25/10/2010
Frêche nous a marqués
Septimanie, c'est fini !
Frêchou est donc mort à la tâche, dans son bureau, un dimanche.
Cela ne fera sans doute pas taire ceux qui pensent que les élus volent leurs indemnités.
Il n'avait que 72 ans, mais pas besoin d'être un professeur de la prestigieuse, depuis le Moyen-âge, école de médecine de Montpellier, pour voir qu'il n'était pas au mieux de sa forme.
Toute la presse l'identifie ce matin à "sa" ville. Cela avait déjà été le cas avec son prédécesseur, Maître Delmas. Célibataire, on disait de lui qu'il était "marié" avec sa ville. Jusqu'au jour, il y a plus de 30 ans, où Georges la lui a prise. Il ne s'en est jamais remis. Frêche non plus !
Au moins, Frêche avait choisi qui allait lui succéder. Cela ne lui a pas mieux réussi...
J'ai rencontré Georges Frêche, un peu longuement, trois fois :
En 1978, quand, avec les ami(e)s de Pierre Mauroy nous préparions le congrès de Metz. Frêche ne voulait pas choisir entre Mitterrand et Rocard, mais il n'était pas, ou pas encore, l'anti-mitterrandiste que la presse décrit aujourd'hui. Mitterrand, qui n'était pas un tendre, ne lui a probablement pas pardonné de ne pas lui avoir apporté, dans ce moment décisif, le soutien d'une des plus importantes fédérations du parti. Et Frêche n'a probablement jamais pardonné à Mitterrand de n'avoir plus jamais fait appel à lui.
En 1983, je préparais les "journées d'étude" du groupe socialiste européen à Montpellier. Le Languedoc, et en particulier les viticulteurs, étaient "vent debout" contre la candidature d'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne. Les craintes de manifestations étaient telles que le cabinet du ministre de l'intérieur, Gaston Deferre, faisait pression sur moi pour que j'annule tout. J'ai rencontré le maire de Montpellier, et j'ai vu que cet homme avait du caractère. Il n'était disposé à se laisser intimider ni par le cabinet du ministre de l'intérieur, ni par les éventuels manifestants. "Nous transformerons la mairie en "Fort Chabrol" s'il le faut, mais pas question d'annuler quoi que ce soit". Les parlementaires européens socialistes sont venus, des dix pays membres à l'époque, et tout s'est bien passé.
En 1998, il était venu à Bruxelles, accompagné d'une délégation d'élu(e)s de sa ville, dont sa première adjointe, Hélène Mandroux et m'a invité dans un restaurant réputé de la Grand Place. C'était un Européen convaincu. Mais il considérait qu'il n'avait pas besoin d'un député européen héraultais. Il l'a prouvé en choisissant Robert Navaro qui n'en eût guère plus que le titre.
Georges Frêche peut être admiré, ou détesté, pour ses actions, pour sa mégalomanie que l'on peut considérer, ou pas, comme visionnaire.
Les défauts d'Antigone, le quartier créé par Ricardo Bofill se corrigent, difficilement, à coups de pelleteuses. Je ne suis convaincu ni par Port Marianne ni par le quartier de la future mairie.
Il est, malheureusement, évident que les gens qui le suivaient le faisaient plus par carriérisme et clientélisme que par pureté idéologique socialiste. Je crains que cela ne soit pas le cas seulement à Montpellier.
Son score lors des récentes élections régionales prouve qu'il bénéficiait d'un fort soutien populaire.
Malgré tous les reproches, qu'il mérite, je ne le considère pas comme raciste.
Chaque fois la justice lui a donné raison :
Il n'a pas traité les Harkis de sous hommes, au contraire il a reproché à des Harkis bien précis de ne pas se comporter avec dignité.
On peut lui reprocher de ne pas avoir été "colour blind", "aveugle à la couleur", mais il a dit une vérité : le % de joueurs de couleurs de l'équipe de France de foot est supérieur au % d'hommes de couleur au sein de la population française. Et il a donné une explication : ces jeunes ont plus de volonté que les autres, pour obtenir une promotion sociale, par le foot. A l'époque Le Pen lui avait reproché de faire du racisme "anti-blancs" !
La dernière foucade de Big Georges a consisté à parsemer sa ville de statues de "grands hommes". Il a façonné la sienne pendant plus de trente ans...
14:16 Publié dans vie politique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : frêche
23/10/2010
le dernier Caton
Le dernier Caton
Matilde Asensi
Folio policier n°508
Matilde Asensi s'est fait connaître avec "Iacobus", un thriller plus ésotérique qu'historique consacré à Saint Jacques de Compostelle.
Ce nouveau roman met en scène une religieuse sicilienne, travaillant aux archives secrètes du Vatican.
Intrigue : des reliques de la "vraie Croix" disparaissent partout dans le monde. Toutes les Eglises chrétiennes sont en émoi.
Sont soupçonnés les "stavrophilakes" ( de "stavros", la croix et "philake", gardien), confrérie fondée en 341, ayant à leur tête un "Caton", nom donné en l'honneur de l'ardent adversaire de Jules César (d'où le titre du roman), afin de garder la Croix découverte en 326 par Sainte Hélène, la mère de l'empereur Constantin, chrétienne bien avant son fils.
Confrérie passée à la clandestinité au moment de la prise de Jérusalem...par les pillards appelés "croisés" !
Le fait est que la vraie Croix a disparu lors de l'avant dernière croisade, au XIIIe siècle.
Pour retrouver la vraie croix, et ses gardiens clandestins, la sœur Ottavia mène l'enquête flanquée d'un garde suisse spécialiste de l'effacement des côtés obscurs de l'Eglise, et d'un professeur de paléographie, copte.
Sur les traces des gardiens de la croix, de Ravenne à Alexandrie, en passant par Constantinople, tous les trois devront réussir des épreuves initiatiques, "dantesques", rivalisant d'érudition, avec l'aide du "Purgatoire" de Dante.
Transformé en film le scénario nécessiterait de nombreux effets spéciaux.
J'ai préféré les aspects historiques, et même religieux, que l'idylle "à l'eau de rose" qui naît entre la religieuse et le professeur...
"Irénée, un des pères de l'Eglise mentionne comme premier pape Lineo et non Pierre."
"Les quatre évangiles, dont la copie la plus ancienne date du IVe siècle, ont été écrits après les Epîtres de Paul"
"Au début du christianisme, la Croix ne fit l'objet d'aucune adoration. Les premiers Chrétiens ignorèrent complètement l'instrument du martyr".
"L'usage du monogramme de Constantin ("Par ce signe tu vaincras") a été abandonné au VIe siècle."
"Sous le pontificat de Jean-Paul II, aux tendances conservatrices bien marquées, il avait été impossible de mener à bien certains travaux de recherche historique."
"Le pouvoir accumulé par les cardinaux nommés par Jean-Paul II durant plus de vingt ans rendait impossible l'élection par le conclave d'un pape progressiste."
"Est-il bon que la femme prie Dieu la tête découverte ? " (Première épître de Paul aux Corinthiens)
"Si la vérité blesse, il n'est pas utile de la connaître"
"Heureux homme celui qui supporte l'épreuve"
"Fais attention à ce que tu désires, car tu peux l'obtenir"
08:03 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
22/10/2010
Tamara Drewe
Tamara Drewe
De Stephen Frears
Avec Gemma Arterton
Ce film, "so british", n'atteint pas les sommets des "Liaisons dangereuses" et de "The Queen" du même Stephen Frears, mais il se laisse regarder avec plaisir.
Tamara Drewe revient dans son village natal, le nez refait, les fesses moulées dans un mini short, en vraie Londonienne, journaliste à succès qui va enflammer la population mâle.
En plus de Tamara, dans ce paysage bucolique, il y a une rock star de passage, deux adolescentes qui s'ennuient, un auteur à succès, égocentrique, un universitaire américain, en mal d'inspiration, une épouse malheureuse, un jardinier amoureux, une serveuse de Pub avec la tête sur les épaules...
Tout cela donne un cocktail savoureux qui donne le tonus.
08:08 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : cinéma
21/10/2010
émotions et géopolitique
La géopolitique de l'émotion
Dominique Moïsi
Editions Flammarion ; "Champs"
Pour l'auteur, "on ne peut véritablement saisir ce monde sans chercher à intégrer et à comprendre ses émotions". Et il en est de bonnes et d'autres mauvaises.
Toutes profitent de la loupe grossissante des médias.
Ils classent les régions du monde en trois catégories de "cultures" :
- L'espoir, asiatique, d'une émancipation économique et sociale, avec "l'Empire du Milieu", le bien nommé, comme centre de gravité, et l'arrivée de l'Inde, "bien plus que la somme de ses contradictions". Les deux prouvent que "la modernité n'apporte pas automatiquement une plus grande égalité", alors que le Japon est "la preuve vivante que modernité et occidentalisation ne sont pas synonymes".
- L'humiliation et l'impuissance, depuis les rivages méditerranéens jusqu'au Pakistan, cet "arc de crise". "Lorsqu'on se sent humilié, c'est généralement qu'on a perdu le contrôle de sa propre vie". "L'imaginaire islamiste et déterminé par la peur de l'anéantissement". Pays, à l'exception notable du Golfe, au faible niveau d'investissements dans l'éducation et la recherche, entraînant un faible niveau de compétitivité. "Dieu comme solution n'offre aucun outil pour affronter les défis de la modernité". "L'islamisme djihadiste est le seul courant à offrir aujourd'hui une voie de sortie hors du statut de victimes que les Arabes se complaisent à entretenir". "Ce sang là console à défaut de vaincre". "Un système comme l'islam traditionnel, qui exclut les femmes, se condamne lui même à l'arriération". "L'islam européanisé pourrait fournir un modèle et devenir une source d'espoir pour les musulmans du monde".
- La peur, que connaît l'Occident, avec "la perception de notre vulnérabilité" qui "donne l'impression de souhaiter l'érection de nouveaux murs". "La peur de l'autre, notamment de l'invasion des pauvres". "La diversité cesse d'être considérée comme une richesse créatrice et un enrichissement mutuel". Le livre a été écrit avant les dernières déclarations de Mme Merkel, avant la chasse aux Roms. "On ne veut plus changer le monde mais s'en protéger". "Ce dont l'Occident a besoin, c'est d'un meilleur équilibre : une Amérique plus modeste et une Europe plus ambitieuse.
Restent quelques "inclassables" :
La Russie, "où se mêle peur, humiliation et espoir, dans "un amalgame de sentiments et d'impulsions". "La tradition xénophobe du pays est gonflée et manipulée à des fins politiques".
Israël, "mélange de peur d'espoir et d'humiliation". "En Israël tout va bien, sauf l'essentiel". "Le poids excessif de l'Histoire auquel vient s'ajouter l'ignorance délibérée de l'Autre".
L'Afrique, entre espoir et désespoir.
L'Amérique latine, entre populisme, "faisant suite à une décennie de libéralisme économique extrême, et progrès. "Le Brésil éclate d'énergie, de dynamisme et d'optimisme".
Le livre se termine par deux scénarios possibles :
Dans l'un triomphe l'espoir, dans l'autre l'humiliation et la peur, "si nous commettons l'erreur de permettre aux émotions négatives de dominer notre jugement".
La vérité se situera probablement entre les deux...
12:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
20/10/2010
BD sud-africaine
Ma mère était une très belle femme
Karlien De Villiers
Editions "çà et là"
Karlien De Villers raconte son enfance et son adolescence. Avec sincérité mais avec pudeur. Elle reconnaît avoir été influencée par Marjane Satrapi et son "Persepolis".
Karlien raconte la séparation de ses parents, le remariage de son père, sa haine pour la nouvelle femme de son père, sa mère qui se réfugie dans la religion, le cancer du fumeur qui tue sa mère.
Ce qui donne, au moins à nos yeux, une dimension supplémentaire à ce récit, est que tout cela se passe dans les années 70 et 80, en Afrique du Sud. Karlien est la fille de Johan De Villiers et de Petronella Kruger, couple d'Afrikaners. Avec des dessins clairs, faussement naïfs, bien coloriés, Karlien montre le racisme ordinaire et "naturel" des blancs qui trouvent normal que les noirs se trouvent sur les plages pour y vendre des glaces, mais pas pour se baigner. Miss Afrique du Sud qui ne pouvait être que blanche. Les métis chassés de chez eux pour faire de la place pour les blancs. L'apartheid y compris entre Afrikaners et anglophones.
La peur du "communisme" et du terrorisme. Les "troubles". La paranoïa. L'Etat policier.
Malgré la situation politique intenable, la vie, et la mort, continuent.
Comme Marjane Satrapi, Karlien va partir en Europe, puis revenir dans son pays, qui lui aussi, comme elle, se sera transformé.
Un livre humain et touchant à plus d'un titre.
14:21 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd