21/05/2011
Mirabeau et Marie-Antoinette
L'entrevue de Saint-Cloud
La rencontre qui aurait pu changer le cours de l'Histoire
Harold Cobert
Editions Héloïse d'Ormesson
Cobert a consacré sa thèse à Mirabeau. Et il tombe dans la tentation de réécrire l'Histoire !
Que se serait-il passé si, le 3 juillet 1790, Mirabeau avait convaincu Marie-Antoinette ?
"Précéder les évènements, les provoquer, et non plus les subir".
Mirabeau, aidé de Marie-Antoinette, aurait-il sauvé le trône ?
Propos un peu vain, car la Reine était ce qu'elle était, avec son éducation autrichienne et impériale.
"Les peuples ont toujours eu besoin de boucs émissaires".
Ce petit livre nous plonge dans un moment particulièrement passionnant de l'Histoire de notre pays, à travers les personnalités de Marie-Antoinette et de Mirabeau. "S'il est payé pour ses avis, il n'est pas un vendu". Il est "le défenseur du pouvoir monarchique réglé par les lois". (Monarchie constitutionnelle). "L'homme du rétablissement de l'ordre, et non du retour à l'ordre ancien".
"Mirabeau ne s'était vautré corps et âme dans la débauche que pour conjurer les stigmates de sa laideur, elle ne s'était jetée dans l'étourdissement perpétuels des bals et des fêtes que pour combler le vide de son cœur et de sa chair inassouvie".
"Le temps, la fatalité n'en accorde jamais..."
"L'opinion est désormais le seul fondement durable de tout pouvoir"
"On est jamais sensible qu'à son propre malheur...ou victime de son propre apitoiement ! "
"On a l'âge de ses blessures"
"Que valent les meilleures convictions, contre l'argent, la gloire, le pouvoir ?"
08:41 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
19/05/2011
Une université post 68
Vincennes
Bruno Tessarech
Editions Nil, collection "Les affranchis"
Tessarech écrit à "la camarade Vincennes", cette université née à l'automne 68, "résultat d'amours hâtives entre hauts fonctionnaires et courbe démographique, au lendemain d'une cuite comateuse de la classe dirigeante".
"Ton lyrisme révolutionnaire était la séduction même". "Ce qui te faisait vibrer avait plus fière allure que les congrès de la SFIO et du Parti communiste, ou les embouteillages de week-end". "Les causes difficiles sont les seules qui importent".
"Nous redécouvrions le ressort de toute transmission intellectuelle : le respect pour un maître". Vincennes ne nous a pas donné un maître, mais plusieurs. "Tu ne nous poussas jamais dans les bras du moindre maître". "Chacun fut unique en son genre". "Tous nous ont appris à penser, c'est-à-dire à concevoir autant qu'à dire non, ce qui est le vrai mouvement de l'esprit." "Ce que j'ai aimé, ce sont ces mélanges".
Tessarech fréquentait les départements de sociologie et de philosophie (Deleuze, Lyotard, Châtelet, "le seul professeur de philosophie capable de se moquer de la philosophie des professeurs, car il les dominait tous", Foucault, Lacan et Judith Miller, Lapassade, Schérer).
Mes maîtres d'Histoire et de Géographie, moins médiatiques, ne m'en ont pas moins laissé un souvenir indélébile et chaleureux.
"Aujourd'hui rien ne subsiste de tes années passées en lisière du bois de Vincennes. Pas une plaque. Zéro trace."
"A défaut de sagesse, l'âge apporte à chacun son lot de résignation et d'accommodement avec le réel."
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
15/05/2011
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles...
Missak
Didier Daeninckx
Editions Perrin
Missak, c'est Manouchian, rendu immortel par "L'affiche rouge". "L'armée du crime", comme l'ont appelé alors la Gestapo et la Milice. Souvenir ravivé l'année dernière au cinéma.
Didier Daeninckx fait dans ce roman ce qu'il sait le mieux faire depuis "Meurtres pour mémoire" en 1984 : un roman sur une base historique solide. Pour corser un peu les choses, c'est un journaliste communiste pur et dur de 1955 qui nous emmène dans son enquête sur les traces de Missak et des trente actions militaires menées entre février et novembre 43, date de son arrestation, à la sortie de la gare d'Evry "petit bourg".
1955 : le ministre de l'intérieur propose l'extension du droit de vote aux femmes musulmanes. Un dénommé François Mitterrand...
On y rencontre un jeune chanteur nommé Charles Aznavour, et son père, engagé actif dans la résistance arménienne, comme Missak. Il est donc question du génocide commis par les Turcs, et des Arméniens français partis construire le socialisme dans l'Arménie soviétique.
On y croise également Charles Tillon, authentique résistant, écarté de la direction du "parti des fusillés" par ceux qui ont compromis le parti en demandant aux Allemands la reparution de l'Humanité.
Passionnant et bien écrit !
"Personne ne peut évaluer son courage à l'aune du respect qu'il se porte"
08:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
14/05/2011
La maison verte
La maison verte
Mario Vargas Llosa
Editions Gallimard, collection "L'imaginaire"
De Vargas Llosa, j'ai déjà parlé dans ce blog de "Histoire de Mayta" et de "Qui a tué Palomino Molero ?", ainsi que du recueil d'articles "Histoire amoureuse de l'Amérique latine".
J'ai été désarçonné par cette "Maison verte", très imaginative et au style peu conventionnel.
La "maison verte" a été le nom donné au secrétariat des FARC, la guérilla colombienne, mais, contrairement, aux deux romans cités, il n'est pas question de guérilla.
La "maison verte" est le nom du lupanar de Piura, petite ville au nord du Pérou ("A Piura on ne te considère que pour ce que tu possèdes"), dans la forêt amazonienne, et ce livre est aussi foisonnant que celle-ci : cela part dans tous les sens, il n'y a plus d'unité de lieu ni de temps. "L'Amazonie, c'est comme une femme en chaleur, ça bouge tout le temps".
On passe plus de temps sur le fleuve que dans la "maison verte", et ne vous attendez pas à savoir quoi que ce soit de la vie de ses pensionnaires.
La collection "L'imaginaire" était la mieux indiquée pour ce roman non conventionnel.
"La peur, c'est comme l'amour, une chose humaine"
08:54 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
07/05/2011
SAS en Colombie
Cauchemar en Colombie
Gérard De Villiers
SAS n° 97
Le personnage de Pedro Garcia Velasquez, "né dans un taudis d'un des bidonvilles accrochés aux collines cernant Medellin", et devenu un des puissants parrains de la drogue, s'inspire manifestement de Pablo Escobar, le fameux chef du cartel de Medellin, et de son principal lieutenant, Rodriguez Gacha, exécuté en 1989, année de la première publication de ce livre.
Année également de l'assassinat de Luis Carlos Galan, candidat libéral à la présidence de la république par les sicaires du cartel de Medellin.
Année de "l'initiative andine" du président George Bush. Après la chute du mur de Berlin, et donc de la guerre froide, la guerre contre la drogue devient le point névralgique de l'agenda militaire américain.
"Il a fait installer l'électricité dans les bidonvilles où il est né."
"Ici le gouvernement ne fait rien pour les pauvres. "El Mexicano", lui, met l'électricité, construit des stades, donne de l'argent. Si les narcos sont si puissants, c'est aussi parce que le petit peuple les considère comme des bienfaiteurs."
Mais le roman montre bien la cruauté du personnage.
"C'est dans ce lumpen-prolétariat que les narcos recrutent leurs tueurs".
""Plomo o plata", du plomb ou de l'argent. On achetait les concurrents, les policiers, les soldats, les juges, les douaniers, les passeurs". "Les narcos ont tout infiltré".
Cet argent sert à acheter, (ne faut-il pas dire extorquer ?), les meilleures terres.
"La milice d'auto-défense des propriétaires terriens. Ce sont eux qui font la loi ici. Théoriquement, ils traquent les "subversifs". Ils se louent aux narcos. Tantôt pour assassiner les paysans qui ne veulent pas vendre leurs terres, ou pour liquider leurs adversaires, et, en général, tuer ceux qui les gênent."
L'actuel gouvernement tente une politique de restitution des terres aux paysans spoliés.
Le personnage de l'ancien colonel du Mossad israélien chargé de former les paramilitaires colombiens s'appuie sur des faits avérés et connus : ils furent plusieurs comme lui, dans la réalité.
"Il suffisait d'aller chercher, au Pérou ou en Bolivie, la pasta, et de transformer celle-ci en chlorhydrate de cocaïne avant de l'expédier sur le Mexique ou les Etats-Unis."
Dans ce domaine, deux évolutions depuis que le livre a été écrit :
- Avec la disparition des cartels de Medellin et Cali, la transformation chimique de la feuille de coca en cocaïne se fait de plus en plus souvent directement au Pérou ou en Bolivie, ce qui simplifie les questions de transport ;
- L'Europe est devenue destinataire, généralement en passant par l'Afrique de l'Ouest.
Dans le roman SAS est chargé, par la CIA et la DEA (l'agence anti drogue américaine) d'exfiltré vers les USA le chef des narcotrafiquants.
En 1989, la CIA annonçait qu'elle consacrait 25% de ses efforts en Amérique latine à la lutte contre la drogue.
En janvier 1991, le président colombien Cesar Gaviria a promis aux narcotrafiquants qui se rendraient la non extradition vers les Etats-Unis.
Pablo Escobar s'est rendu en juin. Sa prison n'en était pas vraiment une. Il s'en est "échappé" un an plus tard, considérant que sa vie était en danger.
Il a été tué à Medellin en décembre 1993.
Ses concurrents du cartel de Cali, qui ont récupéré ses "parts de marché", ont activement collaboré à sa traque avec l'armée, la police, et les Américains.
Deux explications sont généralement avancées pour expliquer l'élimination d'un homme si généreux, y compris envers les politiciens :
- Il a voulu intervenir de plus en plus dans le monde politique en s'attaquant à la classe dominante ;
- Il connaissait trop bien les secrets du financement des "contras" appuyés par la CIA en Amérique centrale. Une façon de "blanchir" l'argent de la drogue. Mais quand la CIA n'a plus eu besoin des contras (l'insurrection armée au Salvador se termine en 89), elle n'a plus eu besoin, non plus, de cet intermédiaire encombrant...
Ce livre n'était prémonitoire que de quelques années.
08:49 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature