12/06/2010
Intrusion
Intrusion
Elena Sender
XO Editions
Si nous pouvions effacer, de façon sélective, des bouts de notre mémoire, comme nous le faisons pour la mémoire de notre téléphone…
Journaliste au magazine « Sciences et Avenir », spécialiste du cerveau et des émotions, Elena Sender a imaginé le personnage d’une brillante neuropsychiatre, adepte de la pensée positive. (« Exprimer sa gratitude est la stratégie par excellence pour atteindre le bonheur. La gratitude est l’antidote des affects négatifs. Elle neutralise l’envie, l’avarice, l’hostilité, l’anxiété et l’irritation »)
Ses aventures nous entraînent à sa suite à Paris, en particulier dans un hôpital psychiatrique, en Thaïlande, à Bangkok où manifestent alors les chemises jaunes, et sur un îlot à quelques encablures de Ko Tao, où je suis certain de n’avoir vu aucun hôpital, mais il est vrai que c’était il y a presque dix ans, et enfin au pied du Pic Saint Loup.
Expérimentations médicales dangereuses, pour la gloire et pour l’argent, il ne manque que le docteur Bruno Sachs pour se retrouver dans un roman de Martin Winckler. John Le Carré a également écrit sur ce thème (La patience du jardinier). Il avait situé son action en Afrique et non en Asie.
L’institution psychiatrique n’en sort pas grandie non plus. (« Assommer les patients de neuroleptiques pour avoir la paix »)
Quand on a voulu effacer des éléments de sa mémoire, il est dangereux de voir resurgir des personnages de ce passé que l’on a souhaité oublier…
« On ne naît pas égaux par rapport à cette capacité neuronale à être heureux »
« Le cynisme étant valorisé dans la société, la difficulté est de ne pas retomber dans les travers du stress, l’hyperactivité, la compétition, l’envie… »
« Les souvenirs ne s’effacent jamais, ce sont les circuits qui mènent à eux qui s’affaiblissent »
08:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
09/06/2010
chroniques diplomatiques
Quai d’Orsay
Chroniques diplomatiques
Blain et Lanzac
Dargaud
La BD qui fait le « buzz » en ce moment. Et c’est justifié, tant elle sort de l’ordinaire. Pas tant par le graphisme, classique, que par le scénario rédigé par un ancien membre du cabinet d’un ministre des affaires étrangères. Pas difficile de reconnaître de Galopin de Ville quelque chose dans le personnage d’Alexandre Taillard de Vorms.
Je suis un malade du « stabilo », et je ne sais pas lire sans en avoir un dans les mains, ne serait-ce que pour préparer mes notes pour ce blog. Et mon « stabilo » m’est tombé des mains quand j’ai vu Mr le Ministre, et ses crises, à propos du sien. « Là, j’ai tout stabilosé, ça, c’est un bon livre ! »
Nous avons droit à l’écriture, à plusieurs mains, d’un discours mémorable…qui fera un « flop » mémorable à Genève. « L’écriture c’est du montage. C’est comme une abeille qui butine plusieurs fleurs ». Puis un discours réussi au Bundestag.
Nous avons droit aux relations à l’intérieur du cabinet et avec les chefs de l’administration, aussi tristes que nous pouvons observer la nature humaine dans nos bureaux, ou ailleurs. On se tutoie, on s’appelle par son prénom, mais on ne se fait pas de cadeau. Sans parler des amis et de la famille du ministre qui viennent donner des conseils.
Nous avons droit à la gestion, en direct, de deux crises mondiales, dont une en Afrique, fortement inspirée de la Côte d’Ivoire, ainsi qu’à une « guerre de l’anchois » entre pêcheurs français et espagnols.
Et la gestion du calendrier du ministre, qui préfère déjeuner avec une prix Nobel de littérature, qu’il ne laisse pas parler, plutôt que d’aller à une réunion de l’OTAN : « L’ennemi en littérature comme en politique, c’est la peur ».
Pendant ce temps, le ministre fait glisser son « stabilo » sur Héraclite (Vie siècle avant J.C.) : « tout est là dedans ! »
Une suite est annoncée : pourvu qu’elle soit à la hauteur de ce premier tome…
« A l’heure où nous parlons, les néoconservateurs redéfinissent une doctrine stratégique autour de la sécurité. C’est la doctrine de la guerre préventive. Aujourd’hui c’est l’Amérique, demain d’autres puissances vont frapper où et quand ça les arrange. L’Amérique s’isole, et c’est parce qu’elle s’isole qu’elle court le risque de s’aveugler » Difficile de ne pas penser à Israël…
08:29 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd, politique
06/06/2010
Du sang sur Vienne
Du sang sur Vienne
Frank Tallis
10/18 « Grands détectives » n°3983
Vienne, au début du XXe siècle, une atmosphère bien dans la ligne de « L’homme sans qualités » de Musil. L’Empire austro-hongrois est malade de ses divisions entre nationalités. Le pangermanisme prend son essor. Les hommes se tuent en duels pour préserver leur honneur. Le fossé entre classes sociales est immense.
L’auteur est docteur en psychologie, spécialiste des troubles obsessionnels, donc tout à fait habilité à imaginer une série de crimes liés les uns aux autres. Le policier se fait aider par un psychiatre émule du Professeur Freud, en butte au scepticisme…et à l’antisémitisme, ainsi que par une scientifique, adepte de la théorie de Mr Darwin, et qui lui fait profiter des balbutiements de la police scientifique.
Il y a de l’action et des rebondissements. Il y est, beaucoup, question de musique (Mozart), de peinture (Klimt) et, un peu, d’amour, de l’égalité hommes/femmes et de franc-maçonnerie (interdite par l’Empereur Joseph II, qui avait également prescrit que les synagogues soient dissimulées aux regards).
Tout cela permettra de découvrir la « logique » du criminel, et donc de l’arrêter.
Un bon roman policier, intellectuel, avec un vocabulaire qui nécessite parfois un dictionnaire.
« En dépit de notre propension à explorer et à habiter divers milieux naturels -ce qui, inévitablement, a donné lieu à quelques adaptations superficielles –nous restons une seule et même humanité »
« Parmi toutes les créatures terrestres, seul l’homme peut et doit travailler à son amélioration »
09:12 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
30/05/2010
crimes et loges
Le convent du sang
Alain Bauer et Roger Dachez
Editions JC Lattès
Alain Bauer et Roger Dachez possèdent toutes les qualifications pour parler de l’Histoire de la Franc-maçonnerie.
Ils nous entraînent à Lyon, en 1778 (début du règne de Louis XVI), à l’occasion d’une grande réunion (un « convent ») des principaux responsables de la maçonnerie des régions voisines de Lyon.
Des décisions doivent être prises concernant quatre problématiques (et non pas trois points) engageant l’avenir de l’obédience :
1) Faut-il continuer à se réclamer de l’héritage des « Templiers » ? Héritage spirituel controversé puisque condamné à la fois par l’Eglise et par la royauté. Mais fantasme de l’héritage financier (ce que les « Hospitaliers de l’Ordre de Malte » n’ont pas récupéré), qui, encore aujourd’hui, fournit le prétexte à la publication de nombreux romans. Aucune preuve de cette filiation n’ayant jamais été apportée, elle sera donc abandonnée.
2) La maçonnerie doit-elle être « théurgique », c'est-à-dire avoir pour but de susciter des manifestations tangibles d’esprits « supérieurs » ? Le but final étant de « réintégrer » l’homme dans l’immensité divine. Les auteurs moquent ces croyances de dialogues avec l’au-delà. Croyances qui resteront très en vogue au XIXe siècle, même l’immense Victor Hugo se laissant prendre aux délices des esprits frappeurs et guéridons qui tournent.
3) La maçonnerie doit-elle être « révolutionnaire » ? C’est « l’école » des « Illuminés de Bavière », qui luttent contre l’ordre établi, le clergé et les princes, pour l’émancipation, par l’organisation de sociétés secrètes (autre croyance qui perdurera au XIXe siècle).
4) Faut-il se soumettre à la « Grande Loge d’Angleterre », et assurer sa prééminence sur la maçonnerie européenne ? Comme toutes les institutions humaines, la Franc-maçonnerie est l’enjeu de luttes de pouvoirs. Jusqu’aux meurtres ?
Afin de ne pas nous infliger un cours d’Histoire, et de Philosophie, maçonniques, les auteurs habillent ces problématiques d’un roman policier…et, malheureusement, ça ne marche pas !
Pas de suspens, pas de véritable enquête policière sur les morts suspectes qui interviennent à l’occasion du Convent, pas une once de crédibilité. Au final : une déception.
10:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
29/05/2010
Direction l'Afrique du Sud
13 heures
Deon Meyer
Seuil policiers
Bientôt la Coupe du Monde en Afrique du Sud : bon prétexte pour lire des auteurs de ce pays attachant.
J’ai déjà écrit tout le bien que je pense de « Lemmer l’invisible » de Deon Meyer (« Points » n°2290).
Son dernier livre « 13 heures », est encore plus fort : tout commence à 5 heures 36 sur les hauteurs de la ville du Cap : une femme est poursuivie par des tueurs. Elle demande à une passante de prévenir la police, ce qui écourtera la nuit de l’inspecteur Benny Griessel.
Pendant 13 heures, d’où le titre du livre, un véritable suspens se construit, qui nous prend et qui nous tient : le policier parviendra-t-il à sauver la jeune femme, et, accessoirement, qui veut la tuer et pourquoi ?
Comme la police n’a pas que ça à faire, d’autres évènements, d’autres enquêtes, viendront perturber les recherches et l’action du policier, comme parfois les nécessités de la vie nous obligent à poser ce livre que nous ne voudrions pas lâcher.
Comme toujours avec Deon Meyer l’enquête policière est l’occasion de nous montrer l’Afrique du Sud postapartheid « où personne ne veut oublier le passé ». S’il y a des problèmes dans la société entre blancs, anglophones ou afrikaners, métis, noirs, zoulous, xhosas ou d’autres ethnies, comment cela ne se reflèterait-il pas au sein de la police, où doit s’appliquer la « discrimination positive », en attendant l’égalité…
Est évoqué également le problème des immigrés illégaux, qui ne sont pas Nigérians, pour une fois dans un roman sud-africain.
La description du fonctionnement de l’industrie du disque est également intéressante.
« La différence (avec l’enregistrement d’un disque), c’est que dans la vie, il n’y a qu’une prise »
« Elle est tellement énorme que quand elle se pèse, la balance doit afficher « à suivre …»
« Elle était forcément en sécurité avec quelqu’un qui aimait les livres »
« Il y a un autre pouvoir qui est totalement irrésistible…Le pouvoir de donner du pouvoir »
12:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature