16/12/2010
Le Négus
Le Négus
Ryszard Kapuscinski
Editions Flammarion
Réédition d'un des premiers succès de Kapuscinski, journaliste polonais, aujourd'hui décédé, longtemps en poste en Afrique.
Ethiopie, 1975 : c'est la chute vertigineuse du "Négus", le "Roi des Rois", descendant autoproclamé du roi Salomon et de la reine de Sabah.
Kapuscinski cherche à comprendre et interroge des survivants du palais impérial, qu'il met en avant, en excellent metteur en scène.
Témoignage après témoignage se dessine un régime arbitraire, absurde, "vivant dans un autre temps".
La question n'est plus : "pourquoi l'empereur a-t-il été renversé ?", Mais "pourquoi n'a-t-il pas été détrôné plus tôt ?"
"L'empereur commençait la journée par l'audition des délations"
"Sa bienveillante Majesté ne se laissait jamais guider par le principe de compétence, elle ne se fiait qu'au principe de loyauté"
"Sa Magnanime Altesse préférait les mauvais ministres, pour la bonne raison que Sa Majesté aimait paraître à son avantage"
"L'Empereur a besoin de gens qui ont beaucoup à perdre"
"Avec sa surface silencieuse, immobile, polie, le marbre exprimait le rêve de Sa Vénérable Majesté d'être entourée d'immobilité, de silence, de lustre et de régularité. Pour l'éternité de Son Auguste Personne"
"Plus la fin approchait, plus la rapacité et l'irrépressible voracité s'intensifiaient"
"Notre Empire consacrait 1% de son budget à l'agriculture, alors qu'il en affectait 40% à l'armée et à la police"
"Plus la soumission a été longue et le silence pesant, plus la réaction est agressive et violente"
08:33 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, afrique
09/12/2010
Carnages
Carnages
Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique
Pierre Péan
Editions Fayard
Le journaliste Pierre Péan est connu du grand public pour son livre sur la jeunesse de François Mitterrand. Le premier livre que j'ai lu de lui était consacré à Jacques Foccart, "l'homme de l'ombre", le "Monsieur Afrique" du général De Gaulle. Pierre Péan a consacré bien d'autres livres à l'Afrique, dont "Noirs fureurs, blancs menteurs" dans lequel il ose dénoncer la responsabilité du Président rwandais Paul Kagamé, dans les massacres qui ont ensanglanté son pays.
Dans "Carnages", il revient-trop-longuement sur ce point, et une -trop- grande partie du livre est consacrée à se justifier face aux attaques, y compris en justice, dont il a été l'objet.
Pour ce qui me concerne, il prêche un convaincu. Kagamé n'est pas arrivé au pouvoir par les urnes mais par les armes, les témoignages et rapports, parlementaires, universitaires et de l'ONU sont innombrables sur les tueries provoquées, directement, ou par réactions, qui ont accompagnées sa prise du pouvoir.
Sans même parler de son implication, quasiment certaine, dans l'attentat qui a coûté la vie au Président rwandais élu, mais hutu. J'ai pu voir, sur place, l'utilisation politique du génocide pour justifier sa dictature.
Le principal intérêt du livre du Péan est qu'il donne des preuves et une explication crédible à l'implication décisive des USA, et d'Israël, dans la conquête du pouvoir par Museveni ("Born again" comme W.) en Ouganda, Kagamé au Rwanda et Joseph Kabila (grâce à l'assassinat de son père) en RDC. Peut-être que les documents américains mis en ligne sur Internet nous en dira encore plus sur la façon dont les USA ont armé Kagamé pour lui permettre de prendre le pouvoir.
L'explication est aussi lumineuse qu'une carte : l'ennemi d'Israël, et par conséquent des Américains, est le régime islamiste soudanais. D'où l'appui à la rébellion "chrétienne" du Sud Soudan. L'Ouganda est la "tête de pont" idéale pour apporter un soutien, en particulier en armes, à cette rébellion, et plus tard à celle du Darfour. Kagamé a vécu plus longtemps en Ouganda, où il a été un responsable important de l'armée, qu'au Rwanda. C'est pour cela qu'il est anglophone, président d'un pays francophone. Mais la mise à l'écart de la France par les Américains dans la région des "Grands lacs", n'a été qu'une opportunité. Une conséquence plus qu'une cause.
Tout à fait convaincant, mais faut-il pour autant prendre la défense de la "Françafrique" et du Président soudanais ?
"Pour comprendre l'Afrique, il ne faut surtout pas tenter de tout expliquer"
"Profitant de la dé crédibilisation de la classe politique, les ONG ont réussi à se parer à la fois de la légitimité du bien commun et de la fiabilité du désintéressement"
"Combien de crimes atroces, effroyables, ont été commis au nom de la justice et de la civilisation" (Georges Clémenceau)
"L'Afrique ne pèse plus que 0,5% du commerce extérieur de la France, contre 40% au moment des indépendances. Les intérêts français en Afrique anglophone sont plus importants qu'en Afrique francophone".
"Quand le paralytique joue avec des feuilles vertes, c'est qu'il y a quelqu'un dans l'arbre qui les lui a jetées" (Proverbe africain)
09:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique
02/12/2010
Kinshasa revit
La première fois que je suis venu à Kinshasa, le pays sortait de la guerre qui avait vu s'affronter, sur le sol de la RDC, les armées des pays voisins. Joseph Kabila venait de succéder à son père, assassiné. Les soldats angolais étaient encore présents et assuraient la sécurité du Président. Le soir : couvre-feu à la nuit tombée.
Aujourd'hui, la ville est en chantier : chantiers de travaux publics, chantiers de construction d'immeubles de bureaux et de logements. Parfois, comme souvent maintenant en Afrique, sous la direction d'architectes chinois. Contrairement à l'Angola, les ouvriers sont Congolais et non Chinois.
Le spectacle de dizaines de femmes sortant d'une boulangerie industrielle avec leurs paniers remplis de baguettes, qu'elles portent sur leur tête pour aller les vendre dans les rues est étonnant.
Le long des rues, des centaines, des milliers d'échoppes.
Partout des gens : la population de Kinshasa augmente de 400.000 personnes par an, en raison de l'exode rural, et, bien entendu, les infrastructures ne peuvent pas suivre.
Dans le centre, le quartier hérité de la colonisation. Mais les plus belles maisons sont maintenant sur les bords du fleuve. Autour du premier noyau, un cercle protecteur de logements militaires. Au delà, les petites "maisons" sont parfois en parpaings, parfois en tôles. La distribution de l'électricité et de l'eau y est aléatoire.
Partout, les traces d'une chaude humidité.
L'union européenne, tout instrument financier confondu, a apporté l'année dernière une aide à la RDC de 230 millions d'euros. Il est prévu qu'elle soit de 250 millions d'euros l'année prochaine.
11:39 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique
30/11/2010
Tolérance Zéro contre les violences faites aux femmes
"Je dénonce et je dis NON" mouvement actif de femmes contre les violences subies, essentiellement dans l'Est du Congo.
Elles insistent sur le fait que les viols ne sont pas une tradition culturelle congolaise, et que cela stigmatise les femmes victimes, et déshonorées.
Pendant les quinze années de conflits, en bonne partie venus des pays voisins (Rwanda et Burundi), les viols sont devenus des "armes de guerre", d'autant plus meurtrières que le SIDA se propageait.
Ces conflits ont fait éclaterles structures sociales ,en particulier de santé.
Le nombre estimé de viols pendant ces évènements d'éclatement de la RDC se monte au million. Même des petites filles en furent les victimes. Les petits garçons étaient "enfants soldats", les très jeunes filles esclaves sexuelles.
Ces faits, justement qualifiés de "crimes contre l'humanité" ne sauraient rester impunis. La sanction servira, peut-être, à la prévention de leur multiplication.
Les femmes européennes se sentent clairement solidaires. Parce qu'elles savent que les violences faites aux femmes ne sont pas réservées à la République Démocratique du Congo...
14:50 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique
14/10/2010
Des universitaires africains étudient les droits de l'Homme en Afrique
Les droits de l'Homme en Afrique
Dîner avec Joseph Diescho, professeur de droit à l'université d'Afrique du Sud de Pretoria.
Il vient de coordonner les travaux d'une douzaine de ses collègues, enseignants dans diverses universités africaines, sur les perspectives de la promotion et la protection des droits humains en Afrique, d'un point de vue juridique.
Première constatation : le décalage, dans la plupart des pays, entre les idéaux des luttes de libération et l'exercice du pouvoir.
Son leitmotiv : "c'est justement parce que nous sommes Africains que nous ne pouvons pas accepter toutes ces choses". Mais il insiste sur l'universalité de notre humanité. Il refuse le "relativisme" de valeurs universelles et se félicite des efforts de l'Union africaine dans ce domaine, au moins dans les principes.
Quand je lui parle de l'attitude de l'Union africaine à l'égard de la Cour Pénale Internationale, il me répond, fataliste : "dès que l'on touche au pouvoir...".
Il cite Obama : "l'Afrique a besoin d'institutions fortes, pas d'hommes forts".
Mais il constate que la démocratie a du mal à fonctionner avec des partis qui sont essentiellement tribaux, avant d'être des regroupements idéologiques.
J'ai du mal à partager son optimisme quand il prétend qu'en Afrique du Sud "les townships ont fait disparaître les tribus", car personne n'a oublié les affrontements entre Xhosas et Zoulous dans les townships, du temps de l'apartheid.
Je souhaite que "son" livre, préfacé par Desmond Tutu, soit traduit en français et largement diffusé en Afrique.
N'est-il pas bon que des universitaires africains se rassemblent pour synthétiser ces questions ?
18:28 Publié dans Afrique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : afrique