10/03/2012
le chef d'oeuvre d'Octavio Paz
Le labyrinthe de la solitude
Suivi de Critique de la pyramide
Octavio Paz
Prix Nobel de littérature 1990
Editions NRF Gallimard
1949 (excellente année), Octavio Paz est à Paris. Il occupe un poste subalterne à l'ambassade du Mexique. Il a du temps libre, en particulier pendant les vacances. Il se plonge dans la rédaction d'un essai sur "l'essence du Mexique" et des Mexicains.
Son texte dépasse de loin ce cadre. Non seulement le "Labyrinthe" se veut "une dénonciation passionnée de la société moderne dans ses deux versions, capitaliste et totalitaire", mais il souligne que "nous devons penser pour notre compte, afin d'affronter un futur identique pour tous". "Chacun dépend des autres, il réclame leur présence", dans "le labyrinthe de la solitude". "Les masses modernes sont des conglomérats de solitaires", selon "le rythme double de la solitude et de la communion".
"Nous allions à la recherche de nous mêmes et nous avons rencontré les autres".
"Chaque homme recèle la possibilité d'être, ou plus exactement d'être à nouveau, un autre homme"
"La femme ne cherche pas, elle attire. Dans la vie quotidienne, sa fonction est de faire régner la loi et l'ordre, la piété et la douceur"
"Dis moi comment tu meurs, je te dirai qui tu étais"
"Les Espagnols, en arrivant au Mexique, rencontrèrent des civilisations complètes et raffinées" ; "ensemble de peuples, nations et cultures autonomes, avec leurs traditions propres, exactement comme le monde méditerranéen"
"La conquête du Mexique serait inexplicable sans la trahison des dieux, qui renièrent leur peuple"
"Les dieux ne sont pas de simples représentations de la nature. Ils incarnent aussi les désirs et la volonté d'une société qui se divinise en eux" ; "l'homme invente des dieux à sa ressemblance"
"L'Espagnol est simple : il insulte Dieu parce qu'il croit en lui"
"Les idées et le travail comptent peu. La seule valeur est la virilité qui s'impose par elle même"
"Tous pensent, avec un optimisme hérité de l'Encyclopédie, qu'il suffit de décréter de nouvelles lois pour que la réalité soit transformée"
"Le positivisme offre une nouvelle justification aux hiérarchies sociales. Mais ce n'est plus le sang, ou l'héritage, ou Dieu qui expliquent les inégalités : c'est la Science".
"Toute révolution tend à établir un âge mythique"
"L'amour est scandale et désordre, transgression : celle de deux astres qui rompent la fatalité de leurs orbites et se rencontrent" ; "Dans notre monde, l'amour est une expérience à peu près irréalisable. Tout s'oppose à lui : la morale, les classes, les lois, les races et jusqu'aux amoureux eux-mêmes"
"Vivre, c'est se séparer de celui que nous avons été pour nous interner dans celui que nous allons être, dans un avenir toujours étranger"
"Nous vivons en orphelins du passé, et avec un avenir à inventer. L'histoire universelle est une tâche commune. Et notre labyrinthe, celui de tous les hommes"
La "Critique de la pyramide" a été écrite vingt ans plus tard. "La critique de l'autre commence par la critique de soi-même" ; "La critique nous dit que nous devons apprendre à renverser les idoles, apprendre à les annuler en nous-mêmes"
"La définition de l'homme comme être qui travaille doit être échangée comme celle de l'homme être qui désire"
"Ou bien le Mexique développé absorbe et intègre l'autre, ou bien le Mexique sous-développé, par le simple poids mort de la croissance démographique, finira par asphyxier le Mexique développé"
"La valeur suprême n'est pas l'avenir : c'est le présent. L'avenir est un temps fallacieux qui ne cesse de nous dire : "l'heure n'est pas venue", ce qui revient à nous nier. Le futur n'est pas le temps de l'amour : ce que l'homme aime vraiment, il l'aime maintenant"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
08/03/2012
tirer les leçons du printemps arabe
La révolution arabe
Dix leçons sur le soulèvement démocratique
Jean-Pierre Filiu
Editions Fayard
Jean-Pierre Filiu est un universitaire, spécialiste du monde arabe, reconnu internationalement. Il y a quelque temps, j'avais parlé dans ce blog de son livre "Mitterrand et la Palestine".
Première leçon : "les Arabes ne sont pas une exception" :
"Les Arabes ne furent unis sous le même drapeau que dans les premiers temps de l'islam, quand l'expansion du jihad les projeta du Golfe vers l'Océan"
"La paix de Camp David a prouvé comment un Traité avec Israël garantissait un soutien occidental, à la fois durable et substantiel"
"Le Pakistan a été transformé en défense avancée du camp occidental face à la poussée de l'armée rouge" ; "La dictature islamisante fut consolidée avec le soutien des Etats-Unis"
"La Perestroïka a déstabilisé, dans tout le monde arabe, les systèmes de parti unique inspirés du modèle soviétique"
"L'épouvantail de la République islamique iranienne servit à justifier l'impunité des gardes prétoriennes, en Irak comme en Algérie"
"L'Amérique avait bel et bien pris parti : elle donnait une priorité absolue à la stabilité régionale et aux accords de paix avec Israël"
Deuxième leçon : "Les musulmans ne sont pas que musulmans"
"La différenciation entre les sphères politique et religieuse a été amorcée dès le milieu du VIIIe siècle"
"C'est Sadate qui a fait, en 1971, inscrire dans la Constitution que l'islam est la religion de l'Etat"
Troisième leçon : "La jeunesse est en première ligne"
"Le chômage de la jeunesse arabe est deux fois supérieur à la moyenne internationale"
"La priorité absolue est accordée à des profits rapides et substantiels"
"Les diplômés de l'université sont trois fois moins employés que les travailleurs non qualifiés"
"Le paternalisme social se heurte aux tendances prédatrices de la clique dirigeante"
"On a le futur pour lequel on se bat" (place Tahrir)
Quatrième leçon : "Les réseaux sociaux ne font pas le printemps"
"Il n'y a pas eu de révolution 2.0, mais un nouvel instrument dans la boîte à outils révolutionnaire"
Cinquième leçon : "On peut gagner sans chef"
"Il se pourrait que la dynamique acéphale du soulèvement démocratique, parfois ignorée au profit de la concentration sur la génération Facebook, soit la véritable nouveauté de cette révolution arabe"
"Les protestataires ne veulent pas tuer le père-dirigeant, ils veulent qu'il "dégage"
"Les régimes en place ont systématiquement éliminé toute concurrence potentielle, en conjuguant la répression et la cooptation"
"C'est parfois la tribu qui compense le filet de sécurité sociale, détruit par les programmes de libéralisation"
Sixième leçon : "L'alternative à la démocratie est le chaos"
"La fermeture du champ politique jeta dans l'activisme violent toute une partie de la mouvance islamiste"
"Les autocrates de la région s'enrôlèrent d'autant plus volontiers dans la "guerre contre la terreur" qu'ils pouvaient assimiler leur opposition intérieure aux partisans et sympathisants d'Al-Qaïda"
"Le chaos devenait littéralement la règle à mesure que les instincts prédateurs de la clique dirigeante gagnaient en voracité"
"La liquidation physique et les punitions collectives devinrent des ripostes systématiques pour étouffer la moindre voix dissidente"
"La révolution arabe a enterré l'alternative dictature ou islamisme, qui avait été une aubaine historique pour tous les autocrates"
"La seule alternative à la démocratie est le chaos : c'est bien pourquoi les dictateurs s'acharneront à rendre le plus chaotique possible la transition démocratique"
Septième leçon : "Les islamistes sont au pied du mur"
"Durant les années 80, les Frères musulmans, ralliés au légalisme et les wahhabites, au salafisme sourcilleux, coopérèrent pour étendre l'influence islamiste dans tout le monde arabe"
"Les Frères musulmans se trouvèrent partout pris entre le marteau de la répression étatique et l'enclume de l'escalade extrémiste"
"Les Frères musulmans soignent leur image de défenseurs de l'ordre et de la sécurité"
"La seule variable commune aux divers islamistes arabes est d'avoir été pris de court par le soulèvement démocratique ; ils ne sauraient prétendre l'avoir provoqué ni inspiré"
Huitième leçon : "Les jihadistes n'intéressent plus que les dictateurs"
"Le mouvement démocratique est parvenu à renverser en quelques semaines les régimes de Ben Ali et de Moubarak que la terreur jihadiste s'était avérée incapable de déstabiliser au fil des ans. Cet échec historique s'accompagne de l'effondrement de deux des piliers de sa vision et de son programme : le refus absolu des élections et la dénonciation de la "trahison" des Frères musulmans"
"La vague démocratique prive Al-Qaïda de discours, de programme, de perspective et d'assise"
Neuvième leçon : "La Palestine au cœur demeure"
"Les paraboles satellitaires, parfois légales, le plus souvent tolérées, ont brisé le mur de l'ennui des télévisions gouvernementales" ; "Al-Jazira tranchait par ses débats virulents et ses empoignades enflammées"
"L'opération "plomb durci", sur Gaza est un moment traumatique sans doute aussi important pour cette génération que le fut le choc du désastre de juin 1967 pour ses grands-parents" ; "Ces images révoltantes sont diffusées par les chaînes arabes"
"Beaucoup de futurs animateurs de la contestation populaire manifestent à cette occasion contre la guerre de Gaza"
"La solidarité avec la Palestine demeure "l'autoroute pour le cœur des Arabes"
"A Gaza, les énergies islamistes, détournées d'Israël, travaillent de plus en plus à corseter la population locale dans un ordre moral sans précédent"
Dixième leçon : "La renaissance n'est pas une partie de domino"
"La révolution arabe œuvre à rendre à la vie un corps social paralysé par les différents autocrates, leurs cliques prédatrices et leurs polices débridées"
"Le mur de Berlin des Arabes était le mur de la peur"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
07/03/2012
Iznogoud en campagne électorale
Iznogoud Président
Textes de Nicolas Canteloup et Laurent Vassilian
Dessins de Nicolas Tabary
IMAV éditions
L’immonde vizir Iznogoud, personnage créé par Goscinny et Tabary, ressuscite. Les dessins sont de Tabary fils, Nicolas, et la fille Goscinny a revu le texte de l’humoriste-imitateur Nicolas Canteloup, associé à Laurent Vassilian.
Le personnage d’Iznogoud ressemble à un autre Nicolas, agité et colérique, et qui souffre d’un complexe du fait de sa petite taille. Il veut devenir président, et doit faire une campagne électorale, démagogique, pour cela : « le président du pouvoir d’Aïcha », « travailler plus pour gagner plus…de coups de fouet », « ensemble tout est passible…d’une amende ». Avec visite du salon de l’agriculture, scandale sexuel touchant un concurrent, sondages, débat, etc.
Son adversaire a décidé de maigrir pour augmenter ses chances.
Iznogoud président ?
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bd
03/03/2012
Artemio Cruz est mort
La mort d’Artemio Cruz
Carlos Fuentes
Folio n°856
Artemio Cruz est mort. Ancien combattant de la Révolution, devenu député, fort riche pour avoir su détourner à son profit la révolution agraire, « à l’époque où Juarez mit en vente les biens du clergé et où un commerçant, à condition d’avoir quelques petites économies, pouvait se rendre maître d’immenses terres » (comme dans l’Angleterre de Cromwell et la France révolutionnaire…), ayant oublié son idéal pour assouvir sa soif de puissance. « Tu ne seras pas coupable de la morale que tu n’as pas créée ». Sa mort est l’occasion de revoir sa vie : 1941, 1919, 1913, 1924, 1927, 1947, 1915, 1934, 1939, 1955, 1903, et pour finir 1889, année de sa naissance. Rien de linéaire donc. « En choisissant, tu cesseras d’être tous les hommes que tu aurais pu être. ». « La mémoire est le désir satisfait, aujourd’hui que ta vie et ton destin ne font qu’un ».
Plus facile à comprendre avec une connaissance minimum de l’histoire contemporaine mexicaine.
« Les femmes s’habituent à tout : cela dépend de l’affection qu’on leur donne »
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
01/03/2012
Le Clézio et le Mexique
Le rêve mexicain
J.M.G. Le Clézio
Prix Nobel de littérature 2008
Folio "essais" n°178
1517 : Hernan Cortés, représentant de la Renaissance espagnole, rencontre, puis affronte, l'Empereur aztèque Moctezuma.
Le Clézio s'appuie sur les récits du soldat Bernard Diaz del Castillo, puis du franciscain Bernardino de Sahagun.
Avec cette question finale : que serait devenue notre civilisation si elle n'avait pas détruite celle des Aztèques ? "Comment auraient évolué ces civilisations, ces religions ?" "Quelle philosophie aurait pu grandir ?" Que serait notre monde si les valeurs de cette civilisation n'avaient pas été exterminées ? "De quelle richesse les Conquérants européens nous ont-ils privés ?"
"L'homme d'Occident doit réinventer tout ce qui faisait la beauté et l'harmonie des civilisations qu'il a détruites"
"C'est l'extermination d'un rêve ancien par la fureur d'un rêve moderne"
"De la verroterie contre de l'or, excrément du soleil, l'ère coloniale pouvait commencer"
"Les véritables symboles de la Conquête : les chaînes et les lingots"
"Ce qu'on appelle la civilisation : l'esclavage, l'or, l'exploitation des terres et des hommes, tout ce qui annonce l'ère industrielle"
"Sans l'or, sans la matière première, sans le travail des esclaves surtout, quel eût été le sort de l'Europe et de sa "révolution industrielle ?"
"Le rituel cruel et sanglant du peuple aztèque n'est pas un décor ; il est la vie, il est la mort, somptueux et chatoyant avec ses masques, ses costumes, sa "regalia" de plumes d'or et de turquoises"
"Il n'y a sans doute pas eu dans l'histoire du monde peuple plus occupé par le sang"
"Le sang est le symbole de cette ivresse mystique, qui permet la rencontre entre les hommes et les dieux"
"Les chants et les danses ne sont pas seulement des prières ou des actions de grâce. Ils sont aussi des scènes magiques qui matérialisent les forces mystérieuses de l'au-delà."
"C'est le mythe des Amazones qui guide les Conquérants vers le Nouveau Monde"
"Les grands mythes de genèse sont ceux qui se répondent d'une civilisation à l'autre"
"Le mépris du civilisé pour le barbare a pour corollaire l'admiration, l'envie, une sorte d'aspiration refoulée"
"Derniers visionnaires du monde moderne, les Indiens, confrontés à la violence de la Conquête européenne, trouvent dans l'illusion de l'immortalité la force d'un combat sans espoir"
"C'est la foi religieuse qui soutient la lutte des peuples barbares contre l'envahisseur chrétien. Il s'agit bien d'une guerre sainte".
"Le message d'amour et de justice des premiers missionnaires où s'exprimaient les concepts moraux de la Renaissance, ne pouvaient rencontrer que l'incompréhension, puis la méfiance au fur et à mesure que ces paroles étaient contredites par la brutalité des Conquérants militaires, spoliateurs et faiseurs d'esclaves"
"Le rêve barbare, commencé dans l'ivresse d'une guerre sainte contre les envahisseurs, est devenu au long des siècles symboles du désespoir et de la mort"
"La mort est la seule issue pour les derniers nomades, devenus hors-la-loi"
"Pour les Mayas, comme pour les Aztèques, le but n'était pas la maîtrise des lois de l'univers, mais la perception de la destinée"
"La vie sur la terre n'est qu'un bref instant entre le chaos initial et le chaos final"
"L'homme naquit d'une flèche envoyée par le soleil"
"Il y a une inquiétude personnelle, une interrogation sur soi-même et sur le monde qui est le propre de la création littéraire"
08:00 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature