26/06/2015
L'arabe du futur 2
Une jeunesse au Moyen-Orient
1984-1985
Riad Sattouf
éditions Allary
Un an après le succès mérité du tome 1, voici la suite des aventures d'un bambin Syrien par son père, Breton par sa mère.
Rappel : le père de l'auteur, élève brillant, a obtenu une bourse pour étudier à la Sorbonne, y a rencontré une belle blonde, s'est marié avec elle. Ils ont eu un petit garçon blond comme sa mère. Le père a obtenu un poste d'enseignant en Libye, puis dans son pays, la Syrie.
Dans le tome 2 comme dans le premier, les vacances en Bretagne, chez les grands-parents, sont l'occasion d'un choc de civilisations.
A part ce chapitre en Bretagne, toute l'action se passe en Syrie, dans un village a côté d'Homs (malheureusement nous avons beaucoup entendu le nom de cette ville martyr...). Riad va à l'école du village. Il y découvre l'uniforme, les chants patriotiques, la lecture du Coran dont, comme ses camarades, il ne comprend pas un mot... et les coups de règle sur les doigts. Il apprend tout ce qui est "haram" : "interdit par le sacré".
Il apprend l'arabe à l'école, et le français à la maison, avec sa maman.
Comme il est différent, il est accusé par certains d'être Juif, et attaqué pour cela.
En dehors de l'école, il découvre les inégalités sociales avec les relations importantes que son père doit entretenir . Les "élections" sont remportées à 100% par Hafez al-Assad, le père de l'actuel dictateur.
Comme dans le premier tome, sa mère grince des dents chaque fois qu'il est question de la place de la femme dans la société. Surtout quand les traditions poussent au "crime d'honneur".
Ls biens d'importation sont taxés jusqu'à 600%. L'essentiel de l'équipement de la maison passe donc par la contrebande .
Quelques jours de vacances à Palmyre permettent de nous parler de cet important vestige de l'antiquité.
16:02 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, moyen-orient
20/06/2015
Gangsterrorisme
Le chant du converti
Sébastian Rotella
éditions Liana Levi
De Sebastian Rotella, j'ai déjà parlé de Triple Crossing, paru en 10/18. L'histoire d'un flic américain qui patrouille à la frontière pour tenter d'empêcher les passeurs mexicains d'introduire aux Etats-Unis drogue et immigrés illégaux, puisque là bas aussi les filières sont les mêmes.
Ce Chant du converti commence par un attentat sanglant dans un centre commercial, à Buenos Aires. A la suite du héros, l'auteur nous emmène en Bolivie, puis, pour toute la deuxième partie en France. Je me demande ce que les lecteurs anglo-saxons de Rotella pensent de notre pays, avec ces banlieues qui brûle et cette police qui respecte peu les droits de la défense des suspects . Troisième partie en Irak puis, pour finir, en Uruguay.
Filières de la drogue qui financent le terrorisme. Connexions entre services secrets...
"Le processus de radicalisation habituel : la criminalité conduit à l'extrémisme, et le trafic de drogue se justifie par le djihad. C'est le "gangsterrorisme".
"Devenir terroriste, c'est un peu comme intégrer un gang. On s'associe à de sales types pour avoir l'impression d'être un dur." "Les extrémistes sont en quête d'identité."
"L'attentat de Bombay en 2008 était une opération menée par un groupe terroriste, en collaboration avec les services secrets pakistanais, après deux ans de préparatifs."
"Les Iraniens ont fait appels à des sunnites nord-africains lors des attentats qui ont frappé l'Europe dans les années 80.Ce pays a également accueilli les responsables d'Al-Qaïda en fuite, arme utile contre l'Occident Israël et l'Arabie Saoudite."
"Deux sortes de terroristes : les fous furieux, et les mercenaires au sang-froid."
"Un acte terroriste est avant tout un acte de communication"
"Beaucoup de filles originaires des banlieues rejoignent l'armée ou la police. Ca leur permet de rompre avec les cités, les fondamentalistes, leurs familles."
08:38 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, terrorisme
18/06/2015
la galère d'une préparation de thèse
Carnets de thèse
Tiphaine Rivière
éditions du Seuil
Jeanne, professeur de collège dans une ZEP est acceptée comme "doctorante". Elle va donc préparer une thèse. Sur "Le motif labyrinthique dans la parabole des portes de la Loi dans Le Procès, de Kafka". Pour cela elle se met en disponibilité de l'Education nationale. Mais il faut bien vivre. Elle donne des cours à l'université, peu payés, payés avec retard, ou même pas payés du tout. Mais qui demandent des heures de préparation ! Ou des travaux de secrétariat dissimulés sous des appellations pompeuses.
Quelques années, et plus de 3000 ouvrages critiques plus tard, le moment de la rédaction est le plus délicat. "Elle refichait tout ce qu'elle avait déjà lu à chaque fois qu'elle essayait de commencer à rédiger." Puis arrive le moment où l'auteur a tellement relu qu'il ne veut plus voir son texte "même relire ce que j'ai écrit me donne envie de vomir."
La famille est sceptique, et admire le cousin qui prépare une thèse scientifique.
La vie devient vite insupportable pour le compagnon. La thèse est l'obsession. En dehors des heures de travail alimentaire, pas question de sortir avec les copains, de se divertir. "Elle a un énorme tas sur son bureau avec marqué : papiers administratifs.Elle n'ouvre jamais son courrier."
On sent le vécu, et c'est drôle, plein de moments qui font sourire. La "science" littéraire a peut-être perdu un fleuron, mais la BD a gagné une auteur de talent.
En littérature, 60% des doctorants abandonnent leur thèse. On comprend pourquoi !
Son directeur de thèse, qui n'a aucune envie de lire les centaines de pages des ses "thésards", pour se débarrasser d'elle, lui prescrit de lire tout Schopenhauer : "La vie oscille comme un pendule, de la souffrance à l'ennui. La condition de l'homme consiste à désirer douloureusement tout ce qui lui fait défaut. La vie humaine consiste à aller sans cesse du désir, qui est manque, à l'ennui de la satiété."
"En cherchant des réponses à une question, les types continuent à se demander si la question qu'ils posent est pertinente..."
11:38 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, littérature
13/06/2015
Fred Vargas rend hommage à Arnaldur Indridason
Temps glaciaires
Fred Vargas
éditions Flammarion
Des gens surpris par la brume, dans le nord de l'Islande. Ils se perdent, ils meurent. Les survivants culpabilisent.
Ceci n'est pas une aventure du commissaire Erlandur mais du commissaire Adamsberg. Les deux ont bien des points de ressemblance. Surtout quand Adamsberg joue plus que jamais le "pelleteur de nuages". Ces "temps glaciaires" ne sont pas sans évoquer l'"hiver arctique".
Fred Vargas écrit, avec succès, des romans policiers depuis bientôt trente ans, mais n'avait rien publié depuis quatre ans.
Elle ne se contente pas de nous emmener en Islande. Elle revisite pour nous la Terreur robespierriste, juste avant les exécutions de Danton ("Danton, l'image incarnée de la puissance vitale révolutionnaire") et Camille Desmoulins. "Je crains que le voyage dans le cercle arctique de Robespierre soit encore plus glaçant."
"Comment le livide et glacé Robespierre, dénué de charisme et d'empathie, avec sa voix aigrelette et son corps sans vie, a-t-il pu générer une telle adoration ? Avec sa face lugubre et ses yeux vides cillant derrière ses lunettes ?"
"A peine aurait- il détruit un ennemi qu'il s'en découvrirait un autre." "L'ennemi que traquait Robespierre était en lui même." "La pitié n'existait pas, car Robespierre n'avait aucun lien, et surtout pas étroit.""Jamais l'innocence ne redoute la surveillance publique" (Robespierre) "L'abstraction du meurtre chez Robespierre. Les exécutions se passaient toujours hors de sa vue. Elles étaient dématérialisées. Comme s'il avait guillotiné non pas des hommes, mais des concepts ; le vice, la trahison, l'hypocrisie, la vanité, le mensonge, l'argent, le sexe."
"Fouché est l'homme le plus terrible de la Révolution. Cynique absolu, habile comme le diable, fourbe et doucereux, surveillant tout un chacun, louvoyant au gré des évènements, il est le serpent dans l'herbe face à l'idéaliste Robespierre emporté par sa folle pureté."
"On est toujours plus élégant nu qu'à moitié dévêtu"
"L'alcool sucré monte au cerveau avec la célérité d'un acrobate sans fil"
09:03 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, polar, histoire
09/06/2015
Parution du tome 6 de l'histoire de France pour les nuls en BD
Les guerres de religion
Scénariste : Hervé Loiselet ; dessinateur : Vincenzo Acunzo ; Storyboard : Dan Popescu
Couleurs : Silvia Fabris ; Lettrage : Novy
D'après l'Histoire de France pour les nuls de Jean-Joseph Julaud
éditions First
Le volume commence avec l'affichage des libelles protestantes jusque sur la porte du roi François 1er. Dommage de ne pas préciser que jusqu'à cet épisode François 1er, sous l'influence de sa sœur Marguerite de Navarre, n'était pas hostile aux idées nouvelles.
Si les rôles de l'Espagne (la présence des troupes espagnoles à Paris pour "soutenir" Guise, n'est pas mentionnée) et de l'Angleterre sont plusieurs fois évoqués, l'ouvrage ne souligne pas assez qu'il s'agissait d'une lutte pour l'existence du Royaume, et que les religions étaient instrumentalisées par nos deux grands voisins pour pousser leurs hommes liges, les Guise côté catholique, les Bourbon/Condé pour l'Angleterre.
Entre les deux camps Catherine de Médicis, et ses fils, Charles IX et Henri III louvoient, au gré des rapports de force, François II ayant été clairement du côté des Guise.
La couverture représente Catherine regardant avec effroi le massacre de la Saint- Barthélemy. C'est une grande question historique. Pendant longtemps les historiens ont fait porter toute la responsabilité de cette horreur sur la Régente. Même si Charles IX a pris la faute sur lui. Aujourd'hui, les historiens soulignent que Catherine et Charles avaient pour ligne politique constante la coexistence des deux clans. L'ouvrage propose une troisième voix : Catherine propose que soient tués quatre ou cinq huguenots, dont Coligny qui proposait que la France soutiennent les protestants des Pays-Bas contre l'Espagne. Et Charles ordonne de les tuer tous pour "qu'il n'en reste pas un pour le (lui) reprocher". Il semble moins certain aujourd'hui qu'il ait prononcé cette phrase.
Le volume n'évoque pas les dizaines de libelles salissant les réputations de la Reine Margot et d'Henri III. Cela évite de trancher la question de savoir si ces attaques venaient des Guise ou des protestants.
La conversion au catholicisme d'Henri IV ("Paris vaut bien une messe") me semble être l'exact opposé de la règle "cujus regio, ejus religio" (dans le pays du prince, la religion du prince) qui était appliquée depuis le Haut Moyen-Âge.
Le volume se ferme par l'assassinat d'Henri IV. Ainsi se termine la "guerre des trois Henri", Henri de Guise, Henri III et Henri IV.
Puisqu'il s'agit essentiellement d'histoire événementielle, faite de batailles, de traités de paix, de mariages arrangés, un point essentiel n'est pas évoqué : pendant la période, le coût de la vie a augmenté de 300 à 400% (Duby), les guerres n'étant jamais propices à la prospérité du peuple. Georges Duby note "l'élargissement du fossé entre riches et pauvres."
"Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme" Cette phrase d'un partisan de Servet, brûlé à Genève sur ordre de Calvin, n'est-elle pas toujours d'actualité ?
08:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, histoire