocratie."
Comme toujours, avec le même talent depuis la "trilogie berlinoise", l'écossais Philip Kerr se glisse dans la peau d'un flic berlinois et social-démocrate, en mêlant réalités historiques et fiction crédible.
Quel est le sens d'enquêter sur quelques meurtres individuels quand la période est aux massacres commis par le NKVD (la police politique russe) et la Gestapo ? "Je ne vois pas comment qualifier une situation où l'on pouvait pendre un caporal pour le viol et le meurtre d'une jeune paysanne russe dans un village situé à seulement quelques kilomètres d'un autre village où un groupe d'action spéciale SS venait d'assassiner vingt-cinq mille homme, femmes et enfants." "A Babi Yar, près de Kiev, trente cinq mille Juifs, hommes, femmes et enfants avaient été massacrés dans un ravin au cours d'un week-end". "La Convention de Genève ne semble pas compter beaucoup dès qu'on s'éloigne de Berlin."
Kerr n'épargne pas la Royal Air Force qui "a lâché plus d'un millier de tonnes de bombes sur des objectifs civils."
"De quoi sont capables les être humains, hallucinant." "Les communistes mécréants ou les Allemands blasphémateurs. Qui voudrait être Dieu face à un choix pareil ?"
"Une nation sans religion est comme un homme sans souffle" (Joseph Goebbels)
"On pouvait toujours prévoir les intentions d'un Français."
"Je n'ai jamais rencontré un homme petit qui puisse rire de lui même aussi facilement qu'un grand"
"On oublie souvent quel tyran sanguinaire était Nicolas II. Il a assassiné environ un million de Russes."
"L'Histoire m'a appris qu'on pouvait toujours compter sur ses supérieurs pour accumuler les déceptions."
21:08 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire
15/05/2015
La suite de la saga des chevaliers normands en Sicile
Le royaume sur la mer
Michel Subiela
J'ai lu n°8968
Rappel : les fils de Tancrède de Hauteville, petit seigneur normand, surnommé "le tueur de sangliers", trop nombreux pour vivre sur le fief, partent pour le Sud de l'Italie, pour s'engager comme mercenaires au service de Byzance.
Comme l'empire d'Orient a bien des adversaires et des soucis, il n'est pas en mesure d'empêcher les chevaliers normands de se mettre à leur compte pour conquérir, à ses dépends, les Pouilles, puis la Calabre et une partie de la Sicile, sous les ordres de Robert, surnommé "le guiscard" (le rusé), avec l'aide de son frère Roger, le plus jeune des fils de Tancrède. L'aîné, Guillaume "bras de fer" se fera nommé "Duc des Normands d'Italie" avant que Robert ne devienne Duc des Pouilles. "Le Guiscard s'était emparé de la Pouille et de la Calabre en un temps où Byzance, harcelée de partout, était bien en peine de les maintenir dans son giron."
Ce deuxième volume du "Sang des Hauteville", raconte la conquête de la Sicile, "le royaume sur la mer", contre les Musulmans par Roger, avec l'aide de certains d'entre eux, pendant que son frère Robert poursuit son rêve de devenir empereur d'Orient. Douze années seront nécessaires entre l'invasion de la Sicile et la prise de Palerme et " ses subtils Sarrasins, ses Grecs à l'esprit délié, ses Lombards prévenants" .
Après Roger Ier, "Grand Comte de Sicile", vient son fils Roger II, non seulement Comte de Sicile, puis Duc de Pouilles, récupérant le fief initial des Hauteville en Italie, pour être sacré Roi de Sicile trois ans plus tard. Un royaume réunissant Pouilles, Calabre et Sicile., qu'il gère avec son fameux "premier ministre", Georges d'Antioche. "La famine, qui sévissait dans toute l'Europe, poussait vers la Sicile féconde, toute une jeunesse avide de travail et de nourriture."
Michel Subiela a un vrai talent de conteur. Il replace la saga des Hauteville dans le contexte de l'époque, avec les luttes pour l'élection des papes, les luttes entre les papes et le Saint empire romain-germanique, l'ascendant pris par l'Eglise, les croisades et les royaumes latins de terre sainte, sous fond de luttes contre Byzance autant que contre les musulmans, eux mêmes autant divisés que les Chrétiens.
"Ils possédaient, comme tout seigneur, la faculté d'être indifférents à la présence de ceux qui les servent"
"Mets dix femmes dans ton lit, fais le savoir, il t'en viendra cent !"
21:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
07/05/2015
les trahisons font-elles partie de la nature humaine ?
Intrigues, complots et trahisons au Moyen Âge
Jean Verdon
éditions Perrin
Désir du pouvoir, cupidité, amour ou haine, sont les motivations essentielles des traitrises.
"Entre intrigue et trahison il existe de nombreux stades."
Au Moyen Âge, "l'amour apparaît assez rarement car le mariage est avant tout l'union de deux familles." "L'adultère désigne toute fornication perpétrée en dehors du sacrement de mariage."
"Trop souvent victime de trahison, le roi Louis XI se juge en droit de trahir, et la restriction mentale n'est pas le moins significatif de ses comportements. La parole donnée en vaut autant qu'elle sert." Comme disait Chirac : "les promesses n'engagent que ceux qui y croient."
"Les nobles, les hommes d'armes doivent une loyauté active comportant avant tout des services militaires." "De 1293 à 1337, certaines populations changent par quatre fois de maître." "Les Bretons passent d'un camp à l'autre au gré des circonstances."
"Celui qui empoisonne ajoute la trahison à l'homicide car il recourt à la déloyauté absolument contraire à la morale chrétienne." "A la fin du Moyen Âge apparaît une véritable psychose du poison." "Le développement de la médecine incite à rechercher les raisons des décès."
"La cour ne plaît qu'à ceux qui obtiennent ses faveurs."
A Byzance, de 395 à 1453, seulement 39 empereurs décèdent naturellement, alors que 41 périssent de mort violente. "Les successions au trône donnent souvent lieu à des complots."
"Un pouvoir fort, non contesté, se prête moins aux complots."
Dans le milieu religieux les combats sont souvent féroces pour les nominations à la tête d'abbaye, au poste d'évêque, surtout pour celui de Rome. "Le cardinalat offrant sans cesse plus d'avantages en matière de pouvoir et de richesses, cette fonction est activement recherchée."
"La société médiévale punit plus qu'elle ne pardonne." "La prison n'est généralement pas utilisée comme peine." "La peine doit être exemplaire", donc publique. "L'Eglise évite de s'en prendre aux catégories sociales les plus élevées."
Comme le disait Machiavel, certains "appellent honte le fait de perdre et non celui de tromper pour gagner."
15:34 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
27/04/2015
les racines chrétiennes de l'Europe
L'Europe est-elle née au Moyen- Âge ?
Jacques Le Goff
Je me souviens, il y a quelques années, du débat sur les "racines chrétiennes de l'Europe". Devaient-elles être mentionnées dans le préambule de ce qui aurait du être une Constitution européenne, en réalité un Traité, refusé par les Français, ce qui permit à d'autres, en particulier les Britanniques, de l'enterrer.
Pour le célèbre médiéviste Jacques Le Goff, la réponse est claire : ça qui constitue l'Europe au Moyen-Âge, c'est sa commune appartenance au christianisme. Au temps de l'Empire romain, les autres c'étaient les "barbares", mais l'octroi de la citoyenneté romaine à tous les citoyens de l'Empire changea la donne. Il y eu donc, "nous", les Européens, et "eux" , essentiellement les musulmans. Les conquêtes de l'Empire ottoman dans les Balkans, dont la célèbre bataille de Kosovo (le champ du merle), font faire que "la menace turque va être un des ciments de l'Europe".
Le christianisme est "l'instrument du métissage" entre les Barbares, Celtes et Germains et les Latino-Européens. "A la naissance de l'Europe, s'affirme, dès le début, la dialectique de l'unité et de la diversité." "La dialectique entre unité et diversité est le fond même de l'histoire européenne."
Mais si, au Moyen-Âge, être Européen , c'est être chrétien, cela s'accompagne "d'un rejet, contrairement à l'Islam ou au christianisme byzantin d'une théocratie". Avec un "équilibre entre la foi et la raison." Abélard, au delà de sa relation amoureuse avec Héloïse a donné une place décisive à l'esprit critique en posant comme principe "la première clé de la sagesse, c'est une interrogation continuelle."
Bien avant le programme européen "Erasmus", une Europe des universités se met en place, avec échange de professeurs et d'étudiants. En théologie, mais aussi, beaucoup, en droit. Déjà l'Europe des juristes !
Le Moyen-Âge voit aussi naître une "Europe de la persécution", pour "détruire tout ferment de souillure", contre les hérétiques, les juifs, les homosexuels, les lépreux. "La société chrétienne du Moyen-Âge a commencé à construire l'antisémitisme européen."
"La législation barbare , sur les unies du droit romain, prolongea, malgré tout, une Europe du droit." Et l'adoption de la "minuscule caroline" en a fait la première écriture européenne.
"L'Europe sera un monde du pain." Avec comme boissons dominantes, le vin, favorisé par la pratique religieuse, la cervoise et le cidre, en fonction du climat.
"Une Europe du textile a engendré une Europe des marchands." Et de là, une "Europe de la mer" et une "Europe de la banque". Et même une "Europe de la fraude fiscale." Déjà, "une Europe de globalisation des échanges économiques, mais d'aggravation des inégalités sociales et politique était née."
Et, comme "le temps , c'est de l'argent", "un rythme s'est imposé jusqu'à nous, celui de la semaine, entraînant un rapport entre le temps de travail et le temps de repos." "L'Europe de la fin du XVe siècle est une Europe du temps précieux, du temps approprié par les individus et les collectivités constitutifs de l'Europe éventuelle."
La réponse à la question posée par le titre du livre est donc : "La Moyen-Âge a constitué le mouvement décisif de la naissance, de l'enfance et de la jeunesse de l'Europe."
16:29 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
19/04/2015
Suite de l'épopée des Normands de Sicile
Le Hors venu
Viviane Moore
10/18 "grands détectives" n°4084
1156, Palerme. Sur le trône de Sicile, Guillaume Ier, dit "le Mauvais", fils de Roger II, premier roi, normand, de Sicile. Il est Normand, mais son allégeance au Duc de Normandie, roi d'Angleterre, n'est que théorique. Les Normands n'ont pourtant conquis la Sicile, qu'il y a moins d'un siècle. Contre les Musulmans qui l'avaient prise aux Byzantins. "La Sicile avait eu bien des maîtres : Phéniciens, Corinthiens, Romains, Ostrogoths, Grecs, Arabes...et aucun d'entre eux n'avait renoncé volontairement à ses charmes."
Carrefour de civilisations, Palerme abrite des communautés musulmanes, byzantine, juive, lombarde...et normande. Celle qui détient le pouvoir.Plus pour très longtemps, mais cela est une autre histoire !
Héritage des occupations précédentes, le harem tient une grande place.
Pendant que Guillaume fait la guerre, ou part à la chasse, l'émir gère les affaires. En joueur d'échecs, et sans hésiter à réprimer durement les opposants, réels ou supposés. Les Musulmans sont des boucs émissaires parfaits. Il y a même une secte de djihadistes !
Nous retrouvons nos deux héros, partis de Barfleur la même année. Hugues de Tarse veille toujours sur Tancrède d'Anaor, supposé être le petit-fils de Roger II. Une menace pour son oncle Guillaume ? Tancrède se sent "Hors venu" (venu d'ailleurs) bien que natif de Sicile.
Ce n'est qu'à la moitié du roman que l'émir donne l'ordre à Hugues de Tarse d'enquêter sur une série de meurtres. Il trouvera le coupable, et son mobile : la vengeance qui, chacun sait, est une très mauvaise conseillère.
16:52 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire


