31/10/2009
la couleur de la peau
La couleur de la peau
Ramon Diaz-Eterovic
Editions Métaillé, noir
La littérature policière est pleine de ces détectives privés, à la cinquantaine froissée, buvant et fumant trop, traînant des nuits entières dans les bars, seuls malgré leurs succès auprès des femmes, fauché car plus préoccupé d'éthique que de rentabilité.
"La solitude m'a pris dans ses bras et je n'ai rien fait pour échapper à ses caresses".
L'originalité de celui-ci, à part d'être chilien, est d'avoir pour conscience un chat blanc répondant au nom de Simenon, et, comme le prouve ce choix, d'être imbibé de littérature européenne, en particulier française.
Mélancolique, "découragé comme un cheval qui a perdu trop de courses", il enquête sur la disparition d'un Péruvien sans papiers, à la demande du frère de celui-ci.
Mais qui se préoccupe de la disparition d'un sans papiers ? A peine le lecteur qui découvre que le racisme, la xénophobie, le mépris social, ne sont pas l'exclusivité de l'Europe. L'antagonisme séculaire entre le Chili et le Pérou, la guerre de 1879, expliquent moins que des réactions qui ne sont, malheureusement, pas l'apanage du Front National, à l'égard de ceux qui fuient la pauvreté pour chercher du travail et, parfois, tombe dans la délinquance. "La plupart se font exploiter et bossent pour un salaire de misère". "Donner de l'importance à la couleur de la peau ne nous amènera rien de bon".
Son enquête croise la route de SDF ("pauvres clochards, observateurs involontaires d'une société sans pitié"), et d'un tripot de jeux clandestins.
Le tout raconté avec subtilité et un humour distancié.
"A ton âge, tu devrais savoir que la chatte la plus réservée sort ses griffes à la moindre provocation"
"Il n'y a pas d'heure pour la mémoire, cette vieille traîtresse. A la moindre négligence elle remplit tes poches de mots et de souvenirs."
"La vie est plus facile si on ne parle pas de religion, de politique ou de foot."
"J'ai probablement vécu les deux tiers de ma vie. Il me reste donc le dernier tiers, à coup sûr le plus difficile, celui de la lassitude et des adieux"
"Je n'avais pas besoin d'un médecin pour reconnaître que je vieillissais, et que la vie commençait à me présenter ses factures avec l'insistance d'un usurier".
"La stupidité, vieille comme le monde, de croire qu'un nom, la grosseur d'un portefeuille ou la race fait de vous un être supérieur".
08:09 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature
25/10/2009
Silex and the city
Silex and the city
Jul
Editions Dargaud
"Toute la planète semble obéir aux lois de la sélection naturelle...toute ? Non, une vallée résiste, encore et toujours".
Hommage à Astérix, référence à une série télévisée américaine, et surtout parodie de la famille "Pierrafeu", avec des anachronismes comparables : la ZEP est une "Zone d'Evolution Prioritaire" ("Il est dégraissé votre mammouth ?"), EDF, Energie Du Feu, le MLF, "Mouvement de Libération du Feu.
Avec la famille "Dotcom" (Blog, Spam, Web et URL), nous vivons une campagne électorale, avec des candidats représentants les "minorités visibles", des "alter-darwinistes", des "dolto-sapiens", avec les slogans de l'époque : "évoluer + pour gagner +", "Pour une évolution soutenable", ou "Pour une évolution tranquille", des pacifistes qui disent "Non à la guerre du feu", et un appel à la mobilisation car "si tu ne t'occupes pas du paléolithique, le paléolithique s'occupera de toi".
"Chasse, pêche, nature et traditions" était, bien entendu, déjà présent dans la campagne...électorale !
Et tout cela dessiné par Jul, de "Charlie Hebdo".
08:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bd
24/10/2009
Le bibliothécaire
Le bibliothécaire
Larry Beinhart
Grand prix de littérature policière 2006
Folio policier n°466
Depuis Millenium c'est le premier livre qui m'a fait oublier d'éteindre la lumière pour profiter d'un indispensable et réparateur sommeil.
Il faut quelques pages pour mettre en place l'intrigue, puis le suspens devient assez intense.
Roman policier, mais aussi livre très politique. Bush n'est pas cité. Dans le roman le Président s'appelle Scott, mais il est impossible de se tromper à la description de ce fils à papa, va-t-en guerre mais planqué, alcoolique devenu ultra du christianisme, par électoralisme.
Les critiques contre l'administration "républicaine" américaine sont sévères, mais justifiées : les lois liberticides, au nom de la lutte contre le terrorisme, les élections transformées en "reality show" ("Une campagne présidentielle, aujourd'hui, se résume à ce que vaut le candidat à la télévision" ; "la manière dont les choses apparaissent à l'écran est devenue la clef du pouvoir"), les allégements d'impôts pour les plus riches, "pour transférer les charges sur les classes moyennes et laborieuses" (ce n'est pas en France que notre Président ferait ça...), le transfert des charges du budget fédéral sur le budgets de Etats (comme si, chez nous, les dépenses sociales étaient transférées aux collectivités locales, dont les impôts ne sont pas progressifs, et ne tiennent pas compte des revenus), les médias aux ordres des annonceurs ("C'est inouï la vitesse à laquelle on peut saturer les médias, les faire fonctionner en meute, leur faire reprendre tous en chœur la même chanson" ; "La capacité d'un journaliste à survivre et à prospérer dans une des grandes sociétés qui servent les informations à la télévision sous forme ludo-éducative est directement liée au potentiel d'auto-aveuglement dudit journaliste", la victoire volée en Floride, avec l'aide d'une Cour suprême majoritairement nommée par les Présidents réactionnaires
L'intrigue est simple : pour maintenir au pouvoir le Président qui défend leurs intérêts, des hommes sont prêts à tout, vraiment à tout (y compris à jouer le jeu des provocations pour entraîner un reflexe sécuritaire, air connu en France également), et ils ont de l'argent pour cela.
Pour eux la politique n'est qu'une branche des affaires, pour gagner encore plus d'argent.
Il décide donc d'éliminer le bibliothécaire embauché par l'un d'eux, pour classer ses papiers, et donc susceptible d'avoir découvert des secrets inavouables.
Les méchants sont de vrais cauchemars, qui prétendent représenter le Bien, mais les gentils apprennent vite à ne pas se laisser faire.
"Jurant comme un matelot qui vient d'apprendre que son brûlant accès de chtouille appartient à une nouvelle variété incurable"
"C'était aussi bon qu'une phrase d'Hemingway, à l'époque où il était bon"
"C'était une manière de me défendre contre l'impression que la gauche était en pleine déconfiture, que les porte-parole de la gauche ne savaient plus s'exprimer qu'en charabia."
"Ca ne représente aucun intérêt d'avoir raison si l'on est pas capable de convaincre les autres"
"Il y a une chose qui ne se justifie jamais, c'est le manque d'intelligence. Il est immoral de rester ignorant alors qu'on aurait pu être lucide"
"L'Histoire ce n'est pas une suite d'évènements, c'est leur description"
"L'essence du gouvernement, c'est le pouvoir ; et le pouvoir se trouvant nécessairement dans des mains humaines, il sera toujours susceptibles d'abus"
"La vertu est plus à craindre que le vice, car ses excès ne sont pas soumis aux prescriptions de la conscience" (Adam Smith)
"Faire ce qu'on veut vraiment, au moins une fois de temps en temps, voilà le secret de la vie"
08:42 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
18/10/2009
Madame désire ?
Madame désire ?
Grégory Mardon
Editions "Fluide glamour"
Les célèbres éditions "Fluide glacial" ont lancé une collection spécialisée "glamour".
Honnêtement cet album est plus proche du "hard" que du "glamour". Même si les pages les plus "crues" sont fermées et doivent être ouvertes au coupe papier, comme les livres d'autrefois, cet album n'est pas à laisser entre toutes les mains.
Deux jeunes gens à bicyclette, profitant des premiers congés payés, arrachés par le Front populaire, se retrouvent dans un château perdu dans la forêt, où une méprise leur permet de se faire passer pour les domestiques attendus.
Le maître de maison est absent. Aucun des fantasmes sur les relations possibles entre la marquise et ses domestiques ne sont oubliés, mais depuis "L'amant de Lady Chaterlay"...
Supposé être "de gauche" puisque le marquis y est caricatural et que quelques phrases du dialogue rappellent la condition prolétaire, le scénario est surtout prétexte à scènes de "galanterie".
Album en "noir et blanc", dans tous les sens du terme !
09:04 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : litérature, bd
10/10/2009
Tokyo
Tokyo
Mo Hayder
Pocket n°12844
Sur les couvertures de ses livres son nom est écrit quatre fois plus gros que le titre de l'ouvrage : un signe qui ne trompe pas sur la notoriété de l'auteur(e).
Je me suis donc senti obligé de découvrir l'œuvre de cette anglaise blonde aux yeux bleus.
Ma spécialiste des "thrillers" m'a conseillé Tokyo, lauréat du prix SNCF du polar européen, prix des lectrices d'ELLE, et qui figure dans la sélection "100 polars" de la FNAC.
Ce livre est écrit à la première personne, mais il y a deux "premières personnes", dont les histoires se rejoignent : d'une part une jeune femme, anglaise, qui arrive à Tokyo pour faire des recherches historiques qui l'obsèdent, et travaille, pour survivre, comme "hôtesse" dans un club, et d'autre part un lettré chinois qui raconte l'angoisse devant l'arrivée des envahisseurs japonais, à Nankin, en décembre 1937 (300.000 morts, niés par de nombreux historiens japonais.
Le lecteur est conduit, doucement mais surement, vers le double suspens, intense, des cent dernières pages, avec une phrase finale qui n'est pas franchement optimiste : "en ce monde aucun de nous n'en a pour très longtemps".
Remarque : je n'ai pas trouvé dans ce livre, qui ne manque pas de tendresse(s), la moindre trace d'humour, même macabre.
Questions :
Comment peut-on imaginer des choses pareilles ?
Comment de telles horreurs peuvent-elles être inspirées par des faits réels ?
Jusqu'au l'être humain est-il prêt à aller dans son pacte faustien à la recherche de l'immortalité ?
"Il n'y a rien d'autre que la superstition pour éclairer les errements de notre monde"
"La patience transforme la feuille de mûrier en soie"
"Le Japon et la Chine avaient en commun d'avoir traversé des années où les seules protéines accessibles au peuple étaient celles des cocons de vers à soie"
"On mange d'abord avec les yeux" (proverbe japonais)
08:30 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature