08/05/2014
Jospin tire les leçons du bonapartisme
Lionel Jospin
Éditions du Seuil
Je n'ai jamais aimé Napoléon : pas républicain, pas démocrate non plus, méprisant pour la vie de ses hommes, despote mais habile propagandiste. "Prébendier à l'intérieur, prédateur à l'extérieur". Pour lui, "le peuple est une force qu'il faut séduire par la propagande ou dompter".
Sa gloire continue aujourd'hui encore et, pire, certaines forces politiques continuent à souhaiter un homme (ou une femme) providentiel et un régime "fort", hyper centralisé, dans lequel il n'est demandé au peuple que d'approuver les décisions du "Guide".
Lionel Jospin, en se basant sur son expérience de l'exercice du pouvoir, trace à grands traits les quinze années de Napoléon Bonaparte, puis les aléas du "bonapartisme", en débouchant sur le "populisme" d'aujourd'hui, "ce bonapartisme sans Bonaparte". Ces aspects du passé éclairent le présent. "La fortune du bonapartisme se nourrit toujours de la faiblesse de la République".
Lionel Jospin décrit Napoléon Bonaparte : "un soldat passionné, impérieux, impatient et qui ne supporte pas l'opposition ; qui a "la volonté d'avoir le pays tout entier sous contrôle au moment de faire la guerre".
"Napoléon, en quinze ans, ne contribue pas décisivement au développement économique de la France, parce que sa première préoccupation n'est pas l'économie mais la guerre."
Dix-huit ans après l'abolition "pour toujours" de la noblesse héréditaire, l'ancienne et la nouvelle noblesse sont à nouveau dites "héréditaires". En 1814, la République ne renaît pas parce que l'idée en a été ruinée en France par l'Empire et son rêve dynastique."
"Pour ceux qui cherchent à estimer si une telle épopée a servi les intérêts de la France, la réponse est clairement non."
"Pour la France, c'est au minimum 600 000 hommes qui ne reviendront pas de la guerre."
"La France avait de remarquables atouts pour être la première puissance du XIXe siècle. Avec l'Empire, elle les gâche".
À propos du "second Empire", Lionel Jospin donne la "trame du bonapartisme : nature dictatoriale du pouvoir, répression des opposants, utilisation de la police à des fins politiques, manipulation de l'opinion par la propagande, centralisation de l'État, recherche de la gloire extérieure."
16:29 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jospin, bonapartisme
07/05/2014
Prix de la BD historique
Scénario : Wilfrid Lupano, Dessin et couleur : Jérémie Moreau
Éditions Delcourt
Une demi-douzaine de prix en France et à l'étranger, dont le "prix de la bande dessinée historique".
1814 : un navire français fait naufrage. Les villageois d'Hartlepool retrouvent un survivant. Il porte un uniforme français. C'est donc un ennemi qu'il faut prendre. Une cour martiale est improvisée pour prononcer un jugement.
L'accusé est-il Français ? Il ne répond rien... puisque c'est un singe, la mascotte de l'équipage. Mais les villageois n'ont jamais vu de Français, ni de singe !
Il est forcément coupable puisqu'il vient d'ailleurs, qu'il est impossible de comprendre les sons qu'il émet. Il sera donc pendu !
Un peu dramatique, mais avec assez d'humour pour faire passer le message :
Le racisme est basé sur l'ignorance !
Avec une mise en garde "contre le penchant naturel à la cruauté qui sommeille en chacun de nous", même si j'ai l'impression que, chez moi, il dort assez profondément...
11:13 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd
06/05/2014
Le génocide en Biélorussie et en Ukraine
Martin Dean
Éditions Calmann-Lévy
Ce que démontre ce livre de l'historien américain Martin Dean, c'est que le génocide des Juifs en Ukraine et en Biélorussie n'aurait jamais pu revêtir cette ampleur (deux millions d'assassinats) sans la participation active des policiers locaux qui épaulaient les forces allemandes d'occupation.
Difficile de ne pas penser aux rôles de certains fonctionnaires français, de certains policiers et gendarmes dans notre pays...
"Lorsque la plupart des crimes sont commis par la police, c'est le signe même du règne de la terreur".
Beaucoup d'habitants d'Ukraine, de Biélorussie, mais aussi de Pologne, n'étaient pas mécontents de voir arriver les Allemands, car ils espéraient ainsi être débarrassés du joug soviétique. Certains allèrent même jusqu'à collaborer activement. "Comme toutes les forces d'occupation ou presque, en recourant à l'argent et aux faveurs, les Allemands purent trouver des collaborateurs."
"Les nazis ne prêtèrent pas attention aux aspirations des peuples conquis de l'Union soviétique".
"L'impact des réquisitions allemandes contribua au retournement d'une grande partie de la population contre les nouvelles forces d'occupation." "L'exploitation économique, associée à la répression politique détermina le retournement contre les occupants allemands."
"Les Polonais étaient la cible principale de la répression soviétique".
Les Juifs polonais étaient pris entre la dictature soviétique et la dictature antisémite allemande.
"Les deux systèmes totalitaires cherchaient à écraser l'éventuelle résistance des vestiges de l'Etat polonais".
"Ce fut la rude politique soviétique de déportations qui contribua à éviter aux Juifs polonais le sort de leurs frères dans la Shoah."
"Dans les premiers jours de l'occupation allemande, l'incitation aux pogroms fut une politique délibérée."
A l'automne 1941, les massacres furent généralisés. Les plus terribles furent ceux de Kiev (Babi Yar, 30.000 morts, y compris femmes et enfants) et la liquidation du ghetto de Riga (25 000 morts).
Les policiers locaux jouèrent "un rôle considérable dans le fonctionnement du régime d'occupation allemand". "Ils recherchaient le pouvoir et des gains faciles".
"Les Allemands comptaient sur les policiers locaux parce qu'ils ne connaissaient ni le pays, ni la langue".
"La majorité des Juifs furent massacrés pendant la "seconde vague", en 1942, lors de la liquidation des ghettos." "Les forces les plus nombreuses étaient celles de la police locale". "On ne connait aucun exemple de policier fusillé pour avoir refusé d'abattre des Juifs". "Plusieurs milliers de rescapés des ghettos liquidés furent massacrés par des partisans nationalistes ukrainiens."
"La campagne contre les Juifs ne s'acheva pas avec la liquidation des ghettos. Les Juifs furent traqués dans les forêts par la police locale, notamment les gardes forestiers." "Les exemples de dénonciation abondent". "Les volontaires ne manquèrent pas pour "la chasse aux Juifs", et la constitution des pelotons d'exécution".
"Mais, sans l'aide de non-Juifs, les Juifs n'auraient pas pu organiser leur propre résistance."
Lors de l'avancée des troupes russes, "la plupart des anciens policiers désertèrent ou se rendirent sans combattre". "Presque tous les sous-officiers réussirent à s'échapper". "La justice soviétique s'en prenait en général aux moins coupables, à ceux qui n'avaient pas jugé nécessaire de fuir à l'Ouest."
"La participation locale n'atténue en rien la responsabilité nazie."
15:59 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : shoah, ukraine
05/05/2014
57% des Français souhaitent que l'Union européenne intervienne davantage dans le domaine de l'emploi
Le sondage paru ce matin dans Libération montre qu'une majorité de Français souhaiterait que l'Union européenne intervienne plus dans le domaine de l'emploi.
Il y a un peu plus de trente-trois ans, quand j'ai commencé à travailler au groupe socialiste du Parlement européen, ma première fonction était d'assurer le secrétariat d'un groupe de travail sur l'emploi, présidé par Jacques Delors, alors député européen.
Sur mes bulletins de salaire figurait un "prélèvement exceptionnel de crise". Depuis, la crise n'a pas disparu, et le prélèvement a changé de nom, sans jamais cesser.
Chacun se souvient qu'en 1981, Jacques Delors, ministre des finances, et Pierre Mauroy, Premier ministre, ont mené une politique de relance. Mais personne n'a oublié que, la France étant dans une économie ouverte, nos voisins en ont largement profité. Certains "visiteurs du soir" du Président Mitterrand préconisaient de sortir du "Serpent Monétaire Européen" (il n'y avait pas encore l'Euro). Un repli de la France à l'intérieur de ses frontières aurait été aussi catastrophique alors qu'aujourd'hui.
Quand je suis devenu Secrétaire général du Parti des Socialistes Européens, la préoccupation première, et obsessionnelle, de nos Premiers ministres socialistes et sociaux-démocrates, et de nos leaders, était l'emploi. Ils ont travaillé de façon concertée. En particulier, je m'en souviens très bien, lorsqu'une crise venue d'Asie menaçait l'économie mondiale. En concertation avec Bill Clinton, alors Président des USA.
Peut-être faut-il rappeler le bilan du Premier ministre d'alors, Lionel Jospin ? Une dette réduite, le respect des critères européens de convergence, avec un million de chômeurs en moins !
Quand, il y a deux ans, le lendemain de la victoire de François Hollande, je suis allé à Washington, j'ai pu mesurer l'espoir de l'équipe du Président Obama. Son souhait était celui d'une politique de relance européenne, et son espoir était que François Hollande puisse l'impulser face aux conservateurs de droite.
Cette politique de relance, appliquée par Obama et son équipe, s'inspire de principes bien connus depuis la crise de 1929 : investir en temps de crise et non pas couper dans les dépenses. Elle a fonctionné aux USA, et aurait incontestablement encore mieux réussi, si l'Union européenne avait suivi la même voie.
14:18 Publié dans EUROPE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe
04/05/2014
Bernie Gunther à Prague avec Heydrich
Prague fatale
Philip Kerr
Editions du Masque
Juin 1942 : le héros de Philip Kerr, Bernie Gunther, est à Berlin, de retour du front de l’Est, où il a été témoin des horreurs que les « Einsatzgruppen » font subir aux populations, en particulier juives (un million de morts entre 40 et 43). « Le stoïcisme avec lequel les Juifs subissaient leur sort ne manquait pas d’impressionner jusqu’aux nazis les plus fanatiques ».
Bien que Stalingrad soit encore à venir, Berlin vit au rythme du black-out (« bénédiction pour les violeurs »), du rationnement, de la peur de la Gestapo.
Bernie est capitaine à la police criminelle, service qui a été regroupé avec la Gestapo et le SD (Sicherheit Dienst, service de sécurité) sous la responsabilité de Reinhard Heydrich qui vient d’être nommé « Protecteur » de Bohème-Moravie (l’actuelle république tchèque ; Heydrich sera surnommé « le bourreau de Prague »), rattachée à la « Grande Allemagne ».
Heydrich le fait venir à Prague pour en faire son « policier personnel ». Il le charge d’enquêter sur la mort d’un de ses assistants, en lui donnant carte blanche. Kerr se fait plaisir en imaginant Bernie, effronté, bousculant de hauts dignitaires nazis en toute impunité. Ce qui me semble peu vraisemblable.
Bernie est à Prague avec une ravissante jeune femme rencontrée dans des circonstances trop troubles pour ne pas être suspectes. « Elle avait une silhouette comme une flûte de charmeur de serpent ».
La dernière fois que j’ai parlé d’Heydrich dans ce blog, c’était à propos du livre de Laurent Binet HHhH (Himmlers Hirn heisst Heydrich : le cerveau de Himmler s’appelle Heydrich). Kerr nous présente au contraire deux hommes en concurrence auprès d’Hitler. L’Histoire raconte qu’Heydrich se remettait assez bien de l’attentat dont il avait été victime, quand une infection soudaine l’emporta. Kerr laisse entendre qu’Himmler l’aurait fait empoisonner (« Heydrich soupçonnait Himmler de chercher à l’assassiner »). Pour cette raison, l’épouse d’Heydrich, pourtant nazie fervente, refusa d’assister aux obsèques nationales de son mari.
« Ce sont les rouages qui grincent le plus qui reçoivent le plus d’huile »
« Il n’y a pas pire imbécile qu’un imbécile amoureux »
12:32 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature