16/05/2017
journal d'un conseiller à Matignon
Désintégration
Texte : Matthieu Angotti
Dessin : Robin Recht
éditions Delcourt
Matthieu Angotti était conseiller auprès du Premier Ministre Jean-Marc Ayrault. Il raconte, Robin Recht met en dessins, très sobres, et en scène. Ils racontent Matignon à partir d'un exemple concret : la réforme de la politique d'intégration, en 2013, sa préparation et sa "désintégration".
Matthieu a 35 ans, il vient du milieu associatif, après n'avoir fait "que" HEC, au milieu de tous ces Enarques. Afin d'inspirer le futur plan gouvernemental, il créé des groupes de travail inter-ministériels, largement ouverts aux associations.
Avec sa "correspondante" au ministère de l'intérieur, conseillère auprès de Manuel Valls, "le courant passe bien si l'on évite de parler des Roms et des demandeurs d'asile."
"Les Roms n'ont rien à voir avec les Gitans qui sont Français depuis des siècles. Les Roms sont sédentaires, ne jouent pas de la guitare et rêvent d'un appartement. Ce sont des migrants pauvres. Ils s'installent où ils peuvent en bricolant des bidonvilles."
"Tout le monde aime défendre les pauvres, l'intégration, c'est une autre histoire."
"Cessons de tout mélanger. Il y a l'immigration d'un coté, et c'est un vaste sujet. Il y a l'intégration de l'autre. Ce ne sont pas des étrangers de passage, ni tout juste arrivés. Ce sont des gens qui sont là pour longtemps et même, pour l'essentiel, nés en France."Le but est de lutter contre les discriminations "avec cette folie du renvoi systématique aux origines."
"Je veux fonder notre action sur l'accès de tous au droit commun pour que la Nation demeure et se renforce avec des citoyens dont la diversité d'origine, de culture et de religion est plus vaste aujourd'hui qu'hier." (Jean-Marc Ayrault, Premier Ministre).
"Pas de dérive vers les controverses ethniques ou religieuses, juste le droit commun pour tous."
Angotti pense à son aïeul qui a quitté la pauvreté de la Calabre pour construire une nouvelle vie en France. Plus personne ne doute des capacités d'intégration des "Ritals".
Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, n'est pas vraiment sur la même longueur d'onde : "les Roms ont vocation à retourner en Roumanie ou en Bulgarie". L'expulsion de Léonarda, Rom originaire du Kosovo, arrêtée lors d'une sortie scolaire donnera un éclairage médiatique à la question.
Epilogue : Après le remplacement de Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls, malgré la publication du poste au Journal Officiel, aucun Délégué interministériel chargé des politiques d'intégration n'a jamais été nommé, aucun plan d'action gouvernemental n'a été mis en œuvre.
Le nouveau Premier Ministre, Espagnol parfaitement intégré, considère probablement qu'il n'y a pas besoin de mesures spécifiques pour y parvenir...
"Ô joie d'être à l'endroit où il faut être. Entre soi. En oubliant le monde autour."
Anecdote : "tout le monde a pleuré la mort de Bérégovoy, mais Balladur a interdit aux secrétaires d'aller aux obsèques."
15:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
13/05/2017
Caricatures contre la guerre
Exposition du 18ème Salon international de
caricatures contre la guerre
Centre culturel de Serbie (face au Centre Pompidou)
Kragujevac, en Serbie, est l'équivalent de notre Oradour. En octobre 1941, l'armée allemande y a massacré 3.000 civils, dont de nombreux jeunes arrêtés dans leur collège ou leur lycée.
En souvenir de cette tragédie, la ville a créé, en 1981, un Salon biennal international de la caricature contre la guerre.
L'exposition présentée au centre culturel serbe de Paris a déjà été présentée, après Kragujevac, dans les locaux de l'Union européenne à New-York ainsi qu'au siège de la Commission européenne à Bruxelles.
Elle donne à voir 86 œuvres retenues par le jury parmi les 793 qui lui avaient été envoyées.
Elle regardant ces dessins pacifistes pleins d'humour, mon esprit était rempli du souvenir des horreurs de la guerre d'éclatement de la Yougoslavie. Horreurs dont les populations serbes furent souvent victimes, mais dont l'armée serbe fut trop souvent responsable...
18:10 Publié dans expo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : expo
12/05/2017
Ni César, ni tribun !
En marche vers une autre façon de faire de la politique, en effet.
Pas de parti avec des instances élues qui pourraient contrarier. Pas de consultation des militants de base réduits à distribuer des prospectus en rêvant qu'ils seront choisis pour être candidats.
Pas de primaires, donc pas de consultation des citoyens à bulletins secrets : une auto-désignation suivie de cooptations.
Il est vrai que le nouveau président de la république n'est pas le seul à s'être affranchi des partis politiques qui, il est vrai, ne manquent pas de défauts.
Je ne suis pas certain que cette nouvelle façon de faire de la politique soit plus démocratique, et donc plus durable.
En attendant de voir comment cette méthode évoluera, elle n'est pas "ma tasse de thé"...
18:45 Publié dans vie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : en marche
07/05/2017
Comme s'ils n'existait plus de fascistes aujourd'hui.
L'administrateur provisoire
Alexandre Seurat
éditions du Rouergue
L'auteur apprend que son arrière grand-père a été "administrateur provisoire" de biens de juifs spoliés pendant la guerre. Confronté au silence des aînés de la famille, il se plonge dans les archives du "Commissariat général aux questions juives." Il imagine, sous forme de roman, le sort de trois de ces familles juives spoliées. C'est une page sombre de son histoire familiale qui ressort, reflet d'une période peu glorieuse pour notre pays.
Parmi ces familles, celle de Pierre Dreyfus, "fils du trop célèbre Alfred Dreyfus". "Il a aidé son père à écrire ses mémoires, il les a publiés, il rejoindra bientôt les Forces Françaises Libres". "Que Dreyfus soit capable de trahir, je le conclus de sa race" écrit l'aïeul.
Conformément à la loi du 22 juillet 1941 "relative aux entreprises biens et valeurs appartenant aux juifs", décrétée par "Nous, Maréchal de France", "l'administrateur provisoire a de plein droit, les pouvoirs les plus étendus".
Sont concernées toutes les entreprises ayant plus d'un tiers de juifs dans leur conseil d'administration.
"La loi française ne fait nullement reposer la définition juridique du Juif sur le critère religieux. Elle se contente de l'utiliser comme élément de discrimination." (règlement du Commissariat aux questions juives)
L'administrateur provisoire prend possession des biens, dresse l'inventaire, fait un appel d'offres ou liquide.
"Certains subtilisent, falsifient, extorquent par le chantage, s'arrangent pour racheter avec l'idée de revendre très vite beaucoup plus cher (ce que les règlements vichystes interdisent formellement). Le produit de la vente est bloqué sur un compte à la Caisse des dépôts".
Ceux qui sont déportés, via Drancy ou Pithiviers, ceux qui parviennent à s'enfuir ne réclament rien, ne touchent rien...
En juin 1943, l'arrière grand-père est relevé de ses fonctions. Son successeur se plaint de toutes ses irrégularités. Il s'est attribué des honoraires "significatifs", pris sur les biens confisqués. Il a "prélevé plus de deux fois plus que ce à quoi les règlement vichystes l'autorisaient."
En 1947, est mis en place, au ministère de la Justice, un "service de contrôle des administrateurs provisoires. En 1952, le dossier de l'arrière grand-père est classé "à titre interruptif de prescription". "Il n'a jamais été jugé, il a vécu tranquille après ça."
Il faudra attendre 1997 pour mesurer toute l'ampleur de la spoliation des Juifs de France.
07:28 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, littérature
06/05/2017
"La France ne peut pas se retrouver sans retrouver le monde"
François Mitterrand
Michel Winock
Biographies NRF Gallimard
J'ai rencontré François Mitterrand en 1969, à l'occasion de la sortie de "Ma part de vérité" qui a été mon premier livre politique.
J'ai eu l'occasion de lui parler alors que j'étais Secrétaire national des cheminots socialistes, juste avant 81. Je lui avais dit alors que l'âge de départ à la retraite devait être différencié en fonction de la pénibilité du travail. Les cheminots travaillant dans les bureaux n'avaient aucune raison de partir à 55 ans, comme ceux qui travaillent en 3X8, comme c'était mon cas...
J'ai eu Michel Winock comme professeur (maître assistant) d'Histoire à l'université.
De nombreux livres ont été écrit sur François Mitterrand, généralement par des journalistes, ou par certains de ses proches, politiques ou personnels. On a même fait parler son chien Baltique...A ma connaissance, c'est la première fois qu'un historien universitaire se livre à l'exercice. Il cite beaucoup les autres ouvrages sur l'objet de son étude, généralement en soulignant les contradictions.
En 78, candidat suppléant député aux législatives, j'ai vraiment cru que nous allions "changer la vie". Un an plus tard, au Congrès de Metz, j'étais beaucoup plus sceptique sur la "rupture immédiate avec le capitalisme". Au cours de ses deux septennats, exemple qui restera unique dans l'histoire de France, François Mitterrand a été "un concentré sur ce que l'on peut faire". Plus pragmatique qu'idéologue. "Radicalité dans le discours, possibilisme dans les actes."
Je l'ai écouté deux fois s'adresser au Parlement européen. Dans les deux cas des discours qui ont marqué.
Les socialistes français ne sont pas spontanément favorables à la construction européenne. J'ai assisté en direct à la façon dont le Président a amené les parlementaires européens socialistes français à soutenir le rapport Spinelli, fédéraliste, dont ils ne voulaient pas, pour la majorité d'entre eux. Ce n'est que face à Mitterrand que Jean-Luc Mélanchon, jeune sénateur mitterrandolâtre n'osait critiquer la construction européenne.
Son discours sur le thème "le nationalisme, c'est la guerre" est resté gravé dans ma mémoire."
"Il était sûr de l'influence que retrouverait une France résolue à travers une Europe forte, par quoi se poursuivrait l'épopée française."
"Il a inscrit son action dans un temps qui dépassait celui de son existence." "Mitterrand ou l'homme qui médite sur les tombes."
"La mort redonna à François Mitterrand tout son lustre."
18:19 Publié dans vie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, présidentielle