01/06/2014
Tous pourris ?
L’emprise
Marc Dugain
Éditions Gallimard
De Marc Dugain, j’ai beaucoup aimé « La malédiction d’Edgar », « Une exécution ordinaire », « La chambre des officiers », qui ont fait de très bons films.
L’intrigue me semble ici bien faible pour faire un bon scénario. Mon impression est qu’elle n’est qu’un prétexte pour avancer quelques idées qui peuvent alimenter le vote du Front National : les politiques et les dirigeants industriels de haut niveau sont de la même caste, sont tous plus pourris les uns que les autres, prêts à tout pour le pouvoir. Les espions écoutent tout ce joli monde en toute impunité, tout en se livrant une guerre des officines. Le seul « pur » est un syndicaliste qui ne tardera pas à disparaître. Un cynisme absolu. Déprimant !
Le Président en place « relégué aux caves des sondages » a une « insensibilité pathologique aux succès comme aux échecs, qui lui avait fait gravir les échelons de la méritocratie française ». « Une population vieillissante qui, tout en vilipendant son président, était capable de le réélire par simple crainte du changement ». « Le succès est la capacité d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». (Churchill). « Les plus grosses difficultés que vous rencontrerez une fois élu, viendront des promesses que vous aurez tenues et non pas du contraire ».
« Les menaces de meurtre symbolique viennent toujours de ceux qui sont censés partager vos convictions ».
« On est dépendants d’une croissance sur laquelle on a de moins en moins d’influence »
« Il raisonnait comme les privilégiés de l’Ancien Régime : un diplôme donnait des droits de la même façon qu’un titre nobiliaire avant la Révolution »
« L’Europe, qui devrait prendre ses ordres chez son peuple, n’est inféodée qu’aux groupes de pression qui siègent à Bruxelles avec plus d’assiduité que les députés élus. La corruption, les ententes, les amitiés troubles y sont généralisées. » « C’est une drôle d’Europe que nous faisons là, où personne ne connaît vraiment l’histoire de l’autre ».
« On ne fait pas campagne sans la désignation d’un ennemi commun extérieur »
« La question de la rancune en politique est une question centrale, comme dans tous les milieux où l’on ne parvient à ses fins qu’en éliminant les autres. »
15:06 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
18/05/2014
Un San-A de 1957
La tombola des voyous
Commissaire San-Antonio
Un des premiers, en 1957. Il y a déjà Béru, Pinuche et Félicie aussi, avec le style San-Antonio. Ils sont supposés appartenir aux «Services secrets », mais mènent une enquête tout à fait criminelle.
Dans ce temps là, aux Halles on vendait de la viande et des tripes. Les hommes buvaient et fumaient en quantité. On achetait ses meubles aux « Galeries Barbès ». Personne n’avait l’idée qu’un jour il y aurait des ceintures de sécurité dans les voitures, et que les femmes porteraient des collants.
Les comptes de la collaboration ne finissaient pas de se régler. L’assassinat au pic à glace dans le cœur était déjà inventé.
« Il prend le parti d’en rire, lequel vaut largement celui de Poujade » (Rappel pour les plus jeunes : Jean-Marie Le Pen était alors député du parti de Poujade)
« L’amour au cinéma, c’est nécessaire. Mais le cinéma dans l’amour, je trouve ça débecquetant ! S’il est un moment où l’on doit accrocher sa gamberge au même clou que son grimpant, c’est bien celui-là ».
« Nous assistons à une évolution du langage, présentement nous en sommes à l’abréviatif ». (1957 !)
11:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
11/05/2014
La "reine des bandits" béninoise
Le cantique des cannibales
Florent Couao-Zotti
Éditions « Le serpent à plumes »
Ce livre est dédié à « toutes les Africaines de l’ombre, féministes au ras du sol qui, tous les jours, tentent péniblement d’arracher au soleil quelques particules de rêve… »
Il met en vedette une « amazone », bandit au grand cœur qui redistribue au petit peuple dont elle est issue. Le personnage est inspiré de Phoolan Devi, la fameuse « reine des bandits » indienne.
S’y mêle une histoire d’amour avec un jeune et fougueux inspecteur de police au cœur pur.
Quelques maux de l’Afrique y sont évoqués, comme le trafic d’enfants et la condition des femmes. « Que faire d’une liberté quand on est pauvre et misérable ? », « la débrouillardise étant ce qu’on peut faire de mieux pour ne pas mourir. »
Quelques maux plus politiques également : la justice aux ordres, la police brutale et vénale, l’état des prisons, et surtout, à travers la campagne électorale du président sortant, l’état de la démocratie dans de trop nombreux pays africains.
Le tout dans une langue poétique et imagée propre à la plupart des écrivains africains francophones qui démontrent que l’Afrique est l’élément moteur de l’avenir de la francophonie.
11:52 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, afrique
04/05/2014
Bernie Gunther à Prague avec Heydrich
Prague fatale
Philip Kerr
Editions du Masque
Juin 1942 : le héros de Philip Kerr, Bernie Gunther, est à Berlin, de retour du front de l’Est, où il a été témoin des horreurs que les « Einsatzgruppen » font subir aux populations, en particulier juives (un million de morts entre 40 et 43). « Le stoïcisme avec lequel les Juifs subissaient leur sort ne manquait pas d’impressionner jusqu’aux nazis les plus fanatiques ».
Bien que Stalingrad soit encore à venir, Berlin vit au rythme du black-out (« bénédiction pour les violeurs »), du rationnement, de la peur de la Gestapo.
Bernie est capitaine à la police criminelle, service qui a été regroupé avec la Gestapo et le SD (Sicherheit Dienst, service de sécurité) sous la responsabilité de Reinhard Heydrich qui vient d’être nommé « Protecteur » de Bohème-Moravie (l’actuelle république tchèque ; Heydrich sera surnommé « le bourreau de Prague »), rattachée à la « Grande Allemagne ».
Heydrich le fait venir à Prague pour en faire son « policier personnel ». Il le charge d’enquêter sur la mort d’un de ses assistants, en lui donnant carte blanche. Kerr se fait plaisir en imaginant Bernie, effronté, bousculant de hauts dignitaires nazis en toute impunité. Ce qui me semble peu vraisemblable.
Bernie est à Prague avec une ravissante jeune femme rencontrée dans des circonstances trop troubles pour ne pas être suspectes. « Elle avait une silhouette comme une flûte de charmeur de serpent ».
La dernière fois que j’ai parlé d’Heydrich dans ce blog, c’était à propos du livre de Laurent Binet HHhH (Himmlers Hirn heisst Heydrich : le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich). Kerr nous présente au contraire deux hommes en concurrence auprès d’Hitler. L’Histoire raconte qu’Heydrich se remettait assez bien de l’attentat dont il avait été victime, quand une infection soudaine l’emporta. Kerr laisse entendre qu’Himmler l’aurait fait empoisonner (« Heydrich soupçonnait Himmler de chercher à l’assassiner »). Pour cette raison, l’épouse d’Heydrich, pourtant nazie fervente, refusa d’assister aux obsèques nationales de son mari.
« Ce sont les rouages qui grincent le plus qui reçoivent le plus d’huile »
« Il n’y a pas pire imbécile qu’un imbécile amoureux »
12:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
18/04/2014
De la photo à la peinture
Arturo Pérez-Reverte
Points n°1877
Ancien photographe de guerre, en particulier dans la Yougoslavie en train de se déchirer, "le peintre des batailles" a entrepris une fresque guerrière évoquant les batailles de toutes les époques, dans leur concept.
Mais la mort rode.
Une grande réflexion sur la vie et la mort, sur l'art, sur la peinture et la photographie, à l'occasion d'un récit, agrémenté d'une histoire d'amour, qui ne peut laisser indifférent.
Arturo Pérez-Reverte, ancien journaliste ayant couvert la guerre en Bosnie, est surtout connu pour les aventures du capitaine Alatriste, portées à l'écran.
J'ai déjà parlé de "Cadix : la diagonale du fou" et du "Tableau du maître flamand".
"Croire que nous ne mourrons pas nous rend faibles".
"La guerre ne peut être photographiée correctement que si ce qu'on voit ne vous affecte pas."
"Un élément de base de la mécanique quantique était que l'homme créait la réalité en l'observant".
"La photographie est le refuge des peintres ratés".
"Impossible de photographier le bâillement indifférent de l'Univers"
"N'importe quel amateur possédant un Polaroïd se sent l'égal de Man Ray ou de Brassaï"
"Elle savait lire un tableau, comme on lit une carte, un livre, ou les pensées d'un homme"
"Le hasard serait le nom que nous donnons à notre ignorance"
08:34 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature