21/07/2009
Autobiographie de Simone Veil
Une vie
Simone Veil
Editions Stock
Simone Veil raconte sa vie, au début tout à fait ordinaire, puis qui le devient beaucoup moins.
Une éducation laïque. Le goût de la lecture, donné par son père.
Le piège qui se referme, malgré les faux papiers. L'enfer du camp d'extermination d'Auschwitz. Les énormes spoliations.
Son entrée dans la magistrature. Sa découverte de l'état des prisons françaises (pas mieux depuis, si j'en crois le rapport du Conseil de l'Europe). Puis son entrée au gouvernement, sa lutte pour le droit des femmes à disposer de leur corps, avec le soutien des médecins généralistes, "effarés de voir les dégâts qu'entraînaient les avortements sauvages dans les couches populaires".
Son élection à la Présidence du Parlement européen.
Son passage au Conseil constitutionnel.
Elle règle, au passage, quelques comptes. En particulier avec François Bayrou : "il se figure les autres à son image : intriguant et opportuniste".
Il est possible d'être en désaccord avec certaines de ses opinions, mais il faut lui reconnaître du courage et des expériences diverses.
"Les Juifs et les aristocrates sont les seuls qui savent lire depuis des siècles, et il n'y a que cela qui compte" (ce que lui répétait son père)
"Une femme qui en a la possibilité se doit de poursuivre ses études et de travailler. Il y va de sa liberté et de son indépendance" ; "Il faut non seulement travailler, mais avoir un vrai métier" (ce que lui disait sa mère)
"Nous ne comprenions pas ; nous ne pouvions pas comprendre. Ce qui était en train de se produire à quelques dizaines de mètres de nous était si inimaginable que notre esprit était incapable de l'admettre"
"Les actes des Justes prouvent que la banalité du mal n'existe pas. Ils ont incarné l'Honneur de la France, ses valeurs de Justice, de Tolérance et d'Humanité"
"Même si l'on gardait ses chaussures sur soi, il arrivait tout de même qu'on vous les vole pendant la nuit"
"Les bombardements, à la fois inefficaces et meurtriers, tuèrent finalement plus de déportés que de nazis"
"Dès que les Anglais sont arrivés, ils ont isolé le camp avec des barbelés infranchissables"
"Les autorités françaises n'étaient pas trop pressées de nous récupérer, et nous sommes restés là un mois."
"La communauté juive américaine ne s'est guère manifestée, sans doute dans la crainte d'un afflux brutal de réfugiés"
"La misère de la pénitentiaire était à l'unisson de celle de l'ensemble du système judiciaire"
"Il est essentiel que le droit prenne en compte les réalités sociales"
"La contraception consacre la liberté des femmes et la maîtrise qu'elles ont de leur corps, dont elle dépossède ainsi les hommes. L'avortement ne soustrait pas les femmes à l'autorité des hommes, mais les meurtrit."
"Se porter candidat à un Parlement dont on conteste jusqu'à l'existence relève d'un paradoxe"
"L'Europe se nourrit plus souvent de symboles que de réalités"
"L'Europe sera avant tout ce que nous en ferons"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : politique
17/06/2009
rénovation du PS et primaires
L'exemple italien
Il y a bien des années, nous aimions les communistes italiens : ils étaient si différents des communistes français, tellement moins inféodés à Moscou, tellement plus proches du socialisme démocratique.
J'étais présent, invité, au congrès du PCI qui a décidé de se transformer en "Parti Démocratique de la Gauche", et j'ai assisté à la scission de ceux qui voulaient rester communistes.
Puis, par souci de rénovation, le mot "parti" a disparu. Probablement trop "stalinien" ? Ils sont devenus, simplement, "les Démocrates de gauche".
Mais être "de gauche" leur a semblé probablement de trop pour attirer à eux l'électorat centriste, anti-Berlusconi, qu'ils convoitaient.
Rêvant probablement d'Amérique, avant même l'élection d'Obama, ils sont devenus "les Démocrates".
Le résultat est effarant : ils ont perdu leur électorat traditionnel, populaire, ainsi que l'électorat intellectuel "de gauche", sans gagner les classes moyennes.
Désorientés, démobilisés, ces électeurs ne se sont pas reportés sur celles et ceux qui refusaient cette course vers le centre, et qui n'auront aucun élu(e).
Sur la vingtaine de parlementaires européens "Démocrates", un sur cinq seulement peut-être qualifié "de gauche".
Est-ce le même cheminement que propose Manuel Valls aux socialistes français ?
La question peut être posée également à propos des "primaires". Là encore l'exemple est américain, et là bas, il est entré dans les mœurs.
Les Démocrates italiens ont vécu l'expérience, plutôt réussie. Non pas pour l'élection présidentielle, qui ne se fait pas au suffrage universel direct, mais pour la "présidence du Conseil des ministres". Cela a été un grand moment médiatique et de mobilisation, sans enjeu interne car il y avait un archi favori. Cela n'a, malheureusement, pas empêché la victoire de Berlusconi.
Le PS français, connu pour sa démocratie interne, y compris avec ses inconvénients, peut-il tenter l'aventure, et faire voter tous ceux qui le souhaiteraient ?
Il me semble peu probable que les autres organisations de gauche renoncent à présenter un(e) candidat(e) au premier tour de la présidentielle.
08:00 Publié dans vie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, ps
16/06/2009
mémoires des deux rives
Mémoires des deux rives
Entre médias et pouvoirs
Georges Fillioud
Editions du moment
Il y a quelques mois, bavardant avec des socialistes de Romans (Isère), "là où commence le midi", ils furent surpris que j'évoque Georges Fillioud, parachuté, avec succès, dans leur ville par la volonté de François Mitterrand. Ils semblaient surpris que quelqu'un se souvienne de cet épisode qui ne remonte pourtant qu'à une trentaine d'années.
Georges Fillioud était un personnage important de la Mitterrandie. Journaliste connu d'"Europe n°1", il fut un des premier "martyr" de la liberté de l'information, puisque licencié en 1965 pour avoir soutenu publiquement la candidature de François Mitterrand à l'élection présidentielle.
Au carrefour des pouvoirs médiatiques et politiques, surtout comme ministre "de la communication" de 1981 à 1986, il évoque donc ses mémoires issues de ces deux rives, ou de leur confluence.
Il rappelle le formidable chamboulement de 1981 dans le domaine de l'audiovisuel :la fin du monopole de l'Etat, les radios "libres", d'abord associatives et tombant petit à petit dans le secteur commercial, la création de la "Haute Autorité de l'audiovisuel", indépendante du pouvoir politique, la naissance de Canal +, première chaîne cryptée en Europe, le plus gros producteur français de films, d'Arte, de TV5 international, de la "5" "paillettes", et de M6. Un bilan que peu de personne peut afficher.
En 1990, il devint Président de l'"Institut National de l'Audiovisuel", "la plus importante banque numérique du monde", grâce à la mutation des archives analogiques.
Un parcours intéressant qui permet de mieux comprendre les relations entre médias et politique.
Nota : sur la photo de couverture, la femme qui parle à l'oreille de François Mitterrand, pendant que Georges Fillioud, reconnaissable à son noeud papillon, écrit, est, si je ne me trompe pas, Marie-Thérèse Eyquem.
"Entre les mots, il faut choisir les moindres" (Paul Valéry)
"Il faut être économe de son mépris, il y a tant de nécessiteux"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, médias
10/06/2009
Une militante socialiste exemplaire
Hommage à Danielle Darras
Danielle Darras est décédée dimanche, cruelle ironie, le jour des élections européennes.
J'ai connu Danielle dans les années 80. Elle était vice-présidente du Conseil général du Pas-de-Calais, adjoint au maire de Liévin, chargée des affaires sociales dans une ville où elles ne sont pas minces, suppléante, dans tous les sens du terme, du député-maire.
Puis Danielle a été élue députée au Parlement européen. Elle s'y est consacrée, tout naturellement, aux affaires sociales et régionales, veillant à l'utilisation, dans le Pas-de-Calais des fonds européens.
C'était une élue exemplaire, multipliant les allers et retours entre le parlement européen, sa ville et le conseil général, consacrant ses soirées aux réunions militantes et ses samedis à ses permanences sociales.
Sa "légion d'honneur" était bien méritée.
Proche de Laurent Fabius, et à ce titre membre du Conseil national du PS, elle n'avait pas hésité à prendre position en faveur du OUI au référendum sur le Traité constitutionnel.
Comme ses collaboratrices je peux témoigner de sa simplicité, sa gentillesse, de son humanité, mais aussi de sa solidité.
J'ai toujours pu compter sur son soutien actif, aussi bien sur le plan personnel que politique.
A 60 ans elle a abandonné tous ses mandats électifs et avait l'intention de voyager dans son superbe camping car. C'est alors qu'elle a appris qu'elle avait un cancer.
La dernière fois que je l'avais vu elle subissait, avec sérénité et le sourire, une séance de chimiothérapie dans un hôpital d'Arras.
J'ai éprouvé rudement les effets de son retrait de la vie politique.
Ses obsèques auront lieu vendredi, et je sais que je ne serais pas seul à ne pouvoir retenir mes larmes et à être certain de ne jamais oublier cette grande dame exemplaire du militantisme socialiste.
09:25 Publié dans billet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique
07/04/2009
Bérégovoy, le dernier secret
Bérégovoy
Le dernier secret
Jacques Follorou
Editions Fayard
J'ai rencontré Pierre Bérégovoy dans les années 70. Il était alors un des dirigeants importants du PS. Il m'a semblé très "raide", imbu de lui même, d'un accès distant envers le jeune Secrétaire général des cheminots socialistes, que j'étais, ce qui n'avait entraîné (au contraire ?) aucune sympathie de la part de l'ancien cheminot qu'il était. Comme beaucoup de personnes de petite taille, il se tenait très droit, ne voulant pas en perdre un pouce. Comme l'écrit l'auteur dans une litote : "il n'a pas la fibre démonstrative" ; "la nature réservée de Pierre Bérégovoy ne se prêtait guère aux effusions factices".
J'ai rencontré un peu plus tard son frère Michel, lui aussi ancien cheminot, devenu député de la banlieue de Rouen. Le moins que l'on puisse dire est qu'il était différent : Michel était resté un homme du peuple et qui en jouait avec roublardise, avec un contact "populaire" qui assurait ses réélections, alors que Pierre allait d'un parachutage à l'autre, de défaite en défaite, de Brive à Maubeuge, jusqu'à son atterrissage dans la Nièvre, par volonté présidentielle. "Bérégovoy a toujours manqué de charisme et de racines".
L'auteur retrace l'itinéraire de Pierre Bérégovoy : petit fils d'immigré, d'une famille ouvrière, devenu Premier Ministre, par son talent et par son travail acharné, voyant son rêve de Présidence de la République brisé par la lourde sanction électorale qui marque la fin de sa résistible ascension. La SNCF, EDF, le syndicalisme, la SFIO, le PSU, Mendès-France, Alain Savary, et enfin Mitterrand, avec la frustration de ne jamais faire partie d'aucun des cercles rapprochés. Il se voulait "le gestionnaire, dans le sillage de François Mitterrand, le visionnaire".
Le livre commence et se termine par son suicide, qu'aucun militant socialiste de notre génération ne pourra oublier. "L'annonce de la mort de Pierre Bérégovoy est un traumatisme collectif, car elle sonne comme un échec de la gauche". Nous nous souvenons tous de l'acharnement du juge Thierry Jean-Pierre, qui entrera ensuite en politique, au Parlement européen, à la droite de la droite, et des campagnes de presse, en particulier du "Canard enchaîné" à propos du prêt immobilier d'un million de francs, sans intérêt, accordé par un riche ami du Président.
Le "dernier secret", qui justifie le titre du livre, c'est que "Béré", comme nous l'appelions familièrement, hors de sa présence, voulait protéger les siens, qui avaient profité de largesses douteuses de ces hommes d'argent, ces "aventuriers des affaires" que l'homme de pouvoir Bérégovoy s'était mis à fréquenter un peu plus que ne l'exigeait le sauvetage d'entreprises nivernaises en difficulté. "Ces gens qui n'auraient jamais parlé aux socialistes s'ils n'avaient pas été au pouvoir".
L'auteur fournit une explication à laquelle tous les militants, en particulier les élu(e)s pourront souscrire : "Que suggérer à un homme politique qui a imposé à l'ensemble de sa famille près de 40 ans de vie militante et de week-ends passés sur les routes, en meetings, en salles enfumées ? La culpabilité des hommes politiques vis-à-vis de leur entourage familial est une donnée méconnue". Il avait un "sentiment de dettes" et voulait "payer le prix de son absence" ; "l'ambition personnelle cohabitait avec les scrupules du père de famille et de l'époux".
Extraits :
"Son absence d'humour et d'autodérision transformaient toute critique en blessure mortelle"
"Avait-il réellement été séduit par la comédie du pouvoir et son cortège de courtisans aux faux airs d'amis qui, comme autant de papillons attirés par les ors de la République, vous quittent dès que la lumière s'éteint ? Il s'était habitué à cette déférence et à ces sollicitations que l'on prend pour soi alors qu'elles ne visent que votre image".
"En se tuant, l'homme d'Etat a effacé l'homme de faiblesses".
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique