01/03/2012
Le Clézio et le Mexique
Le rêve mexicain
J.M.G. Le Clézio
Prix Nobel de littérature 2008
Folio "essais" n°178
1517 : Hernan Cortés, représentant de la Renaissance espagnole, rencontre, puis affronte, l'Empereur aztèque Moctezuma.
Le Clézio s'appuie sur les récits du soldat Bernard Diaz del Castillo, puis du franciscain Bernardino de Sahagun.
Avec cette question finale : que serait devenue notre civilisation si elle n'avait pas détruite celle des Aztèques ? "Comment auraient évolué ces civilisations, ces religions ?" "Quelle philosophie aurait pu grandir ?" Que serait notre monde si les valeurs de cette civilisation n'avaient pas été exterminées ? "De quelle richesse les Conquérants européens nous ont-ils privés ?"
"L'homme d'Occident doit réinventer tout ce qui faisait la beauté et l'harmonie des civilisations qu'il a détruites"
"C'est l'extermination d'un rêve ancien par la fureur d'un rêve moderne"
"De la verroterie contre de l'or, excrément du soleil, l'ère coloniale pouvait commencer"
"Les véritables symboles de la Conquête : les chaînes et les lingots"
"Ce qu'on appelle la civilisation : l'esclavage, l'or, l'exploitation des terres et des hommes, tout ce qui annonce l'ère industrielle"
"Sans l'or, sans la matière première, sans le travail des esclaves surtout, quel eût été le sort de l'Europe et de sa "révolution industrielle ?"
"Le rituel cruel et sanglant du peuple aztèque n'est pas un décor ; il est la vie, il est la mort, somptueux et chatoyant avec ses masques, ses costumes, sa "regalia" de plumes d'or et de turquoises"
"Il n'y a sans doute pas eu dans l'histoire du monde peuple plus occupé par le sang"
"Le sang est le symbole de cette ivresse mystique, qui permet la rencontre entre les hommes et les dieux"
"Les chants et les danses ne sont pas seulement des prières ou des actions de grâce. Ils sont aussi des scènes magiques qui matérialisent les forces mystérieuses de l'au-delà."
"C'est le mythe des Amazones qui guide les Conquérants vers le Nouveau Monde"
"Les grands mythes de genèse sont ceux qui se répondent d'une civilisation à l'autre"
"Le mépris du civilisé pour le barbare a pour corollaire l'admiration, l'envie, une sorte d'aspiration refoulée"
"Derniers visionnaires du monde moderne, les Indiens, confrontés à la violence de la Conquête européenne, trouvent dans l'illusion de l'immortalité la force d'un combat sans espoir"
"C'est la foi religieuse qui soutient la lutte des peuples barbares contre l'envahisseur chrétien. Il s'agit bien d'une guerre sainte".
"Le message d'amour et de justice des premiers missionnaires où s'exprimaient les concepts moraux de la Renaissance, ne pouvaient rencontrer que l'incompréhension, puis la méfiance au fur et à mesure que ces paroles étaient contredites par la brutalité des Conquérants militaires, spoliateurs et faiseurs d'esclaves"
"Le rêve barbare, commencé dans l'ivresse d'une guerre sainte contre les envahisseurs, est devenu au long des siècles symboles du désespoir et de la mort"
"La mort est la seule issue pour les derniers nomades, devenus hors-la-loi"
"Pour les Mayas, comme pour les Aztèques, le but n'était pas la maîtrise des lois de l'univers, mais la perception de la destinée"
"La vie sur la terre n'est qu'un bref instant entre le chaos initial et le chaos final"
"L'homme naquit d'une flèche envoyée par le soleil"
"Il y a une inquiétude personnelle, une interrogation sur soi-même et sur le monde qui est le propre de la création littéraire"
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29/02/2012
Tintin au Mexique ?
Tintin et les Picaros
Hergé
Editions Casterman
En 1949, excellente année, Tintin retrouve le "San Théodoros", les Araumbayas, et leur ethnologue qui ne cherche pas à comparer les civilisations, le dictateur général "Tapioca" et son opposant, le général "Alcazar" et ses guérilleros, les "Picaros". Alcazar est marié à une mégère en bigoudis qui a le mauvais goût de se prénommer Peggy.
Les sombreros et la pyramide "paztèque" pourraient nous faire croire que nous sommes au Mexique.
C'est le temps du carnaval, comme à Rio, ou à Bintje.
Ce ne sont plus les compagnies pétrolières qui alimentent la guerre civile, mais la "banana company", allusion directe au rôle de "l'United Fruits" dans les guerres civiles en Amérique centrale.
Comme toujours, Tintin parviendra à vaincre sans violence, et parvient même à faire abolir la peine de mort...au "San Theodoros".
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25/02/2012
le grand classique de la littérature mexicaine
Juan Rulfo
Pedro Paramo
Folio n°4872
“Dans la violence de Pedro Paramo, l’on perçoit le mouvement circulaire du temps, la cruelle harmonie du chaos, l’ironie des plus anciens rêves de l’homme », écrit J.M.G. Le Clézio dans son essai « Le rêve mexicain ».
« Pedro Paramo », unique roman de Juan Rulfo, est considéré comme le grand classique de la littérature mexicaine. Le lecteur y retrouve l’illustration des mythes ancestraux mexicains : les vivants vivent avec les morts et leur parlent. Et réciproquement. Les morts se parlent aussi entre eux. Il y en a même qui parlent tout seul, comme chez les vivants.
L’histoire se passe il y a un siècle, dans un Mexique rural, où la lutte pour la terre est omniprésente, où l’exode vers la ville a déjà commencé, où les propriétaires ont tous les droits, malgré le passage de partisans de Pancho Villa, que fuyaient les parents de l’auteur.
Juan part à la recherche de son père, Pedro Paramo, dont il découvrira la vie, la mort, et qu’il n’est pas son seul bâtard.
« Toi, Tu ne t’occupes que des âmes. Et ce que je veux de lui, c’est son corps. Nu et brûlant d’amour, bouillant de désirs. »
« Mais pourquoi faut-il toujours que les femmes aient un doute ? »
« Pourquoi crois-tu te mêler de la révolution ? Si c’est pour demander la charité, tu es complètement dépassé ? »
« Je ne me lassais pas de regarder cette apparition, qui était toi. Douce, lustrée de lune ; ta bouche bouillonnée, mouillée, irisée d’étoiles ; ton corps se diluant dans l’eau de la nuit ».
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22/02/2012
entre guerre civile et guerre des frontières
L'oreille cassée
Hergé
Editions Casterman
Une petite relecture de "l'Oreille cassée", parue en feuilleton en 1937, avant un voyage en Amérique latine.
Afin d'éprouver la sensation d'une supériorité de "notre" civilisation ?
Rappel, non pas des élucubrations de Guéant mais de l'histoire : une statuette, à l'oreille cassée, des "Arumbayas", peuple amazonien, a été volée au musée. Tintin part à sa recherche. Il se retrouve au "San Theodoros", en proie à la guerre civile entre les généraux "Tapioca" et "Alcazar", et en pleine préparation d'une guerre contre le "Nuevo Rico", pour un tracé de frontières dans une zone pétrolière. Bien entendu les compagnies pétrolières américaines sont directement impliquées, suivies de près par les marchands d'armes.
Un rappel de la guerre du "Chaco" entre la Bolivie et le Paraguay (1932 / 1935)
Une anticipation de la guerre qui fera des milliers de victimes au Biafra.
Les conspirations et les "fidélités successives" mettent de l'animation.
Morale de l'histoire, même s'il n'y a plus de dictature militaire en Amérique latine : il faut aller au delà des apparences, et creuser un peu.
Merci Platon et La Fontaine !
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21/02/2012
la violence, symbolique, en politique
Tous les coups sont permis
De Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique
Renaud Dély et Henri Vernet
Editions Calmann-Lévy
Renaud Dély est directeur de la rédaction du Nouvel Observateur et Henri Vernet est rédacteur en chef adjoint du "Parisien".
Ils placent leur livre dans la perspective de la compétition électorale de cette année.
"Bien plus que ses prédécesseurs, le président sortant a contribué à hystériser la politique"
"Nicolas Sarkozy a piétiné les règles de la bienséance et repoussé les limites de la provocation".
"Ce président là ne rassemble pas, n'apaise pas, ne cajole pas ; il scinde, il divise, il oppose".
A tout "saigneur", tout honneur, ils commencent avec "le président qui humilie les siens".
"La fidélité, c'est pour les sentiments" (N.S.)
"Il gouverne par la crainte, par la menace et l'autorité, plutôt que par la confiance et la motivation".
"Le limogeage appris à la télévision, c'est un classique pour les ministres virés"
"La politique est violente par essence. Cela en fait même un extraordinaire observatoire de l'humanité, de sa beauté et de sa laideur" (Christine Boutin)
Ils continuent avec "les vraies haines des faux jumeaux de la gauche", les compétiteurs de la "primaire" socialiste.
Un chapitre rappelle les duels passés : Mitterrand et Rocard, Chirac et Giscard, puis Balladur, Jospin et Fabius...
"Au fond, je n'ai jamais eu envie de tuer" (M.R.)
"Les guerres civiles, celles où l'on se déchire à belles dents au sein de son propre camp, sont les plus sanglantes"
Chez les Le Pen, la violence se transmet de père en fille(s).
"La politique est un combat. C'est même l'apprentissage de la misanthropie" (J.M. Le Pen)
Deux chapitres sont consacrés à ceux qui sont "tombés au champ d'horreur", et ceux qui sont "passés par la case justice", et ne s'en sont pas toujours relevés. Ou qui auront du mal à s'en remettre, même sans condamnation autre que médiatique.
"Passer de ministre à promeneur de son chien demande un énorme travail sur soi"
Le dernier chapitre, peut-être le plus intéressant, montre à quel point la politique se fait au détriment de la vie de famille, en particulier de la vie de couple, même si "la famille fait désormais partie intégrante du plan com' du responsable politique".
"On ne soupçonne pas les sacrifices qu'implique la vie aux côtés d'un conjoint engagé en politique". "Par définition, l'homme politique est dans un perpétuel numéro de charme". "Parce que les électeurs le regardent, parce que les médias le scrutent en permanence, observent ses faits et gestes, l'homme politique doit apprendre la retenue."
"Agis avec tes mis comme s'ils devaient devenir un jour tes ennemis" (Mazarin)
"La politique est le dernier des métiers" (Déroulède)
"Ce n'est plus autour des idées, mais autour d'un clan, d'une équipe, d'un homme qu'on part au combat"
"En politique vous ne pouvez être amis qu'avec ceux qui ne sont pas sur le même challenge que vous, ceux qui ne visent pas le même poste que vous"
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