04/03/2016
Au coeur du problème libyen
Au coeur de la Libye de Kadhafi
Patrick Haimzadeh
éditions Lattes
Cinq ans que le dictateur a été chassé, et la situation est encore confuse. Le pays est géographiquement divisé. Pas étonnant, "aucune tradition étatique". Déjà au moment de l'Antiquité, l'ouest relevait de Carthage et l'est d'Alexandrie. La Cyrénaïque releva de l'Egypte au moins jusqu'en 1798. En 1949, l'émir Idriss proclama l'indépendance de la Cyrénaïque sans même informer la Tripolitaine.
Kadhafi a tenu le pays plus de 40 ans. Ses méthodes : le clientélisme dans la répartition de la rente pétrolière (90% des revenus du pays)...et le recours à la violence pour parvenir à ses fins. "La rétribution en échange de l'allégeance." Le vent de la révolte s'est levé quand ses fils sont devenus des super prédateurs. La révolte ne s'est pas faite contre le clientélisme, mais pour une meilleure répartition entre les différents clans. Autre prédateurs : les services sécuritaires, presque exclusivement embauchés dans les tribus de l'ouest...alors que le pétrole est à l'est. D'où une autre source de mécontentement.
Le tournant "libéral" a démantelé le système de redistribution. Les privatisations se sont faites au profit des bénéficiaires proches du système politico-mafieux familial, provoquant des mécontentement des autres cercles du pouvoir. Les subventions au profit des produits de base ont été drastiquement diminuées, provoquant le mécontentement des couches populaires. La tribu est redevenu le réseau de solidarité indispensable à la survie. Cette solidarité tribale a joué un grand rôle pour faire face à la répression.
Les enrichissements ostentatoires contrastaient avec les difficultés économiques et sociales.
"La culture traditionnelle de la négociation et du compromis a toujours été présente."
08:39 Publié dans Affaires étrangères | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : libye
03/03/2016
Le cardinal des plaisirs
Bernis
Le cardinal des plaisirs
Jean-Marie Rouart
de l'Académie française
éditions Gallimard
"Il lui manquait la rapacité des arrivistes de haut vol" "Qu'est ce qui demeure de la réussite quand on a laissé échapper le bonheur ?"
Habité de "la douce passion des femmes", il considère qu'il est possible d'"être voluptueux sans être irréligieux ".
"Dans les heures lentes et inoccupées de l'âge canonique , quand on commence à emprunter le chemin du renoncement ; on ne va plus au bureau ; la question des femmes a perdu de son actualité ; l'ambition ne vous tourmente plus."
Sans le sou, le petit noble languedocien "part à la conquête des salons.""Des femmes et des amis constituaient son seul capital." "Les salons, lieu de brassage intense. Ce sont les femmes qui les dirigent." "La galanterie est le passe-temps favori de ces dames. Elles y trouvent le piquant qui manque à leur existence oisive et fade." Favori de la favorite, il est nommé ambassadeur à Venise. "Il montre une grande application dans son travail diplomatique qui ne péchera jamais ni par le dilettantisme ni par l'amateurisme." A Venise, il rencontre Casanova. "Ce rendez-vous va asseoir leur légende dans les annales du libertinage ." En France, seule l'aristocratie a tendance à se dévergonder. A Venise aucune catégorie sociale n'est épargnée."
Il est chargé du renversement d'alliances de la France. L'Autriche, notre ennemi depuis trois siècles, devient notre alliée, contre l'Angleterre et la Prusse. Bernis est chargé de la négociation...qui allait aboutir à la désastreuse guerre de Sept ans dont le résultat sera la perte de notre empire colonial.
Il devient ministre des affaires étrangères, puis principal ministre("le titre de premier ministre fait peur au roi"). A 42 ans, il est ministre d'Etat, pourvu d'une abbaye. "Il ne veut que la fin de la politique belliqueuse de Mme de Pompadour, pour sauver les finances de la banqueroute." Il est remplacé par son "ami" Choiseul qui, au moins autant que lui, "aime le beau sexe à la folie". "Prodigieusement intelligent. Infatigable pour faire travailler les autres. Cynique."
En compensation, Bernis reçoit le chapeau de cardinal, archevêque d'Albi. Il a 43 ans. "Sa passion des femmes ne s'est pas éteinte." "Il fut disgracié pour avoir parlé de paix" dira Frederic II.
Cardinal, il doit se rendre à Rome pour l'élection d'un pape. "Il approchait de la soixantaine. Il a trouvé à Rome des voluptés." "Eternel amoureux, il s'enflamme pour une jeune femme de 24 ans, la princesse de Santa-Croce, l'une des plus jolies femmes de Rome."
Puis vient la Révolution. La confiscation des biens de l'Eglise le ruine. Il survit grâce à une pension de la Cour d'Espagne.
Dernier coup de foudre : la duchesse de Polignac, la ravissante amie de Marie-Antoinette. Il a 75 ans, elle en a 40. "Elle le maintient dans la fièvre de l'espoir."
"C'est tout le charme vénéneux de la politique d'être rarement raisonnable."
08:08 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
02/03/2016
Nouvelle encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies
La planète des sages 2
Dessin : Jul. Textes : Charles Pépin
Couleurs : Zar Amir-Ebrahimi
éditions Dargaud
Aussi bon que le premier tome. Si vous ne connaissez pas, les deux tomes peuvent être lus dans le désordre...et vous aurez envie de lire le premier.
Pédagogique et drôle. Probablement insuffisant pour le BAC philo, mais cela peut être un bon complément. Ou une motivation pour aller plus loin.
A droite le texte, généralement tout à fait compréhensible. A gauche, une petite bande dessinée ironique de Jul., le créateur de "Silex and the City".
Socrate : "son ironie était un pari sur l'intelligence de l'autre."
Adam Smith : "le premier à légitimer l'intervention de l'Etat pour corriger les déficiences du marché."
Cioran : "J'ai connu toutes les déchéances, y compris le succès."
Beauvoir : "Le deuxième sexe a été interdit par le Vatican."
Judith Butler : "le genre n'est pas déterminé par le sexe biologique mais par une identité sociale apprise et répétée".
Camus : "le sentiment de révolte devant l'injustice du monde égale, en intensité, celui de l'émerveillement devant sa beauté insensée".
Marc Aurèle : "Mon Dieu, donne-moi le courage d'accepter ce que je ne peux pas changer et la force de changer ce qui peut l'être, ainsi que la sagesse de distinguer l'un de l'autre."
Presque cent pages délectables vous attendent .
08:45 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, philo
29/02/2016
L'Europe se désintègre ?
L'éditorial du journal "Le Monde" d'aujourd'hui explique que nous sommes à un moment historique, et que l'Histoire racontera que l'Europe s'est désintégrée à cause de la crise des migrants.
La triste réalité est que la "communauté" européenne, devenue "union", est d'abord un marché "commun", devenu "unique", dont la monnaie commune n'est qu'un des instruments. Marché au sein duquel la concurrence sera faussée tant que les politiques fiscales ne seront pas convergentes et que certains pays pourront continuer leur dumping, en particulier dans la fiscalité des entreprises. Ce grand marché survivra à bien des crises, y compris celle des migrants. Il est supposé favoriser la croissance et l'emploi. Je le crois, et je ne serais pas partisan de faire le pari inverse. Dans l'histoire, le protectionnisme n'a jamais été facteur de développement et de prospérité.
La libre circulation des personnes est venue, et vient encore, bien après la libre circulation des marchandises et des capitaux. Les pays qui n'ont pas adhéré à Schengen, ou qui aujourd'hui refusent d'en appliquer les règles, montrent clairement leur conception de "l'Union". Les concessions faites à Mr Cameron vont également dans ce sens.
Il ne faut pas être injuste. L'Union européenne n'est pas seulement un marché unique. C'est également un guichet de distribution de subventions. La crise agricole actuelle en est une nouvelle preuve : pour que nos paysans puissent vivre de leur travail, il faut payer leurs productions au dessus du prix du marché. Qui doit payer ? L'Europe ! Mais comme l'Union européenne n'a pas de ressources budgétaires propres...Et les pays membres contributeurs veulent, selon la célèbre formule de madame Tatcher, leur "money back".
Que peut faire l'Union européenne face à la crise des migrants ? Ce qu'elle fait toujours dans les affaires du monde : de l'humanitaire ! Avec une très faible visibilité puisque cette action humanitaire passe par les agences onusiennes et les ONG. C'est ce qu'elle fait pour les réfugiés syriens en Jordanie, au Liban, en Turquie. C'est ce qu'elle a commencé à faire en Grèce et en Italie. Demain à Calais ?
08:01 Publié dans EUROPE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, migrants
27/02/2016
Après la guerre
Après la guerre
Hervé Le Cor
éditions Payot / Rivages / Noir n°983
Après la guerre, la deuxième mondiale, à Bordeaux. "Les ports sont des lieux de désordre et d'intranquillité."
Il y a Jean, le père, rescapé d'un camp de concentration. Il revient avec des idées de vengeance.
Il y a Daniel, le fils qui a l'âge pour partir faire son service militaire dans une guerre coloniale qui n'est pas la sienne. "L'Algérie en train de remodeler le peuple français autour d'un ennemi commun cerné par tout un vocabulaire assassin : le frisé, le bronzé, le bicot, le crouille, le raton."
Il y a le flic pourri, sans scrupule, prêt à tout. "L'infamie des flics français. Après avoir raflé les Juifs et traqué les résistants, au service du Maréchal et de la Gestapo, ils se sentaient tout soudain l'âme républicaine et se pressaient tout soudain dans les couloirs de la préfecture en bras de chemise, brassards tricolores au biceps, pour offrir leurs services à ceux qu'ils avaient pourchassés pendant quatre ans. Et on avait envie d'y croire. Les gens, ils veulent oublier toute cette merde."
Au total, un polar noir aux nombreux cadavres, dans l'atmosphère des années 50, avec un engagement politique assez clairement marqué.
"Quelques collabos déjà recasés sur qui l'épuration passera, plus tard, comme un nuage insignifiant, à peine une ombre : vraies ordures, faux résistants, flics, préfets, chefs de cabinet qui ont organisé les rafles, contresigné les demandes d'arrestations, outrepassé et anticipé les ordres boches mais ont senti le vent tourner en 43 et se sont inventé des actes de bravoure et fabriqué des alibis, ont sauvé utilement quelques Juifs et gardé traces de cet héroïsme pour le moment venu."
"Après le bourgeois, l'alcool est le pire ennemi de l'ouvrier. Son poison familier. Un des opium qui tiennent le peuple hébété dans sa misère."
"Il suffira d'utiliser la presse, bonne fille qui se laisse faire tous les bâtards qu'on veut"
"Quand on est flic, il faut être un sentimental : envisager toutes les passions, n'en éprouver aucune."
"Il faut aimer les vivants parce que les morts s'en foutent et vous laissent tout le restant de vos jours avec vos remords et votre chagrin."
"C'était un temps déraisonnable , on avait mis les morts à table, on faisait des châteaux de sable, on prenait les loups pour des chiens, tout changeait de pôle et d'épaule, la pièce était-elle ou non drôle ? moi si j'y tenais mal mon rôle, c'était de n'y comprendre rien" (Aragon)
16:01 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar