11/09/2011
corruption policière au siècle des Lumières
Les ripoux des Lumières
Corruption policière et Révolution
Robert Muchembled
Editions du Seuil
La thèse de Robert Muchembled, professeur à l’université de Paris-Nord, est simple et lumineuse : à la fin de l’ancien Régime, les officiers publics achetaient leurs emplois, y compris les policiers, et leurs salaires étaient trop modestes pour leur permettre de rembourser ce qu’ils devaient emprunter pour acheter leur « office ». Ils payent si cher leur charge qu’ils mettent d’abord leur zèle au service d’eux-mêmes ».
Il fallait donc qu’ils trouvent des revenus complémentaires : argent soutiré aux juifs, aux libraires qui impriment ou vendent des pamphlets interdits, aux tenanciers des tripots de jeux ou de bordels, et surtout chantages au détriment des personnalités, en particulier ecclésiastiques, qui n’auraient pas du se trouver dans ces lieux de perdition, ou tiennent à ce que leurs amours secrètes le demeurent. « Le fleuron de ses observations concerne les filles entretenues par les grands aristocrates et les plus riches contemporains ». « En connaissant les secrets les mieux gardé, ils peuvent se remplir les poches ». « Le sexe est alors la principale passion collective. Le roi donne l’exemple, et tous l’imitent. » « Le mixage des classes dans le lit des catins prend à l’époque une stupéfiante ampleur ». « La Révolution est aussi née de la rupture des codes traditionnels » ; « un divorce croissant entre la haute société et le reste du pays ».
Tout le monde est fiché, avec l’aide de « mouches », criminels à qui l’impunité est promise…tant qu’ils servent d’indicateurs à la police. « La surveillance systématique se focalise sur des secteurs susceptibles d’enrichir ». « Un véritable racket organisé ». »Une véritable entreprise d’exploitation de toutes les faiblesses humaines met en coupe réglée la ville, et la Cour, de 1748 à 1757.
Autre thèse : l’exemple venait de haut, puisque rien ne se faisait sans « pots de vin » au bénéfice du monarque et de sa favorite, la marquise de Pompadour. « Les hommes chargés de faire respecter les lois imitent les maîtres du jeu social et abusent de leur autorité pour s’offrir une place éminente au soleil ». « Un lent pourrissement du régime a préparé sa disparition ». La police n’a pas vu venir la Révolution, tout occupée à tirer profit d’un monde en train de s’effondrer ». « Ils sont opposés au moindre changement, parce qu’ils tirent le plus grand profit de leurs connaissances des points faibles du système ».
« Le Lieutenant général Sartine, et plus encore son successeur et ami Lenoir sont complices de très nombreuses malversations ».
08:27 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire
21/05/2011
Mirabeau et Marie-Antoinette
L'entrevue de Saint-Cloud
La rencontre qui aurait pu changer le cours de l'Histoire
Harold Cobert
Editions Héloïse d'Ormesson
Cobert a consacré sa thèse à Mirabeau. Et il tombe dans la tentation de réécrire l'Histoire !
Que se serait-il passé si, le 3 juillet 1790, Mirabeau avait convaincu Marie-Antoinette ?
"Précéder les évènements, les provoquer, et non plus les subir".
Mirabeau, aidé de Marie-Antoinette, aurait-il sauvé le trône ?
Propos un peu vain, car la Reine était ce qu'elle était, avec son éducation autrichienne et impériale.
"Les peuples ont toujours eu besoin de boucs émissaires".
Ce petit livre nous plonge dans un moment particulièrement passionnant de l'Histoire de notre pays, à travers les personnalités de Marie-Antoinette et de Mirabeau. "S'il est payé pour ses avis, il n'est pas un vendu". Il est "le défenseur du pouvoir monarchique réglé par les lois". (Monarchie constitutionnelle). "L'homme du rétablissement de l'ordre, et non du retour à l'ordre ancien".
"Mirabeau ne s'était vautré corps et âme dans la débauche que pour conjurer les stigmates de sa laideur, elle ne s'était jetée dans l'étourdissement perpétuels des bals et des fêtes que pour combler le vide de son cœur et de sa chair inassouvie".
"Le temps, la fatalité n'en accorde jamais..."
"L'opinion est désormais le seul fondement durable de tout pouvoir"
"On est jamais sensible qu'à son propre malheur...ou victime de son propre apitoiement ! "
"On a l'âge de ses blessures"
"Que valent les meilleures convictions, contre l'argent, la gloire, le pouvoir ?"
08:41 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
15/05/2011
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles...
Missak
Didier Daeninckx
Editions Perrin
Missak, c'est Manouchian, rendu immortel par "L'affiche rouge". "L'armée du crime", comme l'ont appelé alors la Gestapo et la Milice. Souvenir ravivé l'année dernière au cinéma.
Didier Daeninckx fait dans ce roman ce qu'il sait le mieux faire depuis "Meurtres pour mémoire" en 1984 : un roman sur une base historique solide. Pour corser un peu les choses, c'est un journaliste communiste pur et dur de 1955 qui nous emmène dans son enquête sur les traces de Missak et des trente actions militaires menées entre février et novembre 43, date de son arrestation, à la sortie de la gare d'Evry "petit bourg".
1955 : le ministre de l'intérieur propose l'extension du droit de vote aux femmes musulmanes. Un dénommé François Mitterrand...
On y rencontre un jeune chanteur nommé Charles Aznavour, et son père, engagé actif dans la résistance arménienne, comme Missak. Il est donc question du génocide commis par les Turcs, et des Arméniens français partis construire le socialisme dans l'Arménie soviétique.
On y croise également Charles Tillon, authentique résistant, écarté de la direction du "parti des fusillés" par ceux qui ont compromis le parti en demandant aux Allemands la reparution de l'Humanité.
Passionnant et bien écrit !
"Personne ne peut évaluer son courage à l'aune du respect qu'il se porte"
08:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, histoire
27/02/2011
mystères d'un crime
L'assassinat d'Henri IV
Mystères d'un crime
Jean-Christian Petitfils
Editions Perrin
La pièce de théâtre, avec le convainquant Jean-François Balmer, m'a donné envie d'en savoir un peu plus.
Si l'on se pose la question habituelle "à qui profite le crime ?", la Reine, et son entourage italien, est la première suspecte : elle vient d'être couronnée, elle devient régente et la perspective d'une guerre s'éloigne contre les catholiques qui règnent à Vienne, Madrid et Bruxelles. Les scènes étaient parfois violentes avec son mari, qui, à l'occasion, menaçait de la renvoyer. Mais "la grosse banquière" ne semble pas avoir cherché le pouvoir.
Autre suspect : l'Archiduc Albert de Habsbourg, marié avec l'Infante d'Espagne Isabelle, souverain, sous la suzeraineté espagnole, des "Pays-Bas espagnols" (l'actuelle Belgique, sauf Liège, + le Luxembourg et une partie de l'Artois). Il craignait, lui aussi, une guerre de la France contre les Habsbourg, à propos de la succession du Duché de Clèves, guerre qui aurait pu se dérouler en partie sur son territoire, surtout si Henri mettait en œuvre son désir d'aller "récupérer" son dernier amour, la jeune Charlotte de Montmorency, devenue Princesse de Condé, retenue contre son gré, et par la volonté de son mari, à Bruxelles.
La thèse de Jean-Christian Petitfils est que Ravaillac a été manipulé par des conspirateurs à la solde de l'Archiduc Albert.
Le seul problème est qu'il ne fournit aucune preuve convaincante.
Que l'Archiduc ait souhaité la mort du roi est crédible. Qu'il ait conspiré dans ce but est possible. De là à armer le bras de Ravaillac...
Que Ravaillac ait été vêtu "à la flamande" ne prouve rien.
Que le régicide ait été persuadé que son geste serait apprécié, "bien reçu du peuple", prouve seulement qu'il avait l'esprit dérangé des exaltés persuadés d'avoir raison, dans un climat général d'intolérance religieuse, ravivée par l'appui apporté par le roi de France aux princes protestants contre Rodolphe II, Empereur du Saint Empire romain germanique.
Henri avait déjà échappé à une vingtaine de tentatives de meurtre. Il n'est pas étonnant que l'une d'elles finissent par aboutir.
Reste une certitude : "son assassinat a magnifié l'homme", devenu un des rois les plus populaires de l'Histoire de France.
Et une question : le régicide n'a-t-il pas favorisé le renforcement de l'absolutisme monarchique ?
"En politique, les apparences ont autant de poids que les réalités"
"Un quinquagénaire affolé par une nymphette" ; "Chez le Vert galant, le démon de midi s'attardait infatigablement"
08:01 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire
23/02/2011
une vie chinoise
Une vie chinoise
1. Le temps du père
P Ôtié et Li Kunwu
Editions Dargaud
LA Chine contemporaine à travers la vie du dessinateur Li Kunwu qui raconte, avec humour, qu'il a appris à dessiner en faisant des portraits de Mao pour le besoins de la propagande, "soldat dessinateur". "Ce qui compte avant tout, c'est la profondeur de ton sentiment pour le président. Ton adresse au crayon n'est que secondaire".
P. Ôtié a été le scénariste de l'histoire.
Le premier tome va de la prise du pouvoir par Mao (le "père", la référence absolue) jusqu'à la mort de celui-ci. De Xiao Li (petit Li) à Lao Li, en attendant de devenir Li Kunwu.
A travers le "Grand bond en avant" puis la "Révolution culturelle" à l'aide du "petit livre rouge" et des jeunes "gardes rouges", les excès de l'idéologie, conduisant à la folie des hommes, et à la famine (entre 5 et 10 millions de morts de faim pour le "Grand bond en avant" ; 17 000 morts et 67 000 blessés pour la "Révolution culturelle"), avant que les "comités révolutionnaires" ne soient chargés de rétablir l'ordre, et 16 millions de "gardes rouges" expédiés à la campagne.
Les fameux "dazibaos" n'étaient pas le fleuron de la libre expression, mais le moyen de propager des ragots et de dénoncer les "ennemis du peuple", dont le père de l'auteur, cadre du parti, partisan de Deng Xiao Ping, mis en "rééducation".
Les dessins en noir et blanc évoquent la peinture au pinceau de l'art et de la calligraphie chinois.
"Il y a encore à manger. Les patates sont cuites. On ajoute la viande. Ce n'est pas la peine de péter" (Président Mao)
09:09 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd, histoire