11/12/2008
Vanuatu ("notre pays")
Les pouvoirs de la coutume à Vanuatu
Traditionalisme et édification nationale
Marc Kurt Tabani
Editions L'Harmattan
Collection "connaissance des hommes"
A Vanuatu, d'où je reviens, et qui s'appelait avant "Les Nouvelles Hébrides", la coutume, la "kastom" comme on dit là bas en "pidgin", est toujours très importante.
Probablement parce qu'elle est un des signes tangibles de l'indépendance. "Elle sert aux Mélanésiens à se démarquer radicalement de la culture des Européens" ; "la transformation de survivances culturelles en des symboles identitaires ; servant à "souligner la différence entre nous et les autres".
Elle a été utilisée comme telle par la classe dominante autochtone, occidentalisée, mais qui veut montrer qu'elle reste proche du "peuple" ; "la légitimation d'élites nationales au moyen de l'illusion d'une continuité politique avec un passé ancien ou d'une pseudo-contestation des valeurs occidentales et modernes".
Ainsi ai je vu le Président de l'Assemblée nationale, ancien de l'armée française, "tuer le cochon", de façon rituelle, entouré de guerriers en armes (rudimentaires).
Cet attachement à des coutumes que l'on voudrait ancestrales, est "concomitant d'une modernisation accélérée" et d'un exode rural qui justifient d'autant la recherche de "traditions dont les origines se perdraient dans la nuit des temps".
La "République démocratique, socialiste et coutumière de Vanuatu", dont la devise est "En Dieu nous nous réalisons", a cherché, dès sa naissance, à abolir le clivage entre "kastom" et christianisme, ce qui n'était pas évident, puisque le christianisme a été apporté par les colonisateurs.
C'est pourquoi, pour le parti dominant, "la mauvaise "Kastom" est celle qui ne se réalise pas en Dieu".
"La "Kastom" devint, pour les nationalistes, une revendication dirigée contre toute interférence d'une autorité extérieure". Une façon également de "travestir la pauvreté en une glorification culturelle".
Pour la classe dominante, la "Kastom" permet d'"éviter la question du partage des richesses, en substituant au problème de l'exploitation de classe, celui de la normalisation culturelle nécessaire à l'édification nationale".
Dans un pays où 70% du PNB vient du tourisme, l'exotisme "traditionnel" est devenu, pour l'extérieur, un argument de vente. Pour l'amusement des touristes australiens, les autochtones abandonnent, le temps de quelques danses, leurs jeans et leurs T-shirts, éteignent, ou non, leurs téléphones portables pour évoquer, sans danger, leurs ancêtres anthropophages. Rêveries, et éventuellement frissons, tarifé(e)s...
"L'île idéale du Pacifique, je crois qu'elle doit rester un beau rêve. Le rêve en est infiniment plus beau que la réalité" (Flechter, 1923).
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, ethnologie, voyages
07/12/2008
Sang royal
Sang royal
C.J. Sansom
Editions Belfond et "Pocket"
1541, York. Quelques années après les évènements décrits dans l'ouvrage précédant de l'auteur : "Dissolution". Thomas Cromwell a été disgracié. L'archevêque Crammer est le chef de l'Eglise anglicane (après le Roi).
Pour celles et ceux qui ont vu la série "les Tudor" sur Canal +, l'action se passe quelques années plus tard : Ann Boleyn a été décapitée, la princesse de Clèves répudiée sans que le mariage n'ait été consommé, Jane Seymour est morte en couches, et le roi Henri VIII, vieillissant, est remarié avec une gamine : Catherine Howard, qui ne sera pas sa dernière épouse.
L'action se passe également quelques années auparavant, au moment de la "guerre des deux roses", entre les York et les Plantagenêt.
La question est de savoir si Edouard IV, grand-père d'Henri VIII, est bien le fils de son père, ou s'il est un batard.
Aujourd'hui l'ADN pourrait nous donner la réponse, mais dans ce temps là, il fallait s'en remettre aux confessions tardives, couchées sur de vieux parchemins dont la détention pouvait valoir la mort.
La question est importante puisque la querelle religieuse n'est pas éteinte, et il faut du "sang royal" (d'où le titre du livre), pour être un monarque de "droit divin", supérieur au Pape sur les questions religieuses, "Chef suprême de l'Eglise d'Angleterre, Défenseur de la Foi et représentant de Dieu en Angleterre", titre que sa Gracieuse Majesté Elisabeth II porte toujours.
Matthew Shardlake, l'avocat bossu de "Dissolution" enquête, au péril de sa vie.
Extraits :
"Tu ne peux pas espérer que la politique soit logique"
"La politique est un jeu cruel".
"Depuis quand la justice est-elle séparée de la politique ?"
"Ceux qui détiennent le pouvoir ne le lâchent pas de bon gré"
"Chaque fois que j'étais malheureux, j'avais toujours pu m'échapper dans le monde des livres"
"La royauté est indispensable, c'est la clé de voûte de l'ordre social ; sans elle tout s'effondrerait" (c'est ce qui se dit en Belgique aujourd'hui...)
"La reine Catherine (d'Aragon) à 40 ans n'avait pas donné de rejeton mâle au roi et ne pouvait plus avoir d'enfants. S'il n'épousait pas une jeune femme susceptible de lui donner un héritier, la dynastie des Tudor s'éteindrait. Le Pape lui même avait suggéré qu'elle se retire dans un couvent, afin que le roi puisse de nouveau convoler en justes noces. Elle a précisément suscité la révolution religieuse qu'elle craignait et honnissait".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littrature
06/12/2008
millénium 2
La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette
Stieg Larsson
Editions Actes Sud
J'avais beaucoup aimé le premier tome de Millénium, je n'ai pas été déçu par le second, que j'ai terminé avec l'envie de lire le troisième.
Il n'y a plus, dans ce tome, la dénonciation du "capitalisme casino", plusieurs années avant sa crise, mais l'auteur reprend, en l'amplifiant, le thème des violences infligées aux femmes, y compris dans le cadre de la prostitution ("c'est un crime d'acheter des services sexuels" ; "tout le commerce du sexe n'est qu'une seule grande violation des droits humains"). En y ajoutant la dénonciation de quelques pratiques psychiatriques d'un autre âge.
Avec également, au passage, une critique sévère, et justifiée, de l'intervention américaine à La Grenade, en 1983.
Un des personnages "allait à la synagogue parce qu'il cherchait la compagnie d'autres personnes. Les catholiques allaient à l'église parce qu'ils voulaient se trouver en paix avec Dieu". Si cela est vrai, cela ne peut être le cas qu'en dehors de l'heure des messes quand "l'église invite au silence et impose que les visiteurs soient laissés tranquilles".
"Les innocents, ça n'existe pas. Par contre, il existe différents degrés de responsabilité."
Lors d'un interminable transit dans un aéroport lointain, j'étais heureux d'avoir ce livre !
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
02/12/2008
Carla et Carlito
Carla et Carlito
Ou la vie de château
Enquête : Philippe Cohen, Scénario : Richard Malka, Dessin : Riss, Couleur : Isabelle Lebeau
Editions Fayard,
Collection 12bis
Quelque part en France, en 2011, à l'Institut "Jean-Marie Bigard", un groupe de thérapie rassemble quelques un(e)s des déçu(e)s de Sarkozy.
Il y a là Cécilia, Arnaud Lagadère, délaissé au profit de Boloré, François Fillon, Bernard Kouchner, G.M. Bénamou, David Martinon, Jean-Marie Cavada...
Et pendant ce temps là, toujours en 2001, rue de Solferino, dans ce qui fut les locaux du PS, se retrouve l'O.C.O. (Opération Contre Ouverture) organisation à laquelle veulent adhérer Debré, Copé et Devedjian, rejoints par Rachida.
Tout cela sert de fil conducteur à un récapitulatif, peu tendre, de la première année de présidence.
Les "planches" qui mettent côte à côte les déclarations d'une part du candidat, d'autre part du Président sont particulièrement révélatrices.
Aucun "scoop" dans cette enquête, juste un rappel des faits à partir de coupures de presse judicieusement sélectionnées.
Un scénario original pour servir de fil conducteur sans lasser.
Des dessins, plus ou moins ressemblants, pour une galerie, assez vaste, de portraits, français et étrangers.
Des couleurs qui accrochent l'œil sans être agressives.
Et pour terminer cette angoissante question : va-t-il se représenter ?
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, politique, bd
29/11/2008
mort d'une héroïne rouge
Mort d'une héroïne rouge
Qiu Xiaolong
Points policiers n°1060
Cet été, pendant les Jeux Olympiques de Pékin, la parution, en feuilleton, dans Le Monde, d'un des romans de Qiu Xiaolong m'a incité à relire le livre qui l'a rendu célèbre.
Pour l'auteur, qui a émigré après les tragiques évènements de la place Tienanmen, le roman policier est prétexte pour montrer la vie quotidienne à Shanghai et Canton, "ville spéciale au sens où la plupart des codes socialistes orthodoxes ne s'y appliquaient pas". "A Canton, il n'existait aucun animal que les habitants n'aient pas trouvé le moyen de transformer en mets délicat". "La cuisine fait partie intégrante de la civilisation chinoise"(voir ma note sur "l'affaire du cuisinier chinois).
Les évènements se déroulent il y a bientôt vingt ans, et les choses ont bien évoluées depuis, en particulier les habitations et la circulation. La pollution n'a fait qu'augmenter.
Dans cette Chine capitaliste, "les scientifiques gagnent moins que les marchands ambulants". Mais peut-être qu'ici aussi les scientifiques gagnent moins que certains commerçants ?
L'énigme se déroule un an après la répression de Tienanmen, et la résolution du mystère criminel ne peut être que politique. Quelle est la ligne politique juste, à un moment où la "stabilité politique" est le mot d'ordre impératif de la direction ? Alors qu'en réaction à la "révolution culturelle", le nouveau mot d'ordre est : "regardez vers l'argent".
Faut-il porter "un coup symbolique aux tenants de la ligne dure, pour qu'ils cessent de se mettre en travers des réformes", "démontrer la détermination du Parti à combattre la corruption ?"
De la réponse dépend la poursuite de l'enquête, puisque la victime est une "travailleuse modèle de la Nation", une "héroïne rouge".
"Nous avons été élevés dans ces mythes communistes du modèle. En fait, cette notion trouve ses racines dans le confucianisme."
Confucianisme que l'on retrouve dans la sagesse populaire citée dans le livre :
"On n'étreint les jambes de Bouddha que dans le désespoir".
"L'homme n'est jamais que ce qu'il a décidé de faire, ou de ne pas faire".
"Ce n'est jamais une bonne idée d'effrayer un serpent en remuant les herbes".
"Ce ne sont pas les individus qui font les interprétations, mais les interprétations qui font les individus".
Inventant un personnage de flic poète, l'auteur imprègne son livre de poésie :
"Que m'importent les jours qui m'attendent,
Si, ce soir, ton plaisir avec moi est complet"
"C'est donc ça, l'hypnose de l'amour. Sa métamorphose. Être envouté. Sans défense. Sans poids, sans substance."
"Qui dit que la splendeur d'un brin d'herbe récompense
L'amour du printemps qui revient toujours ?"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, roman policier, chine