30/04/2017
Le retour de Bernie Gunther
Les pièges de l'exil
Philip Kerr
éditions du Seuil
Après quelques incursions dans d'autres projets littéraires, Philip Kerr nous propose un onzième tome des aventures de son détective allemand Bernie Gunther.
Celui-ci est devenu concierge d'un grand hôtel sur la côte d'azur, au milieu des années cinquante, à la recherche de la tranquillité. Il a perdu de son humour cynique. Bien entendu, le passé le rattrape.
Son chemin croise celui de Somerset Maugham, ancien espion et homosexuel notoire. Bernie se trouve plongé dans le scandale des "espions de Cambridge", agents doubles au service du KGB, par idéalisme. En pleine guerre froide.
"Le sénateur Mc Carthy ne s'en prend pas seulement aux communistes, mais aussi aux homosexuels, la fameuse peur lavande."
Mais c'est dans l'évocation de la période de la guerre que Kerr est à son meilleur. Ce Britannique n'hésite pas à souligner les souffrances du peuple allemand, surtout à la fin de la guerre.
Il est bien connu que l'histoire est écrite par les vainqueurs. C'est sans doute pour cela que la plus grande catastrophe maritime de tous les temps est complètement passée sous silence dans les pays vainqueurs de l'Allemagne nazie.
En 1945, l'armée russe se rapproche de Königsberg, la ville de Kant, aujourd'hui Kaliningrad. "Une centaine d'enfants ont été tués dans cette cathédrale alors qu'ils fuyaient les bombes de la RAF. Pour vous convaincre que Dieu n'existe pas, ça bat Nietzsche à plate couture..." Les Allemands évacuent des milliers de personnes sur des paquebots. Combien de victimes sur le Gustloff (dont, dans le roman, la compagne de Bernie, enceinte de ses oeuvres), coulé par un sous marin russe ? Plus de 9.000 dit Kerr. Le chiffre officiel de 9.343 vient d'être revu à la hausse par un chercheur allemand : plus de 10.000, dont 4.000 enfants, et autant de femmes que l'on évacuait pour éviter qu'elles ne soient violées par les soldats russes.
Au cours du premier semestre 1945 d'autres navires transportant des réfugiés allemands furent coulés : "le Goya sur lequel 7.000 personnes perdirent la vie. Le Cap Arcona sur lequel 7.000 autres-dont beaucoup de détenus des camps de concentration- périrent. Et le Steuben, sur lequel 3.500 Allemands moururent.
"En comparaison, le naufrage du Titanic n'a fait que 1.500 victimes."
"Jamais les Berlinois de gauche ne se sont pris de sympathie pour Hitler comme l'ont fait les Autrichiens."
"De nos jours (le milieu des années cinquante), seules les Américaines peuvent se permettre de ressembler à des putes."
"Les livres sont précieux. Ils peuvent vous faire sentir chez vous."
"A moins d'être un imbécile, personne n'a jamais écrit sauf pour du pognon."
10:11 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : polar, littérature
29/04/2017
"Ma mère, c'est la République"
Les Misérables
Victor Hugo
Adaptation BD : Daniel Bardet
Dessins : Bernard Capo
Couleurs : Arnaud Boutle
Le Monde et éditions Glénat
Ils sont tous là, ceux que nous connaissons par les films au moins autant que par la lecture de Victor Hugo : Jean Valjean, les Thénardier, Javert, Fantine, Cosette, Marius, "à cette première heure violente et charmante qui commence les grandes passions. Un regard avait fait tout cela"...
19 ans de bagne pour avoir volé un pain...Aujourd'hui encore un tribunal peut condamner à de la prison pour vol de nourriture, même si "la paupérisation absolue du prolétariat" annoncée par Karl Marx ne s'est pas réalisée.
Victor Hugo, pair de France sous Louis Philippe a pris conscience de la pauvreté et a plaidé avec talent la cause des opprimés et dénoncer le dénuement du peuple, devenant un défenseur intransigeant de la dignité humaine, des droits civils et politiques. "Les Misérables" en est la brillante illustration.
17:31 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, littérature
13/04/2017
Cauchemars garantis
La guerre des mondes
Herbert George Wells
Adaptation : Philippe Chanoinat
Dessins et couleurs : Alain Zibel
éditions Le Monde et Glénat
"Nous avons appris, maintenant, à ne plus considérer notre planète comme une demeure sûre et inviolable pour l'homme." C'est par ces mots que se termine le roman.
H.G. Wells est considéré comme le "père" de la "science-fiction", même si le terme ne date que de 1929. Son imagination, et sa connaissance des thèses de Darwin, le portent vers les désastres et les calamités . De quoi en avoir des cauchemars...
Cette première histoire d'invasion martienne est une parabole morale doublée d'une réflexion politique. "Et si, pour une fois, c'était l'Anglais colonisateur (le livre date de 1898) qui devenait l'autochtone anéanti ?"
Le fait que les martiens périssent en raison des microbes terriens contre lesquels ils ne sont pas immunisés, fait immanquablement pensé aux ravages des épidémies sur les peuples du continent américain victime des colonisations.
11:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd
12/04/2017
Lamentation d'une pécheresse
Lamentation
C.J. Sansom
éditions Belfond
1546 : Londres, quelques mois avant la mort d'Henri VIII. Bien qu'il soit impensable d'évoquer l'hypothèse de la mort du roi,malgré sa décrépitude évidente, ses jambes pleines d'ulcères à cause de son diabète, les différentes factions sont en lutte d'influence. La politique religieuse du souverain, louvoyante est le terrain propice à ces confrontations...et à quelques épurations.
Afin de pouvoir divorcer de Catherine d'Aragon et se marier avec Ann Boleyn, Henri avait rompu avec Rome. Il n'avait pas hésité à saisir les monastères et a en tirer l'argent dont il avait besoin pour financer sa guerre contre la France. A la grande déception de ceux qui espéraient que cet argent servirait à aider les plus pauvres. Mais, pour le reste, il ne souhaitait pas pour autant s'aligner sur les positions religieuses des luthériens et s'accommodait fors bien de pratiques religieuses copiées sur les catholiques, mais sans le Pape. Comme le Pape, il interdit la lecture de la bible par les "petites" gens. "Il n'a fait preuve d'aucune constance en matière de religion. Une année Lord Cromwell met en place la vraie réforme ; l'année suivante, il est exécuté." "Pour comprendre le roi, il suffit de se rappeler qu'il croit sincèrement que Dieu l'animé chef de l'Eglise d'Angleterre." Dans son testament , il demande que des messes tout à fait traditionnelles soient célébrées pour le repos de son âme.
Les anabaptistes qui considéraient que selon le vrai christianisme les différences sociales devraient être abolies et que tous les biens devaient être mis en commun, étaient "la bête noire de toute l'élite politique". Massacrés à Münster, aussi bien par les dirigeants protestants que catholiques, certains s'étaient réfugiés en Angleterre.
En 1546, sa sixième épouse, Catherine Parr penche vers la réforme et certains membres du Conseil du Roi voudrait bien la faire chuter. La régence et la tutelle du jeune prince Edouard, qui n'avait pas dix ans, était un enjeu d'importance.
Une grande chasse aux "hérétiques" est ouverte pendant quelques mois sur le thème de la "transsubstantiation", avec autodafés de la longue liste de livres qu'il était interdit de posséder. Il arrive même que les bourreaux ne se contentent pas de brûler des livres mais aussi des malheureux préférant mourir que d'accepter que "le corps et le sang du Christ soient présents dans l'hostie au cours de la célébration de l'eucharistie durant la messe." Discussion dont nous sommes bien loin aujourd'hui...
La reine a écrit, pour elle même, comme une sorte de confession, sa "Lamentation d'une pécheresse", très marquée par le protestantisme. Elle y écrivait notamment : "ce sont la foi et l'étude de la Bible qui assurent le salut, et non pas les vains rituels." "Elle s'était lourdement trompé en imaginant qu'à ce moment la balance penchait vers la Réforme." Et Henri VIII avait prouvé qu'il n'hésitait pas à répudier, ou à faire décapiter, ses épouses. Heureusement pour elle, son manuscrit ne parle pas de la messe et de ce qui s'y passe.
Tout cela à l'occasion d'une enquête policière menée par l'avocat Matthew Shardlake, héros récurrent de C.J. Sansom.
16:23 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
04/04/2017
Entre Suède et Norvège
L'enfant allemand
Camilla Läckberg
éditions Actes Sud / Actes noirs
"C'est dans la nature de l'homme de ne pas regarder les conséquences de ses actes, de ne pas apprendre de l'histoire"
Par le magistral "Millenium" nous savons que, pendant la dernière guerre mondiale, la Suède n'a pas été épargnée par l'idéologie nazie.
La Suède, si proche de la Norvège, occupée par l'armée allemande, avec ses résistants, et ses collaborateurs. Et l'amour dans tout ça ? Consolation de savoir que le phénomène n'était pas exclusivement français ou belge...
Encore d'actualité plus de 70 ans après la fin de la guerre ?
"Elle faisaient partie d'une vague précoce d'immigrés et elle était la seule dans sa classe à ne pas avoir l'air suédoise. Et on le lui faisait payer. Chaque jour, chaque minute elle subissait le fait d'être née dans un autre pays."
08:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature