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22/08/2010

littérature islandaise

La hache et la terre

 

Olafur Gunnarsson

 

"Prix de littérature islandaise" 2004

 

Editions Gaïa

 

 

XVIe siècle : le roi du Danemark, Christian III, conquiert la Norvège. L'Islande dépendant de la Norvège, même avec une autonomie certaine, Christian se considère roi d'Islande.

En ce siècle de guerres de religion, Christian est partisan de Luther, et impose sa croyance à ses sujets.

Dernier évêque catholique de tous les pays nordiques, Jon Arason refuse de plier devant la domination danoise.

Ce n'est pas seulement un problème religieux : il en va également des droits des Islandais, autrefois respectés par les rois de Norvège. En particulier le droit de décider des affaires du pays, depuis 930, au sein de l'"Althing", "l'Assemblée des hommes libres".    

La question est également économique : les impôts,  les droits de pêche, le droit de commercer le poisson séché avec les Allemands de Hambourg.

Les Islandais ont raison d'être réticents : le monopole commercial octroyé par le roi aux Danois, provoquera la ruine du pays moins de 200 ans plus tard.

Derrière l'affrontement religieux se cache, à peine, la lutte pour le pouvoir politique absolu et la prépondérance économique.

D'autant plus que Christian, à l'instar de son contemporain Henri VIII en Angleterre, considère que, puisqu'il n'y a plus de Pape, il lui revient d'être le chef religieux autant que temporel. "Le roi est l'exécuteur de Dieu sur terre".

Les Islandais espèrent l'aide du catholique Charles Quint, qui a d'autres "chats" à fouetter, et ne semble pas désireux de se créer des problèmes avec le roi du Danemark.

 

Sans vouloir dévoiler la fin du roman, les Islandais, à qui il est destiné en priorité, savent qu'ils ont du attendre 1918 pour retrouver une certaine autonomie à l'égard du Danemark, tout en gardant un "lien personnel" avec le souverain, à l'image des sujets du Commonwealth à l'égard de la reine d'Angleterre, et que ce n'est que l'occupation allemande de 1940 qui a véritablement couper le cordon entre l'Islande et le Danemark.

 

Que faire de prisonniers encombrants ? "La hache et la terre les garderont le mieux" !

La hache pour décapiter et la terre pour ensevelir...

 

 

"Pour gouverner il faut à la fois de l'équité et de la patience, par dessus tout de la patience."

 

"Se réveiller tous les matins pour la guerre, tel est le destin des décideurs."

 

"Deux coqs ne peuvent chanter sur le même pignon"

 

"Pourquoi le Seigneur devrait-il châtier les humains pour la nature qu'Il leur a Lui-même donnée ?"

 

"Tout homme a le dos nu, si d'un frère il n'est pourvu"

 

"Deux fois un vieil homme sera enfant"

 

08:07 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

21/08/2010

la sagesse des fous

La sagesse des fous

 

Einar Karason

 

Points P 2232, collection « Les grands romans »

 

 

Les négociations d’adhésion de l’Islande à l’Union européenne ont commencé : un bon prétexte pour se faire une idée un peu plus précise du pays, à travers sa littérature, au delà de l'irremplaçable commissaire Erlandur, créé par Arnaldur Indridason.

 

Le narrateur raconte l’histoire de sa famille,  une saga qui commence avec le siècle, et donc avec son grand-père, chercheur d’or reconverti, par la force des choses,  en spécialiste ès pièces détachées.

Avec son épouse Solveig, ils eurent sept enfants. Bonne occasion pour une galerie de portraits : deux jumeaux, l’un interné en psychiatrie, l’autre médecin psychiatre, un champion d’athlétisme devenu directeur de banque, deux filles, l’une mariée à un marin pêcheur, l’autre à un pasteur, un « prince de la récup », bien meilleur que son père dans ce domaine, et le père du narrateur, génial touche à tout, plus souvent ruiné que riche.

 

Puis vient la seconde génération, celle des cousin(s), qui prouve qu’il n’y a pas de déterminisme génétique, tant ils divergent dans l’évolution de leurs vies, jusqu’à vivre dans des « mondes » différents, par un « entrecroisement des fils du destin ».

« Bien démuni celui qui n’a pas de frère ! ».

Les fêtes de famille sont des occasions de se retrouver, malgré les tiraillements, généralement dus à des histoires d’argent.

 

La vie politique est à peine évoquée : accord d’indépendance d’avec le Danemark, relations avec les voisins nordiques, la guerre, l’occupation allemande, la présence américaine, ainsi que les « progrès » : le nylon, le tergal, la radio, puis la radio pirate…

Je me souviens, moi aussi, des ces vieux postes radios dont les longueurs d’ondes affichaient des noms de villes lointaines et souvent inconnues qui invitaient à l’évasion dans le vaste monde. Contrairement au narrateur, j’ignorais totalement où pouvait se trouver « Hilversum », et je ne pouvais pas, alors, chercher sur Internet.

 

« Ne te prends jamais en pitié ».

« C’est la vie qui fait l’homme ».

« Vies de souffrances et de chagrins ».

« Néanmoins, la vie vaut la peine d’être vécue ! »

 

La « sagesse de fous » (titre de l’ouvrage) est « celle qui est exprimée par le plus grand nombre ».

 

08:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

14/08/2010

Le piège de Bangkok

Le piège de Bangkok

 

SAS 180

 

Gérard De Villiers

 

Si les marchands d’armes prospèrent, c’est que certains ont besoin d’eux.

Les premiers chapitres contiennent une liste, non exhaustive, de rébellions armées, souvent soutenues par de grandes puissances comme les USA et la Russie.

 

Comme au « bon » vieux temps de la guerre froide, ce roman raconte les manœuvres concurrentes d’agents américains et russes,  pour éviter qu’un marchand d’armes important ne tombe entre les mains de l’autre camp.

La raison d’Etats finira par l’emporter : les USA ont besoin de la complicité, au moins passive, de la Russie dans le conflit afghan.

 

L’auteur connaît manifestement bien Bangkok, et le livre pourrait, accessoirement, servir de guide des meilleurs hôtels, restaurants et centre commerciaux. Je suis tout de même sceptique sur la possibilité d’acheter des chemises hawaïennes chez le très chic Jim Thomson, spécialiste des soieries haut de gamme !

 

Une déception : j’espérais que De Villiers, souvent bien informé, y parlerait de la vie politique interne thaïlandaise, autrement que par le biais de la corruption.

 

Il y a bientôt dix ans que je ne suis pas retourné dans cette ville. J’ai été surpris de lire que le Novotel était devenu le lieu de rencontre des prostituées russes. Et, si j’y retourne un jour, j’ai bien l’intention, non pas d’aller au Novotel, mais,  comme le super héros, d’aller admirer la ville du haut du bar du 64ème étage de la « State Tower ».

08:08 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature

12/08/2010

à propos de l'Iran

Le Shah

 

Ryszard Kapuscinski

 

Flammarion

 

 

Comme la plupart des gens, j’ai découvert Kapuscinski en lisant « Ebène », superbe livre sur l’Afrique.

Son livre sur le Shah d’Iran, écrit  alors qu’il était journaliste dans ce pays, à la fin des années 70, jusqu’en 1980, au moment de la chute du Shah et de l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny, livre publié à Varsovie en 1982 et en France en 1986, était épuisé depuis longtemps.

Très bonne idée de le rééditer.

La description des mécanismes de la dictature, les grandes tendances historiques du pays nous aident à comprendre la situation actuelle.

 

Trois ans après sa mort,  certains lui reprochent d’avoir été plus un romancier qu’un journaliste. C’est faire beaucoup d’honneur aux journalistes que de faire semblant de croire qu’ils recoupent toujours leurs informations, qu’ils ne se contentent pas de quelques témoignages partiels et partiaux. C’est faire beaucoup d’honneur aux romanciers que de faire semblant de croire qu’ils sont toujours passionnants à lire.

Ce livre mêle, pour le plus grand intérêt du lecteur, rappels historiques, témoignages, reportages, réflexions et analyses.

La description de la dictature est aussi impitoyable de celle-ci.

 

Le Shah n’est pas le descendant d’une longue dynastie. Son père, officier ne sachant ni lire ni écrire, a réussi un coup d’Etat avec l’aide de l’Angleterre, et a été obligé, encore par les Anglais,  de laisser la couronne à son fils pour avoir été trop proche des nazis allemands, non sans avoir accumuler une immense fortune en pillant le pays.

Ce sont les Anglais, et les Américains, qui,  pour conserver l’exploitation du pétrole iranien, ont renversé le premier ministre Mossadegh, symbole de la démocratie et de la souveraineté. « Mossadegh peut être destitué de ses fonctions, mais personne ne peut le destituer de l’Histoire ».

 

Le Shah en a tiré la leçon, comme celle de la destitution de son père : il était là pour « tenir » le pays et donc le pétrole.

Il « tient » le pays au prix d’une répression féroce : arrestations arbitraires,  100.000 prisonniers politiques, opposants liquidés sans procès.

 

« Sur le plan social, le pétrole cause peu de soucis, car il n’engendre pas vraiment de prolétariat. Le  gouvernement n’est donc pas obligé d’en partager les revenus, dont il peut disposer à sa guise ». « Le seul et unique trésorier de cette gigantesque manne d’argent sera le Shah en personne. » « La pétro-bourgeoisie est une classe qui ne produit rien. Son unique occupation consiste à consommer sans retenue ».

La même réflexion pourrait être faite pour les émirats pétroliers arabes ou africains.

« Son train de vie, sa manière de gouverner finissent par devenir une provocation. Cela se produit lorsqu’un sentiment d’impunité s’installe parmi l’élite. Tout lui est permis. »

 

Le Shah commande, avec l’argent du pétrole,  des milliers d’équipements civils et militaires, surtout militaires, dont les Iraniens n’ont aucun usage, car le pays manque de techniciens et d’ingénieurs pour les utiliser. Les étudiants préfèrent rester dans les pays où ils ont fait leurs études.

« Personne n’est capable de faire voler les hélicoptères ou conduire les tanks. Cette armée n’est rien d’autre qu’un instrument de terreur intérieure ». Le budget de l’armée est quintuplé, mais il faut 40 000 spécialistes américains pour utiliser les, inutiles,  équipements modernes.

 

Complexé, le Shah portait des chaussures à talonnettes. Et comme tous les hyper complexés, il veut accaparer le pouvoir...et être aimé : « le Shah appartient à cette catégorie de gens qui ont un besoin vital d’être loués, adorés, applaudis. Pour eux, c’est un moyen de surmonter leur faiblesse et leur fragilité ».

 

« Le fait de ne pas connaître son propre pays a contribué à sa perte. Le Shah passait sa vie enfermé dans son palais. Le Shah ne savait pas attendre. Or, en politique, il faut savoir attendre ».

 

Pourquoi les mollahs règnent aujourd’hui ?

« Toute dictature s’accompagne d’une renaissance progressive de traditions, croyances et symboles anciens. » « Le mollah est la voie de leur enfance ».

 « De tous ceux qui ont créé la résistance iranienne, qui ont été ses chefs, qui ont dirigé les fedayin, les moudjahidin et autres groupes de résistance, nul n’a survécu. »

« La révolution a conduit au pouvoir des hommes complètement nouveaux, inconnus du public. Ces nouveaux venus sont plus porteurs d’ambition que de compétences».

« La démocratie devait être soutenue par la majorité, or la majorité voulait ce que Khomeiny voulait, une république islamique. »

 

« Il n’est pas d’absurdité que l’esprit humain ne puisse inventer »

« Nous nous trouvons dans un monde où le droit consiste non pas à protéger l’être humain mais à détruire l’adversaire ».

08:53 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature

08/08/2010

moisson rouge

Moisson rouge

 

Dashiell Hammett

 

Série noire

 

Gallimard et Folio policier n°38

 

 

Réédition d’un grand classique de la littérature « noire », paru aux Etats-Unis en 1929, juste avant la grande crise économique, en pleine prohibition, qui interdisait la vente de l’alcool, ce qui permettait aux gangsters comme Al Capone de faire fortune.

 

L’auteur du « Faucon maltais » invente le personnage du détective privé qui boit comme un trou,  mais tellement intelligent, grâce à son sens logique servi par son sens de l’observation,  et qui, en plus, passe à travers tous les mitraillages quand les cadavres s’accumulent sur son passage.

 

De nombreux auteurs, américains ou non, en particulier français, ont repris cette veine. Jean-Patrick Manchette se réclamait de cette filiation, et les amateurs de San Antonio retrouveront de nombreux traits communs avec leur héros préféré. Sans parler de l’utilisation d’un pic à glace pour un assassinat, idée qui sera reprise…

 

L’obsession de l’argent, et sa toute puissance,  l’absence de morale, la corruption de la police, le cynisme des puissants en font un témoignage passionnant sur la période historique, mais nous interrogent sur celle que nous vivons, tant les similarités dominent les différences.

 

L’action se passe dans « un endroit sinistre », « entre deux montagnes laides entièrement souillées par l’exploitation de la mine ». L’homme qui domine la ville « pour vaincre les mineurs (en grève pendant huit mois) avait dû lâcher la bride aux gros bras. Il leur avait livré la ville et n’était pas assez fort pour la reprendre. »

Le héros va se charger de « nettoyer » celle-ci en utilisant la bonne vieille méthode qui consiste à diviser pour régner, à dresser les uns contre les autres.

Mais sans illusion : une fois les têtes tombées, d’autres vont probablement apparaître, puisque le système reste inchangé.

Et tout cela à un rythme frénétique.

08:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature